Propos recueillis par Marco Polisson et Morgan Couturier
Exclusif. Coprésident de Visiativ et surtout président du MEDEF Lyon Rhône, Laurent Fiard analyse pour Lyon People la crise économique et sanitaire. Critiqué pour sa non-participation au mouvement des indépendants, ce dernier dit préférer le dialogue à la manifestation. Une stratégie singulière qu’il espère voir couronnée de succès, à commencer par une réouverture rapide des commerces dits « non-essentiels ».
Lyon People : Restaurateurs, commerçants, petits patrons… ils sont plusieurs milliers d’indépendants à battre le pavé lyonnais depuis plusieurs semaines. Avez-vous participé à ces manifestations ?
Laurent Fiard : Non, pas physiquement mais nous sommes dans une dynamique de solidarité. Les premières victimes de ce deuxième confinement, ce sont bien évidemment les commerces. Nous sommes tout à fait solidaires sur le fait que l’on préfère voir nos commerces ouverts.
Des organisations patronales comme la CPME, ou sectorielles comme l’UMIH ou la FNH sont en première ligne à côté des manifestants. Pourquoi le MEDEF 69 est-il en retrait ?
Bien au contraire, nous ne sommes pas en retrait ! On est plutôt au front, puisque nous travaillons d’arrache-pied. J’étais encore au téléphone avec Jacques Creyssel (délégué général de la Fédération du Commerce et de la Distribution, ndlr) récemment, et Patrick Martin (vice-président du MEDEF) au niveau national, pour faire en sorte que les commerces rouvrent plutôt le 27 novembre que le 1er décembre. Nous sommes solidaires avec la Chambre des Métiers et de l’Artisanat et les PME, mais ce n’est pas forcément dans l’ADN du MEDEF d’être dans la rue ! On préfère être en communication forte avec les ministères pour trouver une solution rapidement.
Quelle est la position officielle du MEDEF par rapport à ces manifestations de colère et de désespoir des petits patrons qui sont en train de tout perdre ?
Encore une fois, nous sommes extrêmement solidaires avec tout ça. Mais personnellement, je ne suis pas le plus grand fan des manifestations, encore plus dans un contexte de pandémie. Je suis plutôt pour une action hors rassemblements. Ce n’est pas le fait d’être sur une manifestation ou pas, qui prouve que nous sommes concernés ou non. Nous sommes au front pour faire en sorte que les commerces se remettent au travail. Nous sommes aussi convaincus que la meilleure solution, ce n’est pas l’aide ou la subvention, mais bien de réuvrir les commerces.
« Bercy est ouvert sur le fait que les commerces puissent rouvrir le 27 novembre »
Vous privilégiez donc les négociations en coulisses et dans ce but rencontrez chaque semaine le Préfet de Région Pascal Mailhos. Comment portez-vous la voix des entrepreneurs ?
Nous avons pour vocation de remonter toutes les informations qui nous parviennent du terrain, ce qui d’ailleurs, est fait de manière très ouverte par Pascal Mailhos. Nous avons formalisé de manière collective avec les CCI, CCIR, CPME, CMA, MEDEF, l’ensemble des solutions. On essaye de trouver des propositions de solutions, à commencer par les sujets de l’endettement et des banques. C’est pourquoi nous sommes toutes les semaines, en communication avec le préfet.
Quelles avancées concrètes avez-vous obtenues auprès du représentant de l’État ?
J’aurais malheureusement envie de dire que les actions viennent du national, et qu’elles sont aujourd’hui plus pilotées par le sanitaire que l’économie. C’est la raison pour laquelle le MEDEF travaille d’arrache-pied au niveau national, en l’occurrence, avec un régional de l’étape, qui est Patrick Martin, sur le sujet de la communication, notamment avec Bercy, qui est assez ouvert sur le fait qu’on puisse rouvrir les commerces le 27 novembre. La dernière institution qui reste à convaincre, c’est Matignon.
La réouverture des commerces est attendue pour la fin novembre, début décembre. Est-ce en bonne voie ?
