L'Olympique
Lyonnais
Christian Lannier - Le Progrès du
dimanche 5 mai 2002
L'OL sous l'ère Aulas :
quinze ans à grande vitesse
En quinze années, Jean-Michel Aulas a révolutionné
l'Olympique Lyonnais et s'est acharné sans se retourner. Une fois remonté
en D1, il a su s'entourer de partenaires, pour construire une entreprise
prospère.
C'est avec un homme pressé, un chef d'entreprise qu'il n'est pas aisé de
suivre, que l'Olympique Lyonnais a construit son histoire contemporaine.
Jean-Michel Aulas le président de l'OL n'a jamais laissé personne
indifférent. D'ailleurs, son destin de président du club a débuté sur un
énorme coup de tonnerre.
C'est par une belle après-midi du mois de mars 1987, dans les locaux du
Progrès que l'effet Aulas prend corps. L'un de nos confrères des
informations locales, Eric Charvet, fait une apparition surprise à
la rédaction sportive alertant l'ensemble du service et notamment
Olivier Blanc, à l'époque responsable de la rubrique football. « Je
viens de déjeuner avec Bernard Tapie dans une auberge, du côté d'Aubagne,
à l'occasion de l'émission « ambition » et il a précisé qu'il connaissait
un homme qui ferait très bien l'affaire à l'Olympique Lyonnais, un jeune
industriel ambitieux, Jean-Michel Aulas », annonce Eric.
Dès lors, la mise sur orbite de l'Olympique Lyonnais est inexorable. Entré
d'abord dans le tout nouveau club des cent industriels le 23 mars 1987,
Jean-Michel Aulas, 37 ans, intègre rapidement le comité de gestion de l'OL
pour être élu, dans la foulée, président le 15 juin 1987. Charles
Mighirian, négociant du grand marché de gros lyonnais, personnage très
impliqué dans la vie sportive lyonnaise, bouliste confirmé, et qui a tenu
le club à bout de bras dans les pires années de l'OL, celles de la
récession et de la chute en D2, s'efface logiquement au profit de
Jean-Michel Aulas.
Tout, absolument tout change à l'Olympique Lyonnais. Ce club familial,
complexé sportivement face au palmarès du grand rival stéphanois, et qui
ne doit son salut qu'à l'énergie développée par son centre de formation
dirigé par José Broissart semble happé par l'ambition dévorante,
boulimique, oppressante même de Jean-Michel Aulas. Le nouveau président ne
supporte pas la deuxième division. Lyon affronte Montceau, Cuiseaux,
Dijon, Sète, et il fait floquer sur les maillots « Lyon ville européenne
». Il entend bousculer les traditions. A peine six mois après sa
nomination à la présidence, Jean-Michel Aulas vire Robert Nouzaret.
Le 10 octobre 1987, l'OL s'incline 3-0 à Orléans. Le 11 octobre au matin,
Robert Nouzaret est licencié. Aulas le terrible entre en action. Il entend
tout contrôler et exerce une pression constante. Il bouscule tout, épluche
la presse et crie parfois au complot. Jean-Michel Aulas avance sans se
retourner. Mais il a besoin de soutien, sachant qu'il a joué pivot au
handball en nationale 2, et que le football n'est pas véritablement sa
tasse de thé.
Il s'appuie sur deux Lyonnais pure souche pour relancer l'OL.
Il débauche Raymond Domenech de Mulhouse. L'homme est intéressant,
ouvert, compétent en matière d'entraînement et connaît la maison OL. Il
associe également Bernard Lacombe (ci-dessus), qui vient de terminer sa
carrière de footballeur, rêve de retrouver sa ville et de travailler pour
le club qui l'a révélé.
Le grand saut du
6 mai 1989
Aulas fait des coups. Le 4 juillet 1988, quasiment dans la nuit, il nous
annonce qu'il vient de faire signer le meilleur ailier droit d'Argentine,
l'international Claudio Garcia, et qu'il s'agit « avec l'arrivée de
Cantona à l'OM, du plus gros transfert du football français, puisqu'il l'a
acquis pour dix millions de francs ». Le 6 mai 1989, avec Claudio
Garcia, l'OL retrouve la D1 en faisant 0-0 à Gerland contre Alès, dans
une ambiance exceptionnelle. Ce sera le premier grand succès du trio
Aulas-Domenech-Lacombe. La machine est en route. Raymond Domenech a le
souci de construire tranquillement à travers les jeunes. Il s'appuie
d'ailleurs sur les bijoux formés au club, Fugier, Ngotty,
Genesio, Garde, Roche.(...)
