Propos recueillis par Fanny Suteau et Marco Polisson – Les promoteurs immobiliers se sont retrouvés mardi 12 septembre pour leur soirée annuelle organisée par Nathalie Berberian et Pierre-Yves Gas. Alors que le secteur immobilier est dans le dur en cette rentrée, nous sommes allés à la rencontre de Patrick Lozano, président de l’UNIS, la principale organisation qui regroupe les professionnels de l’immobilier pour décrypter la crise.
LP : Quel est votre état d’esprit alors que les difficultés du secteur immobilier font la une de tous les médias spécialisés ?
PL : Nous sommes revenus à une situation d’avant-Covid en termes de transaction. Si on regarde dans le passé, les prix de l’immobilier à Lyon ont flambé de 40% en 10 ans. Nous avons un marché en baisse d’environ 4% par rapport à l’an dernier, mais c’est une baisse qui ne concerne pas forcément que notre région. Il y a des villes comme Marseille ou Bordeaux qui sont logées à la même enseigne. Alors certes, ce n’est pas la meilleure des périodes pour l’immobilier, mais je garde confiance, je reste optimiste.
Les transactions immobilières ont reculé depuis le début de l’année. La hausse des taux d’intérêt en est-elle la principale cause ?
C’est l’une des principales causes. Un emprunteur qui contracte un prêt d’environ 180 000€ sur 20 ans à un taux de 3,85% verra sa mensualité s’élever à 1 070€. Cela correspond à une hausse de 115€ par mois par rapport à un prêt souscrit en janvier 2023. Les banques ont aussi durci l’approche des dossiers des futurs emprunteurs. Sans compter la hausse des taxes foncières, conjuguées aux travaux rendus obligatoires par la loi climat et résilience, mais aussi l’impôt sur la fortune immobilière : tout cela constitue un réel frein à l’investissement immobilier. Sans oublier l’absence de construction faute de permis délivré qui pèse aussi réellement sur les statistiques des transactions immobilières.
Dans la Métropole de Lyon, les ventes de logements neufs en collectif sont en diminution de 48% par rapport à fin juin 2022 *. Quelles mesures les plus urgentes préconisez-vous pour enrayer cette spirale négative ?
L’absence de construction représente une réelle catastrophe. Sans programme neuf, nous ne pourrons pas loger tout le monde. Il faudrait produire environ 8 000 logements par an sur la Métropole de Lyon et nous n’en sommes qu’à 4 000. Sur 5 ans, il y aurait donc 20 000 logements en moins. La mesure la plus urgente, c’est d’obliger certains maires à débloquer ces permis de construire. A l’époque, nous avions des constructions faites sur des terrains d’autrui donc pourquoi ne pas revoir ce modèle pour permettre aux investisseurs d’avoir des prix minorés. Il faut surtout redonner confiance aux futurs acquéreurs en proposant de nouvelles mesures fiscales, en remplacement de la loi Pinel qui va disparaitre. L’Etat a vraiment un rôle à jouer sur l’avenir de notre profession et sur le logement en général.
Les entraves au bon fonctionnement du secteur immobilier sont conjoncturelles et politiques. Notamment à Lyon, avec les loyers bloqués par les écologistes.
Certains petits investisseurs lyonnais ne peuvent plus rembourser leur prêt car les loyers encaissés sont inférieurs à leur mensualité… Comment s’en sortir ?
Déjà en supprimant ou modifiant en profondeur l’encadrement des loyers imposés aux propriétaires depuis novembre 2021. L’UNIS Lyon a proposé certaines modifications ou ajustements. Nous avons démontré certaines incohérences dans l’encadrement des loyers à Lyon. La réponse que nous envoie la Métropole n’est pas à la hauteur des problèmes. Nous avions demandé par exemple de revoir la grille des valeurs locatives, afin qu’elle prenne davantage en compte les années de construction des immeubles, d’affiner encore la cartographie des zones concernées, et de prendre en compte la typologie des biens loués. Je pense qu’il faudrait exonérer les propriétaires de l’encadrement des loyers à la condition qu’ils s’engagent à des travaux de rénovation énergétique. Avec la FNAIM et l’UNPI, nous avons engagé une procédure pour arrêter cet encadrement qui nous parait en totale incohérence par rapport au marché lyonnais.
En début d’année, les écologistes ont annoncé une hausse de la taxe foncière de 9% à Lyon, justifiée par une hausse des coûts de l’énergie. Est-ce la double peine ?
L’absence de rentabilité fait fuir nos investisseurs. Certains restent dans la région en achetant dans les communes limitrophes, d’autres vont voir ailleurs pour obtenir une meilleure rentabilité. C’est bien dommage pour nous qui travaillons sur le marché lyonnais métropolitain. Nous avons déjà un marché locatif en perte de 15% depuis la mesure prise sur l’encadrement des loyers. Tout cela va encore tendre encore un peu plus notre marché.
Si l’on rajoute à toutes ces entraves le couperet de l’IFI, on comprend mieux que les investisseurs soient devenus une espèce en voie de disparition. Certains d’entre eux doivent également gérer de très coûteux travaux de rénovation énergétique… Est-il devenu impossible d’investir dans Lyon ?
Aujourd’hui, on peut encore investir à Lyon, mais de moins en moins d’investisseurs achètent parce que les loyers sont trop encadrés ou bloqués, ou parce que les prix n’ont pas encore fléchi. Ce n’est pas devenu impossible, mais c’est devenu très compliqué d’acheter à Lyon parce que les loyers ne sont pas à la hauteur de ce qu’on pourrait attendre, au regard des travaux que l’on doit engager pour la rénovation énergétique.
Peut-on donc craindre une fuite de ces propriétaires et bailleurs hors de la ville ?
Ce n’est pas une crainte, c’est une réalité. Aujourd’hui, propriétaires, bailleurs ou investisseurs ont bien compris que la rentabilité du marché n’est plus à Lyon. Ils vont chercher des communes qui obtiennent plus d’avantages pour les investisseurs comme Bron, Écully, Caluire, Dardilly ou Limonest, des communes qui ont bien résisté à la baisse des prix mais qui restent encore très attractives. Cependant, envoyer ces populations en périphérie va accroître d’autres difficultés, notamment en matière de déplacements urbains.
Après les insultes et les caricatures proférées à l’encontre des régisseurs par les élus écologistes, quelles actions avez-vous engagées ?
J’ai signifié mon mécontentement au maire de Lyon par le biais d’un avocat, pour lui dire qu’il faut respecter ses partenaires et qu’on ne peut pas les traiter de la sorte. Ensuite, j’ai refusé aux élus de la Ville de Lyon d’intervenir lors de la journée des conseils syndicaux, le 6 juin dernier qui accueillait plus de 1200 clients. Nous avons également boycotté toutes les réunions initiées par la Ville, comme nous l’avions fait à l’époque avec la Métropole. Nous avons décidé aussi de ne plus communiquer nos statistiques ou informations sur le logement à la Ville. Le mal est profond, mes adhérents ont été choqués et blessés, c’est ce que j’ai dit aux adjoints qui nous ont reçus, puisque je n’ai pas eu le plaisir de dire cela directement à monsieur le maire. Il va falloir nous redonner confiance sinon il risque d’y avoir une fin de mandat compliquée entre les professionnels de l’immobilier réunis au sein de l’UNIS et la Ville de Lyon.
* Chiffres publiés par la Fédération des Promoteurs Immobiliers, fin juillet 2023
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