Par Goupil Lettré
Quand la communication municipale lyonnaise supplée à l’action, on peut espérer – au moins – qu’elle soit de qualité. Eh bien même pas… A commencer par la langue. Bien sûr, on ne peut contester à cette communication les vertus hilarantes du comique qui s’ignore. Mais est-ce bien son rôle ? Décodage immédiat.
En progrès, continuez
Tout a démarré (très fort) le 4 juillet dernier. Ce jour-là, on se fend à l’Hôtel de Ville d’un communiqué ronflant, mis en ligne ventre à terre sur lyon.fr : « Grégory Doucet, (virgule) a été élu... ». ; stop ! En CE2, on apprend que le sujet ne peut être séparé du verbe par une virgule, sauf apposition ; exemple : « Grégory Doucet, ce héros (c’est ça, l’apposition), a été élu... ». Puis les choses se précipitent : « … des villes qui auront mesuré et su répondre aux enjeux… » ; stop ! « Répondre aux enjeux« , d’accord ; mais « mesuré aux enjeux« , ça être faute de syntaxe. On poursuit la lecture avec une certaine anxiété.
Justifiée : « Pour la première fois dans l’histoire de Lyon, le premier adjoint est une« . Une quoi ? S’écarterait-on déjà de la bienséance ? Cette formulation est possible. Mais dans ce cas, elle signifie que Madame la Première-adjointe est indivisible, d’un seul morceau. Ce qui est sans doute incontestable mais peu intéressant à signaler. Exemple plus pertinent : « depuis la réunification, l’Allemagne est une« . Rien à voir avec le genre. Il aurait été plus clair, mais sans doute trop simple, d’écrire : « Pour la première fois, le poste de premier adjoint est attribué à une femme » ou bien « c’est une femme qui devient premier-adjoint », à la rigueur « premier-adjointe » (et non pas « première-adjointe« ).
On poursuit la lecture. Et l’on commence à ressentir les soubresauts de l’écriture inclusive : « tou.te.s (pas facile à dire) les Lyonnaises et les Lyonnais... ».
Et là, on met le doigt sur du lourd. Ce qui s’écrit doit pouvoir se dire. A haute voix. Dès l’école primaire, on apprend – si on l’enseigne – que l’oral a toujours précédé l’écrit. Dans nos campagnes de naguère, les personnes illettrées se comprenaient et se faisaient comprendre parfaitement. Dans le cas présent, soit l’on dit « toutes les Lyonnaises et les Lyonnais » et voilà que c’est le féminin qui l’emporte ; soit « tout – un blanc – te – un blanc – ssss les Lyonnaises et les Lyonnais » et l’on risque de vous répondre « à vos souhaits !« . Bref, si l’on y tient vraiment, autant écrire « toutes les Lyonnaises et tous les Lyonnais« .
Encore que « toutes » ou « tous« , adjectif indéfini qui se veut rassembleur, n’apporte pas grand-chose ; toujours cette trouille du politique d’oublier quelqu’un. C’est un peu comme les adverbes, ces inutiles de la langue française. Si l’on dit : « je suis très heureux« , on ne l’est pas plus que si l’on dit « je suis heureux« . Ce serait même plutôt le contraire : « je suis heureux » est absolu ; « je suis très heureux » est relatif puisqu’on le quantifie ; autre indice : on dira « très heureux de vous connaître« , qui exprime une satisfaction, plutôt que « heureux… » qui exprime le bonheur. Tout ça pour dire que l’on a toujours intérêt à s’exprimer avec simplicité, concision, naturel.
Or donc, disais-je, on poursuit la lecture. Avec de gros ralentissements dus aux ornières d’une syntaxe en capilotade : « Afin de participer aux travaux d’une démocratie d’initiative… un budget participatif sera ainsi créé… » ; ce qui veut dire qu’une fois créé, ce budget participera. Comme un grand. Et puis on finit par se laisser aller à une douce monotonie de clichés et autres perles de la novlangue. Jusqu’à ce rebondissement aussi culotté qu’inattendu : « 10 millions d’euros par an seront entre les mains des Lyonnaises et des Lyonnais… » ; diable ! Incitation au recel de détournement de fonds publics, ça pourrait coûter cher à certains !
De sorte qu’après avoir découvert ce texte (toujours) en ligne – car il est impensable qu’il l’ait validé avant parution – on peut imaginer que le maire se soit montré un peu agacé : « l’image de la Ville de Lyon véhiculée par ce charabia est ridicule ; à partir de tout de suite, la communication, c’est moi« . De fait, GD s’adresse depuis lors aux Lyonnais par vidéos interposées. Plutôt bien, d’ailleurs. Avec une bonne maîtrise du prompteur. Certes, il parle surtout covid, principalement covid voire essentiellement covid. Mais enfin on ne peut pas lui enlever une certaine aisance. Seulement voilà, il ne peut pas être partout sur le terrain de la com. Et certaines… communications passent à travers sa raquette.
Du covid, encore du covid !
L’une des dernières en date est l’avis (également sur lyon.fr) du Conseil consultatif lyonnais covid, séance du 12 décembre 2020. « Le Conseil consultatif lyonnais covid s’est réuni ce 12 décembre… Cette réunion est la première réunion du Conseil. Pour rappel, chaque réunion du Conseil réunira des personnes différentes... ». Pour se réunir, sans doute. Puis sont dévidés à l’avenant : « la question de parlons-en avec les proches« , « être questionnant« , « communiquer sur parlons-en en famille, ce qui pourra s’appuyer sur passer de mon choix à notre choix« …
Autant de recommandations subtiles à destination des communicants pour appeler à la prudence lors des fêtes de Noël, inciter au test, accompagner l’isolement. Ce qui part d’un bon sentiment. D’autant que parmi les recommandations de pure forme figure en bonne place « faire attention aux vocabulaires utilisés« . On a eu chaud. Des fois que la sauce interne déborde davantage encore à l’externe et l’on allait voir fleurir en ville des 4 par 3 sous titrées.
En progrès, donc. C’est bien. Mais on va continuer d’être attentif.ve.(s)….
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