Texte : Kevin du Coup-Voilà – La Métropole de Lyon vient d’accoucher d’un nouveau logo. Au risque de vous paraître un peu brutal, je pense que l’avortement thérapeutique aurait dû être pratiqué.
Ça arrive de temps en temps. Sans qu’on sache pourquoi, une institution – publique, de préférence – change d’identité visuelle. Sans se demander pourquoi la Croix-Rouge, par exemple, ne l’a jamais fait ! Ni pourquoi les grands groupes privés s’en abstiennent, ou alors à la marge : Coca-Cola, Mc Do… A mon avis, il y a de très bonnes raisons, raisons qui passent par-dessus la tête de certains, à la Métropole de Lyon.
Le look dépôt-vente de farfouille
La voici désormais affublée de deux rectangles rouge pétard, l’un portant la mention (en blanc) « Métropole », l’autre, « Lyon », rectangles décalés pour laisser la place à « grand » (en rouge). Débrouille-toi avec ça. Très chic. Très bon genre. Du meilleur goût. On se sent fier d’appartenir à la deuxième agglomération de France quand elle s’identifie à un dépôt vente de farfouille. Car ce machin défie toutes les règles du graphisme, des proportions, de la mise en page, de l’harmonie des couleurs, de la lisibilité, de la hiérarchie de lecture, toutes les règles sauf une : la visibilité. Ça pour être visible, ce logo laid l’est ! (Je n’ai pas pu résister). Mais est-ce souhaitable ?
A la Métropole, on nous dit en substance : oui, bon, mais ça a été conçu en interne, au service Communication. Eh bien je vais vous dire : je les crois ! On peut être un praticien convenable de la communication globale (le service en compte certainement plusieurs) mais on ne s’improvise ni graphiste, ni directeur artistique. Personnellement, j’en connais un. Il s’appelle Jack Dumont et participa, dans les années 2000, à l’élaboration de la charte graphique du Grand Lyon. Il est, bien évidemment, atterré, et il l’écrit dans une lettre ouverte à Bruno Bernard.
Ce qu’en pense l’instigateur de la charte du Grand Lyon
« Le choix avait été collégial et apprécié à une grande majorité, rappelle-t-il ; le succès fut tel que plusieurs structures locales se sont inspirées du logo et de la démarche. Cette charte graphique répond par son style à une métropole comme le Grand Lyon ; il suffit de voir les logotypes d’autres villes de la même taille ou de même notoriété (Amsterdam, Madrid…). Lisibilité, simplicité esprit d’ouverture, intemporalité, code couleur noir et rouge dynamique. Inspirée du logo du Grand Lyon, la démarche marketing OnlyLyon fut un grand succès national. Le but principal d’une telle démarche a été de fédérer tous les acteurs grand lyonnais autour d’un projet économique, touristique, culturel… et écologique par sa mise en œuvre en commun de moyens financiers et intellectuels« .
Et de poursuivre dans sa lettre au président écologiste de la Métropole. « Je viens de découvrir votre nouveau logo. Quelle pauvreté, quelle tristesse ! Des rectangles pour bien fermer et se renfermer sur nous-mêmes ! Quel signe d’ouverture émet-on ?… Il aurait été préférable de ne rien faire et de comprendre la démarche antécédente. Pour qu’une communication auprès du public soit réussie, il faut s’ouvrir à la vision créative de structures extérieures. La lecture en interne est obligatoirement figée et partisane« .
Oh !, les gros menteurs que voilà !
Oui mais ça coûte moins cher en interne, rétorquent les communicants de la Métropole. Oh !, les gros menteurs que voilà ! Ils savent très bien que sur une telle opération, la phase conception-création est une part minime de l’investissement. Et que c’est la mise en œuvre de la nouvelle charte qui coûte une fortune : car il s’agit de changer les marquages de centaines de véhicules (même électriques), bâtiments, signalétiques, sites et autres lieux gérés par la Métropole, choses qui ne se font pas en un clic comme sur les supports de communication virtuelle ! Sans parler des papiers à en-tête et autres documents, dossiers, chemises et formulaires… Si le changement d’identité est pertinent, du moins peut-on l’accepter. Mais s’il est inepte, est-ce qu’il n’y a pas lieu des se les prendre et se les mordre ?
On en est là. Quelques entreprises locales (locales, on l’espère) spécialisées en sérigraphie, vitrophanie et autres adhésifs, gravure et impression, mise sous pli et routage voient leur carnet de commandes grimper en flèche. Tant mieux pour elles et leurs salariés. C’est toujours ça de pris… aux contribuables.
La honte !
Reste un prétendu logo qui suscite au mieux, l’indifférence, au pire : la honte. Mais aussi – et c’est propre à ce qu’inspire la dictature verte – le sentiment inacceptable qu’on peut jouer, au gré de sa fantaisie du moment, avec ce qu’il y a de plus essentiel et de plus intime, pour un territoire comme pour un être humain : son identité. Donc sa dignité. Et ça, il faut être une fieffée crapule pour ne pas le respecter.
Ce qui est rigolo, c’est que ce nouveau logo ressemble au logo de « Lyon people ». Ca doit vous les défriser, non ?