C’est en bonne voie du côté de Bercy, en mettant en avant que le 27 novembre, ce sera le Black Friday, un événement international. Il est hors de question de pouvoir croire deux minutes que le Black Friday puisse être reporté au mardi 1er décembre, comme certains le préconisent. C’est là où on travaille pour montrer qu’il faut absolument rouvrir le 27 novembre. Les commerçants et leurs syndicats sont prêts à revisiter les contrôles sanitaires et à passer de 4m2 à 8m2 par client ou même gérer la dynamique de rendez-vous. Nous sommes tous en action sur ce sujet !
« Pour les restaurateurs, ça va être catastrophique ! »
On parle de janvier, février pour la réouverture des restaurants et des cafés. Comment vont-ils tenir leur trésorerie et payer leurs charges fixes sans rentrer de chiffre d’affaires pendant 4 mois ?
Malheureusement, ça va être catastrophique. Là aussi, on se bat pour que ça puisse rouvrir plus tôt. Toutefois, on a les mêmes informations. Pour l’instant, le gouvernement parle de mi-janvier. Certains, qui ont été les bons élèves, ont investi pour recevoir leurs clients en toute sécurité. Ces investissements, j’ai presque envie de dire qu’ils n’ont servi à rien. Nous sommes vraiment surpris par cette décision. Après, comme je l’ai dit, c’est un gouvernement qui est piloté par l’aspect sanitaire. Maintenant, les Français en ont marre d’être infantilisés. Nous sommes responsables, et j’aurais tendance à dire que nos restaurateurs préférés sont responsables et ont organisé leurs restaurants pour recevoir leurs clients en toute sécurité.
Comment ces chefs d’entreprise dont les établissements sont à l’arrêt ou au ralenti vont-ils pouvoir rembourser leur PGE ?
La position du MEDEF à ce sujet, c’est que nous sommes extrêmement solidaires sur le fait que les entrepreneurs sont fatigués, frappés par un sentiment d’injustice et endettés. Les actions qui sont menées visent à élargir la dynamique du fonds de solidarité et de travailler sur ce qui a déjà été plus ou moins confirmé : à savoir la capacité d’étendre jusqu’à fin mars les dates d’obtention des PGE et de décaler d’un an les dates de remboursement. Au niveau national, nous sommes au combat pour qu’il n’y ait pas d’effet catastrophique, ni d’effet domino sur des dépôts de bilan, ce qui serait le pire des scénario.
« Il faut arrêter de nous prendre pour des enfants »
Extrêmement dépendant de la commande publique, le secteur du BTP n’a aucune visibilité. Peut-on parler de défaillance de la Métropole de Lyon et de la Ville de Lyon gérées par les Verts ?
L’industrie et le BTP sont des secteurs qui tournent, certes au ralenti, mais qui continuent à tourner. Après, sur le sujet de la dépense publique et des marchés publics, nous étions là aussi, tous ensemble, en début de semaine, avec Bruno Bernard, le nouveau président de la Métropole, à qui nous avons fait part de nos interrogations et de notre souhait de voir au plus vite, une relance des marchés publics.
Quelle a été sa réponse ?
Pour l’instant, c’est une réponse d’écoute et non une réponse pragmatique de relance d’investissements.
L’hebdomadaire allemand « Die Zeit » paru le 12 novembre dernier juge sévèrement les applications concrètes de la politique française de confinement. Avez-vous également l’impression de vivre en « Absurdistan » ?
J’ai envie de dire oui assez spontanément, entre les ordres et les contrordres, les problèmes de communication, d’anticipation. Sur toutes les décisions qui ont été prises, il n’y a pas eu de concertation, que ce soit avec les organisations syndicales ou patronales au niveau national, ou les territoires locaux. Donc oui, nous sommes tous en colère sur la façon dont on gère cette crise.
Faut-il prendre le risque de laisser filer le nombre de morts du Covid afin de sauver les entreprises françaises, leurs patrons comme leurs salariés ?
Il faut arrêter de nous prendre pour des enfants. Comme je l’ai dit au préfet, on est tous conscients qu’il faut apprendre à travailler et à vivre avec le virus. Le pire serait de mourir en bonne santé ! On doit trouver la bonne formule entre laisser l’économie tourner et combattre le virus !
0 commentaires
Trackbacks/Pingbacks