Sanzisme... Kezaco ?

André Cottavoz " L'Opéra de Paris"
Par Jean-Marc Requien
Ce fut le nom imaginé par d'anciens élèves des Beaux-Arts de
Lyon pour baptiser l'exposition qu'ils avaient organisé à la
chapelle du lycée Ampère en plein après-guerre. La mode était
aux mouvements en « isme » : Impressionnisme, Pointillisme,
Fauvisme, Cubisme, Dadaïsme... et combien d'autres.
Nos jeunes gens rejetaient bien entendu toute référence à
ces « écoles », même si leur démarche collective comme
individuelle s'inscrivait naturellement dans une continuité de
ce qu'avaient réalisé les « Ziniars » ou les « Nouveaux », à
Lyon dans les décades précédentes. Voilà qui explique le mot « Sanzisme »
puisqu'on ne voulait plus être rattaché à quelque « isme » que
ce soit.
A l'époque, pas de subvention. Pas de Drac. Pas de Conseil
Général. Pas d'adjoint à la Culture. Pas de subside... Comme quoi
le talent, et à plus forte raison le génie, peuvent très bien se
passer des subventions qui transforme l'Art libre par
définition- en Art fonctionnarisé, « béghainisé » ou encore « aillagonisant ».
Nos artistes, pourtant désargentés, durent se débrouiller pour
financer tant bien que mal, leur exposition par leurs propres
moyens. Celle-ci fit découvrir aux Lyonnais des personnalités
totalement dissemblables et pourtant, tellement proches. Tous
avaient bénéficiés de l'influence de leurs professeurs :
Vieilly, Chartres, Dumas, Chancrin.
Le fougueux Cottavoz côtoyait pour la première fois
le pudique Truphémus et le tendre Fusaro ; mais
aussi le grinçant Philibert-Charrin, le trop modeste
Pierre Coquet, l'indispensable Pierre Doye,
l'avant-gardiste et regretté Antoine Sanner, le
prometteur Bansac qui se « perdra » dans la publicité et
la décoration, le sensible Bravard, l'humoriste Chaix,
le scrupuleux Paul Clair, la frémissante Françoise
Juvin ou encore le sévère André Lauran. J'en oublie
quelques autres. L'exposition fut une réussite. Et même une
espèce de triomphe. Plus de 2 800 visiteurs accoururent.
Soucieux de conserver leur indépendance, les anciens élèves
des Beaux-Arts ne renouvelèrent jamais l'expérience. Histoire de
ne pas transformer ce magnifique coup en semblant de mouvement.
Une tentative de revenez-y échoua en 1950. A la grande joie de
Philibert-Charrin, indépendantiste intransigeant.
C'est à l'initiative de l' Echelle d'or et
particulièrement du critique Alain Vollerin, que l'on
doit cette exposition commémorative qui aura lieu du 23
septembre au 18 octobre sous le grand Dôme de l'Hôtel-Dieu. Une
expo qui montrera non seulement les uvres de ceux qu'on appelle
faute de mieux les Sanzistes, mais qui reconstituera aussi
l'ambiance de l'époque, ses tourments comme ses espoirs. Elle
permettra de revoir ensemble ces artistes souvent trop
modestes ; les anciens condisciples des Beaux-Arts, aujourd'hui
octogénaires, -ils sont presque tous encore vivants et beaucoup
ont encore bon pied, bon il- seront présents plus d'un
demi-siècle après leur coup d'éclat.
Ils donneront à ceux qui savent écouter et voir une
formidable leçon de jeunesse et de vie. Prouvant que l'humilité
et le savoir-faire valent mieux que l'arrogance et le faire
savoir. Voilà qui constituera pour les amateurs d'art un
merveilleux contre point à la biennale d'Art Contemporain qui
tente régulièrement de nous faire prendre de faux messies pour
des lanternes.
Exposition « le Sanzisme et les Sanzistes »
du mardi 23 septembre
au samedi 18 octobre
Tous les jours de 11h au 20h
Grand Dôme de l'Hôtel-dieu
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