Par Jean Étèvenaux, journaliste et historien
Les années se suivent et se ressemblent. Le 8 septembre 2020, les responsables du site de Fourvière avaient été contraints de mettre au point un protocole inattendu puisque le nouveau maire écologiste n’avait pas voulu mettre les pieds dans la basilique en raison de sa conception étriquée de la laïcité.
Le traditionnel vœu des échevins avait été transformé en un cérémonial où on avait parlé des Lyonnais, mais pas du maire. Celui-ci ne voulait pas apparaître comme le continuateur de ses lointains prédécesseurs qui, en 1643, avaient fait le vœu d’une offrande à la Vierge si la ville était épargnée par la peste.
Doucet n’ayant apparemment pas changé de mentalité, la Fondation Fourvière et le rectorat ont cette année pris leurs précautions en demandant à une représentante de la société civile d’incarner la ville. L’opération s’est avérée un succès tandis que le maire de Lyon recommençait son numéro de l’an passé.
« M. l’archevêque »
Le matin de la cérémonie, on apprenait en effet que Marie-Sophie Obama, la présidente déléguée de Lyon ASVEL Féminin, avait été choisie pour remettre la médaille symbolisant l’écu traditionnel de la ville. Personnalité aussi attachante qu’entreprenante, ancienne joueuse professionnelle de basket ayant également travaillé comme commerciale, elle préside depuis quatre ans aux destinées de l’ASVEL côté femmes, nommée par Tony Parker.
Plus lyonnaise que bien des Lyonnais d’entre Saône et Rhône, elle incarne aussi la place de plus en plus assurée des femmes dans la vie économique et associative et, dès 2018, le jury féminin de journalistes de Lyon People la classait parmi les 50 femmes les plus influentes de la cité.
En revanche, aucun renouvellement du côté du petit Doucet
Le diocèse avait donc bien joué en la choisissant et sa présence en face du nouvel archevêque, Mgr Olivier de Germay, exprimait un renouvellement que certains ont même qualifié d’« historique ». De son côté, face à cet « honneur », elle s’est réjouie « de voir le sport reconnu comme vecteur de lien social ».
Certes, celui-ci avait fait l’effort de passer une cravate, mais il ne put s’empêcher de s’adresser à « M. l’archevêque » en négligeant volontairement le traditionnel « Monseigneur » ; on se serait cru sous la Révolution française ou à l’époque du petit père Combes… Surtout, il a délivré un discours qui est apparu aux oreilles des auditeurs comme une resucée de celui de 2020.
Humilité et contemplation
D’abord, il a repris l’histoire mondiale des épidémies puis, avec un clin d’œil un peu trop voyant à l’électorat catholique, il a cité le pape François ; l’an dernier, c’était à propos de Laudato si’, cette fois ce fut en s’appuyant sur Tutti fratelli, qu’il tira évidemment à lui avec le concept de « gratuité fraternelle » car « cela permet d’accueillir l’étranger ».
Quant à l’histoire de la peste arrêtée en 1643, il reprit son antienne de l’année précédente : « Chacun est libre de croire ce qu’il veut ». Il profita aussi de l’actuelle pandémie pour adopter une posture à la Olivier Véran : « Ce qui m’importe, c’est de préserver la santé des Lyonnais ».
Des autres interventions ayant suivi la messe et la bénédiction de la ville, on retiendra quelques points saillants. Philippe Desmarescaux, le président de la Fondation Fourvière, a expliqué que les travaux en cours permettaient de retrouver le vieux centre du Lugdunum gallo-romain et que lieu recelait aussi un « patrimoine immatériel » s’exprimant par la bienveillance, le respect des autres et le sens de l’accueil.
Le président de la Région, Laurent Wauquiez, a mis en valeur l’importance de l’Histoire, mais aussi la nécessité de l’espoir que, à la manière de Péguy, il ne faut jamais perdre ; il s’est également fait le chantre de l’humilité, particulièrement dans le domaine politique, car « l’homme ne peut pas être maître de tout ».
Quant à Mgr de Germay, il a célébré la basilique comme « lieu de convergence, de contemplation et de prière » ; cela ne l’a pas empêché de montrer son humour puisque les rafales qui se déchaînaient lui ont fait lâcher : « Si l’Esprit-Saint souffle autant que le vent, il va y avoir des conversions… »
Espérons que dans cinq ans on reviendra à de meilleurs sentiments