Par Justin Calixte
Philibert-Charrin qui fut avec Fusaro, Cottavoz, Sanner l’un des condisciples de Jacques Truphémus aux Beaux-Arts de Lyon trouvait étrange et souvent insupportable le besoin d’expliciter plus ou moins savamment son travail de peintre.
J’ai beaucoup pensé à lui tout au long de la visite de presse de l’exposition consacrée à Jacques Truphémus. Il faut dire que comme toujours on a eu droit à un long exposé sans temps mort pendant près d’une heure, pour nous expliquer la peinture de Truphémus. Comme si celle-ci ne se suffisait pas à elle-même. Comme si un peu de silence aurait été insupportable. Pas besoin d’explications à rallonges pour comprendre les intentions ou les idiosyncrasies de cet immense artiste. Ses maîtres furent Antoine Chartres et Henry Vieilly ; si, à la sortie des Beaux-Arts, l’influence du premier se faisait sentir, au fil des ans celle de Vieilly prit sans doute le dessus. Même si depuis de nombreuses années, Truphémus a trouvé son propre style. Et quel style !
Cette magnifique expo, qui doit beaucoup à Sylvie Carlier, directrice du Musée Paul Dini, n’est pas véritablement une rétrospective puisqu’elle regroupe une forte proportion d’œuvres récentes. Une volonté de Truphémus. On comprend pourquoi, mais on peut regretter de ne pas retrouver certaines toiles des années 50-60 qui laissaient déjà entrevoir ce qu’allait devenir Truphémus. Brillant coloriste, de la trempe des Odilon Redon ou Jacques Villon, il sait mieux que personne peindre la lumière. Celle des ciels lyonnais bien sûr, comme celle des bistrots embués, comme celle des paysages cévenoles mystiques, comme celle de ses ateliers où on l’imagine solitaire, silencieux, concentré devant ses toiles amassées. Il nous est donné la chance de contempler ces merveilles de poésie et de tendresse dans cette exposition remarquable organisée à l’Hôtel de la Région. « Natures mortes et paysages, vues d’atelier » nous indique le catalogue, mais il s’agit de bien autre chose : ici, les natures mortes sont pleines de vie, les paysages sont plutôt des souvenirs de paysages et ses vues d’atelier laissent entrer cette lumière indéfinissable (encore qu’elle rappelle celle des symbolistes) que seul Jacques Truphémus sait percevoir et transposer dans chacune de ses toiles.
« Peinture lyonnaise », disent certains avec un rien de condescendance. Evidemment il n’est pas question pour Truphémus de nier les influences de Morizot, Ravier, Chartres, Vieilly. Il les revendique même. Mais sa peinture va bien au-delà de ce régionalisme réducteur. Année après année, il s’affirme comme l’un des plus grands peintres français des trois dernières décennies. Bon signe : Télérama qui aime courir après le succès vient enfin de le découvrir et lui accorde trois pages dans un récent numéro. Dans le même temps, Thierry Raspail organise au Musée d’Art Contemporain une rétrospective consacrée à un autre lyonnais Robert Combas, artiste « contemporain » notoire. Drôle d’époque. Comme beaucoup de contemporains, Combas finira oublié avant même de disparaître, alors que Truphémus peintre « intemporain » émerveillera encore longtemps ceux qui préfèrent l’authenticité à l’esbroufe.
Jusqu’au 23 juin 2012 Truphémus – Les trois lumières 1951-2011 Hôtel de la Région Rhône-Alpes 1, esplanade François Mitterrand – Lyon Confluence
D’accord Jean-Marc, mais glorifier Truphémus c’est enfoncer des portes ouvertes. Mais Auguste MOrisit avec un s…Merci.