Jean-Michel Aulas arrive un peu à la croisée des chemins avec Raymond
Domenech. Le samedi 22 février 1992, l'OL termine à onze contre neuf
devant Istres en 32e de finale de la Coupe de France et s'incline aux tirs
au but. Un an plus tard le 7 mars 1993, sur le stade champêtre de Pont
Saint-Esprit, une équipe de D3, l'OL quitte la Coupe de France sur le
score de 1-0. Inexistant. Le 24 mai 1993, Raymond Domenech et Jean-Michel
Aulas se séparent. La période est troublée. Le public lyonnais est très
irritable, marque son impatience et n'a que faire des promesses de
Jean-Michel Aulas. « L'OL est un grand club. Il visera une place
européenne l'an prochain », dit-il pourtant en mai 1993.
L'accent de
Marseille redonne du souffle
Le 15 juin, coup de tonnerre à Gerland, Jean Tigana signe un
contrat de trois ans, en tant qu'entraîneur de l'Olympique Lyonnais. Dans
la foulée, les hommes du sud débarquent, Abedi Pelé, Pascal
Olmeta et Manuel Amoros enfilent le maillot lyonnais. « Je
suis persuadé que l'arrivée de ces hommes réveillera les sponsors
potentiels », affirme le président lyonnais. Encore une fois, après
une période assez particulière malgré des échecs retentissants en matière
de recrutement (Thomas Pfannkuch, Torben Frank notamment), Jean-Michel
Aulas a su rebondir.
Lyon joue en Nike, se modernise, donne un beau coup de pinceau au
stade de Gerland en faisant recouvrir les virages en vue de la Coupe du
monde française. Deuxième en 1994-95 derrière le FC Nantes (...), l'OL
produit du spectacle. Et Aulas tient son pari financier puisque les
sponsors se pressent aux portes de l'OL. Justin Bridou, Aosta,
Laser computer, Sodexho, Liptonic, Digital,
Abilis, Vediorbis s'accrochent au maillot. Aulas prend tout.
Infogrames dans un premier temps puis Pathé dans un second
vont tout déclencher.
Aulas en rêvait,
Sonny l'a fait...
Le départ de Jean Tigana, la succession assurée par Guy Stephan qui
a le malheur de perdre en finale de la Coupe de la Ligue en 1996 sont
d'autres faits marquants, mais en rien ne font reculer le PDG de Cégid qui
s'appuie sur la génération Maurice-Giuly-Caveglia pour rester dans
le haut. Le 15 mai 1999, alors que le groupe Pathé s'affirme comme
le tout puissant partenaire de l'OL, Bernard Lacombe doit répondre à la
question de Jérôme Seydoux, le patron de Pathé (ci-dessus). « Bernard, quels
sont vos souhaits pour la saison prochaine ? ». Embêté, Bernard a une
toute petite réponse : « C'est à dire Monsieur, que je connais un homme
qui pourrait faire l'affaire... ». Seydoux va plus loin: « Son nom ?
». Lacombe blêmit : « Sonny Anderson, il joue à Barcelone, mais il est
hors de prix ». Jérôme Seydoux va plus loin: « C'est à dire hors de
prix ? ». Bernard Lacombe lâche alors le chiffre : « Il faut
environ 120 millions de francs, monsieur ». Et l'histoire bascule : «
Il n'y a qu'à l'engager ! », répond Monsieur Seydoux.
La machine Aulas se
met en route. Tout, absolument tout est mis en uvre. Anderson trop
souvent assis sur le banc à Barcelone, est d'emblée séduit par le discours
d'Aulas. Sonny y décrypte les signes d'un club à la folle ambition. Le 18
juin, devant une centaine de journalistes au siège du club, Sonny signe un
contrat de quatre ans en faveur de l'OL qui n'a plus qu'une idée : aller
droit au but. Après quinze ans d'acharnement, de passage en force,
d'accrochages, de renversements de situations, de discussions et d'une
incroyable opération séduction pour drainer derrière lui toutes les bonnes
volontés, Jean-Michel Aulas l'ultra-libéral qui ne rêve plus que de
l'entrée en bourse pour dit-il « gagner une coupe d'Europe » a
parcouru un chemin incroyable. A toute vitesse...
A
suivre, L'OL va avoir un mini centre commercial à Gerland...
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