Marc Lambron :
quelques jours chez ma mère
Photo
© Jean-Luc Mège
Par Nadine Fageol
La sémillante Jacqueline
raconte Marc. Souvenir d'avant la célébrité, le job au Conseil d'État et
l'écrivain dont elle collectionne toutes les éditions en langues étrangères.
Entente familiale.
Rien à faire ! Cette rubrique est décidemment un exercice
de style. Après les rubans de Nicolas Fafiotte et le bain à remous de
Georges Blanc, le patron nous offre de l'écrivain d'origine lyonnaise auteur
d'un essai sur Ségolène. Mazette. Me voilà, un vendredi soir, dans mes
petits souliers à réviser le Lambron dans le texte. Je survole ses
tribulations de jeunesse réunies dans « Une saison sur la terre », plonge dans
« Mignonne, allons voir... » où comment Ségolène a décroché la timbale tout en
salopant le service de Tonton pour finalement me laisser envahir par les
follasseries des pépettes de « Sex in the city ». Désolée Monsieur Lambron, mais
dans l'épisode, le quatuor regorge de vie. A peine divorcée, la première
retrouve de la grâce à son ex sur la commode du salon. La suivante adore aller
au lit avec un mignon qui ne connaît plus que la musique une fois en position
debout. La plus téméraire badine avec l'amour au féminin, et celle qui, somme
toute, nous ressemble le plus, tourne autour d'un gâteau au chocolat, le dénude
par petites béquées pour finalement sortir le matériel du tiroir du chevet. On
devrait forcer les hommes à regarder « Sex in the City » quitte à user de la
corde et du bâillon.
Enfin samedi, arrivée chez Jacqueline Lambron, mère
de Marc, dans un banal immeuble du sixième. Nul doute, Jacqueline c'est de la
vieille dame en or massif, verte encore, coquette en plus, et elle papote,
papote. Marc ce n'est pas la même, il sort de la cuisine pas l'air content ou
méfiant ? Dans ce cas-là rien d'autre à faire que le dos rond. On laisse le
patron bien plus éduqué que moi faire l'entremetteur, et démarrer l'entretien.
L'appartement est une jungle de fleurs, vraies et fausses, de tableaux, de
dessins d'enfants, de poupées, autant de souvenirs. Dans ce joyeux bric-à-brac
Jacqueline raconte, Marc précise, Jacqueline reprend la main... Il était une fois
Marc, fils d'une institutrice de la Nièvre et d'un cadre de la Chambre de
Commerce prénommé Paul. Enfant rêveur, Marc imagine des trucs
invraisemblables. Ainsi, l'immeuble de la rue Garibaldi truffé de médecins, Marc
en déduit que chaque immeuble est équipé d'un toubib. Marc va jouer du piano
chez Thérèse qui regarde la télévision chez les Lambron. Collectivité,
échanges, peut-être un début d'explication à son vote mitterrandien de 1981 !
Autre curiosité : pourquoi sa mère passe ses journées enfermées avec quarante
enfants alors que les autres mamans du 6ème ne travaillent pas ?
Décrétant que finalement il n'était pas jaloux, il décide de « s'inventer une
vie enfantine dans ce monde d'adultes ». Mickey, Spirou, Pilote vont nourrir
ses pensées et le Parc de la Tête d'Or son imagination. Du végétal, de l'animal,
des serres immenses, le parc devient un terrain de jeu déterminant aussi fertile
et fantasque qu'un livre de Jules Verne. En plus Marc a le même âge que Lulu, la
dame singe sur son île... D'ailleurs, il s'étonne de cette nouvelle plaine
africaine et de déplorer « la disparition des kangourous, des bisons ; j'ai
vu un décor high-tech animalier mais pour ce qui est voir des animaux... ».
Tintin. Nouveau jeu à inventer ; la veille animalière au Parc de la Tête d'Or ;
prévoir casse-croûte, jumelles laser et GPS !
Revenons à notre mouton. Un tantinet inquiète, Jacqueline se demande s'il n'y
aurait pas de la graine de paresseux dans son rejeton. Zou, elle colle Marc à la
musique, le solfège pour astiquer la mémoire et la flutte traversière à longueur
de répétition. « J'ai été éduqué au pipeau dans le sixième, un quartier au
curieux urbanisme décrété géométrique au mystère entretenu derrière les rideaux ».
Du rêve enfantin, de la rigueur maternelle en milieu urbain, ça vous donne du
Lambron gentillet folasson, raide dingue des Seventies. Flutte, BD, piano... l'ado
chevelu - superbe la photo de Lambron en Mike Brant sur la deuxième de
couverture d'« Une saison sur la terre » - développe une impressionnante culture
musicale rock. En atteste sa collection de disques répertoriant le meilleur des
Beatles, Pink Floyd, Gainsbourg... Un trésor. « Mon mari
disait : fais-lui confiance ! On l'a laissé vivre... il avait de telles exigences
! ». Marc joue de la batterie dans un groupe, veut aller voir les Pink
Floyd, devient animateur fort rémunéré d'une toute nouvelle émission pour
enfants sur France 3 et se trouve totalement humilié quand France 3
Marseille le botte en touche en inventant « Casimir ». « Temporairement
riche », le jeune intermittent du spectacle disparaît en voyage. Il est en
Turquie quand survient la guerre avec Chypre. Pas un mot, pas un son... Marc a
disparu. Papa préposé à rassurer une maman aux cent coups. Enfin il se
manifeste : « J'ai rencontré une fille dans l'avion, je reste à Paris ».
Signe précurseur, une mention TB au bac, Marc s'installe pour de longues études
intelligentes à Paris. Khâgnes, Hypokhâgnes, Normale sup, Marc adore l'idée
d'apprendre en étant payé. Le plaisir gouverne ses envies, tout doit rester
plaisir. Aussi quand il se met au travail, c'est dans l'idée de ne pas se sentir
obliger d'écrire. Surtout ne pas être écrivain pour vivre, être « otage du
livre à faire ». Maintenant, comme conseiller, il se frotte à la réalité au
Conseil d'État, s'évade dans l'écriture mitonnant ses portraits de femmes lors
de paresseuses rêveries ou de constructifs échanges au jardin du Luxembourg et,
resté fidèle aux belles années, il embarque régulièrement sa nichée voir « les
dynausores » à Bercy. Croyez-en Lambron « toutes les époques sont belles ».
À Lyon, Madame mère savoure, récolte le succès en cartons d'invitation. La dame
aime tout le monde, formidable apanage de la sagesse ! On connaît maintenant la
raison du Lambron bougon à notre arrivée : on l'a surpris en plein mâchon :
saucisson-soda. Dérive parisienne probablement.
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