Votre collaboration
avec Schuitten a été consacrée par la remise d'un trophée et d'un gros
coup de gueule à cause du fiasco de la fête des Lumières 2004. Qui est
selon vous responsable de cet échec ?
D'abord, ce n'est pas un échec en tant que tel. Le mot
échec, à mon avis, ne convient pas. C'est simplement l'aboutissement d'une
direction dangereuse qui a été prise et qui a peu à peu oublié que nous
étions sur une fête populaire et l'aspect du divorce qui existe entre le
culturel et le populaire a été à son comble cette foi-ci. C'est à dire que
l'aspect laboratoire a pris le pas sur l'aspect populaire. Du coup, le
divorce s'est fait là, à mon sens.
Vous en aviez gros sur la patate ce soir là ?
Ce soir là, c'était l'occasion d'une tribune face à un
public de professionnels donc j'ai pu essayer de préciser ce qui selon moi
avait posé problème : il y a des freins à l'innovation et au talent. Pas
uniquement à Lyon d'ailleurs, d'une manière un peu générale. Et j'ai cité
deux sources de ces freins : en premier lieu, il y a la horde des
mortifères, composée de frustrés qui sont bombardés experts et qui ont
infiltré les mondes de la techno-structure, driblant les élus au passage !
Et ensuite qui passent leur temps à glisser des grains de sable dans les
rouages pour que les choses ne puissent pas se réaliser, ni se faire. Et
par ailleurs, il y en a un deuxième qui est tout aussi important...
Un instant ! Qui
sont ces mortifères ?
Le problème est qu'ils sont difficilement identifiables
dans la mesure où c'est le système qui a engendré ça... C'est à dire que si
on savait où ils étaient, on pourrait les combattre, et puis les élus
n'auraient pas intérêt à les laisser en place. C'est souvent lié aux
fonctionnaires paradoxalement parce que le politique s'est malheureusement
déchargée sur les hauts fonctionnaires. Ces derniers n'ont pas forcément
le temps, le niveau même de leur charge.
Qui rentre dans la
deuxième catégorie de « freins » ?
Ceux que j'appelle « les petites frappes
de la mafia du bon goût ». Ces gens-là sont des vassaux zélés de la
monarchie absolue qui règne au ministère de la culture depuis 20 ans. Ils
se sont auto proclamés détenteurs de la vérité artistique et ils arrosent
de leur suffisance et de leur mépris l'ensemble de la population. Et du
coup, ils entretiennent l'incompréhension entre le culturel et le
populaire. D'où parfois des échecs sanglants lorsqu'ils viennent se
glisser dans des événements qui sont censés être populaires.
C'est le combat
d'une vie ?
C'est le combat certainement dont la
base m'a été donnée par mon père et que je transmets à ma fille qui je
l'espère le transmettra à sa petite fille. J'ai horreur des gens qui
méprisent sous prétexte qu'ils pensent avoir un soupçon de culture
élitiste supérieure aux autres. Ceux la, je ne les lâcherai jamais.
La directrice
artistique Claire Peillot a servi de fusible. Les politiques eux n'ont pas
bougé. Pensez-vous que Pascale Bonnel-Challier, adjointe au maire chargée
du dossier aurait du démissionner ?
Moi, je ne pense pas que ce soit
uniquement des problèmes de personnes. Je crois que ce sont des problèmes
de direction que l'on donne. Et la direction qui a été donnée, déjà
l'année dernière, à la fête présentait le danger de trop faire
« laboratoire » et d'oublier ce pour quoi, non seulement les Lyonnais mais
d'autres personnes venaient. La fête des Lumières du 8 Décembre
n'appartient pas uniquement aux Lyonnais, elle appartient également à tous
ces visiteurs qui par centaines de milliers irriguent la ville et lui
apportent un moment de festivité. Mais en même temps aussi des retombées
économiques qui engendrent des bienfaits pour la ville.
Avez-vous été partie
prenante de la fête cette année ?
Nous n'étions pas dans les appels
d'offres, ni dans le programme officiel. Nous avons fait deux opérations :
une avec la Sacvel sur l'opération Place Antonin Perrin où nous avons fait
respirer un immeuble juste avant qu'on l'écroule et l'autre avec Schuitten.
On était comme toujours autonome sur ces affaires là.
C'était un petit peu
le « Off » qui a été primé ce soir là ?
C'est une remarque à laquelle je n'avais
pas pensé mais qui est tout à fait exacte. C'est effectivement le « Off »
dans ce cas là qui a été primé.
Pensez-vous que
l'image de Lyon soit désormais entachée par ce fiasco ?
Lyon que j'adore, n'a pas été entachée.
Je pense que les moyens qui seront mis l'année prochaine devront être à la
hauteur pour rétablir cette situation. Et je pense que le maire est
suffisamment intelligent pour comprendre qu'il devra mettre les moyens.
C'est à dire que l'on ne peut pas non plus demander de faire quelque chose
d'un niveau international et déplacer 3 millions de personnes en donnant
les moyens d'une fête qui n'en déplace que 100 000.
Certains ont
effectivement souligné le manque de moyens et le choix des personnes...
Lyon est reconnue aujourd'hui à la fois pour ses fresques
et ses lumières. Le plus étonnant c'est que des Lyonnais comme
Guillot au Québec ou mon ami Chabert ne soient pas aujourd'hui
associés dans une réflexion autour de la lumière. C'est dommage parce
qu'en fin de compte ils sont à l'origine de tout ça et puis on va aller
chercher - parfois très loin - des gens que l'on pourrait avoir sous la
main et qui, du même coup, ne se sentent pas concernés et vont être
concernés ailleurs.
Le Maire de Lyon
est-il responsable au même titre que la directrice artistique et son
adjointe verte ?
Je pense qu'il serait responsable d'un
prochain échec, ce qui est différent. Je comprends que l'on puisse
déléguer mais quand il s'agit d'une fête comme celle-ci, après ce moment
difficile, il se doit d'être en première ligne ou alors c'est qu'il
manquerait de courage. Pour qu'une ville s'épanouisse, il faut que son
maire ait une sexualité débordante. Je dis que nuit et jour il doit
exciter les imaginations, allumer des étoiles. Il doit s'exposer. Je pense
qu'il en aura le courage politique.
Suite de l'interview
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