Eternel bain de gourmandise pour Christian Mure

11 mai, 2009 | LES GENS | 1 commentaire

 

01 Photos © Fabrice Schiff

 

Par Nadine Fageol

 

Quand il n'est pas à Lyon à sentir le fumet dans d'épicuriennes adresses, le patron de Lyon Gourmand vit dans une ferme bressane en profonde communion avec Muriel, sa belle amazone et le meilleur ami de l'homme. Du vert et des murmures.

 

02 Allez donc savoir pourquoi, chaque fin d'hiver, rédachef Marco embraye du côté de la Bresse. Pourtant n'importe qui vous dira qu'il ne faut point fréquenter ce territoire à cette époque de l'année. À peine évadé de l'autoroute, qu'une chape de brouillard enveloppe le paysage d'ennui. Les rares grenouilles survivantes à un génocide aux nitrates, se sont délocalisées en Turquie et les cocotes, enfermées en maison de redressement pour cause de festins à venir. Fort heureusement, le printemps arrive pour nous égayer tout ça ! Après le chef étoilé Georges Blanc et Monsieur Georges, marchand de fringues de luxe, nous voilà donc chez le chroniqueur gastronomique du guide Lyon Gourmand avec un exercice de style à la clé car on connaît accessoirement Christian Mure. Fils d'André, le regretté, journaliste, écrivain, adjoint à la Culture de Lyon sous Francisque Collomb, entre autres créateur d'Octobre des arts, manifestation préfigurant la biennale d'art contemporain mais encore conseiller de Jack Lang du temps de sa splendeur. Peu du genre notable et donc moins sous les feux de la rampe, le fils ne démérite pas pour autant. Question caractère, il serait même un registre au-dessus dans la truculence et la répartie parfois jouteuse, frondeuse trempée dans une sauce toute canaille. Dans un village bien propret, la route sinue entre deux maisons sans âme pour aboutir à quelque chose qui a tout l'air du vestige.

 

03 Une ferme en vie, senteur crottins de cheval. Derrière le grand portail, des museaux curieux nous reluquent par-delà les box. À coup sûr, l'espèce de l'un d'entre eux remonte au Jurassique. Une tête pareille, aussi grosse, aussi moche trimbale forcément les séquelles d'épiques batailles avec les voisins dinosaures et autres grandpattausaures. « Patapon, est un âne de Provence », explique une fluette jeune femme qui, au petit matin, a enfilé tout le catalogue de l'Amazone. Parfaite. L'âne s'appelle évidemment Patapon et cohabite avec Lapalousa, tâches noires sur robe blanche grisée, c'est du cheval indien Navaro, si, si ça existe. En face, un superbe pur sang noir vraiment trop haut sur pattes, tellement nerveux que l'on détale pour aller se réfugier dans la maison. Une longue pièce basse à l'éclairage clairsemé, nous sommes quelque part dans une gravure anglaise représentant ces logis réconfortants, les murs ruisselants de toiles et tapisseries, les chiens campés dans les canapés formant carré autour de l'âtre crépitant. Ici et là des lucioles tentent de percer le verre d'énormes grappes de raisin. Des lampes d'Égypte, l'une des forts nombreuses collections d'un couple d'invétérés chineurs. Emmaillotée de toile de Jouy, à l'inverse la chambre d'à côté irradie de clarté. À l'étage, il faut naviguer entre les monticules d'ouvrages et de journaux pour atteindre le bureau du maître. La maison des Mure flirte avec l'amoncellement maîtrisé, le passé recomposé, la ferme équestre bout'entrain et raisonne comme une réjouissante alternative à l'appartement lyonnais cantonné au rôle de pied à terre.

 

04 Car si Muriel murmure à l'oreille des chevaux, lui a de tout temps été adepte de la chose dada, virus héréditaire généré par le grand-père, photographe rue Victor Hugo, qui allait sévir aux courses à Rillieux et au Grand camp de Villeurbanne. André, le père, débute en trempant sa plume dans la chronique hippique et le jeune Christian régulièrement au contact de la faune journalistique lors des fameux bivouacs à la Tassée ou en tribunes avec Claudette, suivra un chemin identique histoire de noircir la page hippique du Progrès qui faisait la fierté de Lignel alors grand magnat de la presse lyonnaise. Il parle comme sur France Info, « le matin à l'entraînement, tout le monde allait trotter à l'hippodrome de Lyon. Cagnes puis Deauville, en cinq minutes on changeait de vie. J'ai adoré, à l'époque je rédigeais jusqu'à 30 pages par mois ». Au Progrès, il noue une amitié vivace avec Serge Tonioni, l'actuel secrétaire général du Club de la presse et d'expliquer, « Sergio, ça m'avait plu ce mec qui se trimballait au journal avec son chien ». Christian Mure c'est d'abord une gueule genre aristo hirsute top décalé, animée d'une gouaille étonnante. Sa voix calme peut d'un coup grimper de plusieurs octaves pour devenir celle d'un tribun s'arrêtant net dans l'effort. Saisi ou habité ? Il faut l'entendre raconter l'affaire de meurtre au « Crouton de Chaponost », ses immenses bras cavalant par delà la tête, l'expression évadée d'un roman de Simenon. Ce type avait la matière pour tenir une rubrique judiciaire à bras le corps. On se serait régalé à lire ses histoires assassines qu'il anone en pagnolade. Non, le Progrès, fervent spécialiste de la fine plume négligée, l'a blackboulé en lui proposant un poste de SR (Secrétariat de rédaction). Les yeux s'élargissent, la voix monte, « SR à Oullins, non mais c'est quoi ça ? » Le 30 avril 2004, on lui « propose une rubrique qui n'existait pas. On ne voit ça que dans les films de Coluche ».

 

05 Alors il prend ses cliques et ses claques pour aller œuvrer avec son père au sein de Lyon Gourmand, devenu un classique de la presse gastronomique lyonnaise. « Au départ en 1970, le vedettariat des chefs n'existait pas, on faisait de la bouffe sur notre balcon et mon père écrivait des articles sur la peinture avec Régis Neyret. Puis les chefs sont devenus des vedettes et les restaurants un phénomène de société. Quand les gens ne partent pas en week-end, ils vont au restaurant ». Et la gazette familiale de devenir un guide référent. Est-ce son format ultra pratique en agenda de poche qui en a fait un objet de convoitise, toujours est-il que Lyon Gourmand a failli être gloutonné par un éditeur affamé au point d'en perdre toute délicatesse. Mais le tribunal a rendu à César le fruit Mure. « Mon père et moi, c'est devenu une très jolie passion », plébiscite évident tellement la vie de Mure père et fils est gouvernée par la passion matinée d'indépendance par rapport au système ambiant. Christian aime les chevaux et la belle Muriel qui n'envisage pas la vie sans. Ensemble ils se marièrent en 1989 à quatre en même temps que Jean-Louis Manoa, le viking de la rue Mercière. Un mariage de 500 personnes, un chef par plat et Caro en préposé au Villié Morgon. Ils eurent des enfants à deux et quatre pattes, puis une ferme régentée par Marcilly, un pur sang entier. Couvert d'attentions, le champion de steeple chase a même droit à un âne de compagnie. Régulièrement les Mure s'échappent au château de Puy Vozelle à Vichy retrouver les amis, Jean-Victor de la Boissonie, Michel Dantzikian, Emmanuel de Jerphanion et Jean-Pierre Ravoux le gentleman champion qui monte gratuitement pour se faire plaisir. Et à Vichy autant dire que, « c'est du 500 contre un ».

 

06

 

 

 

 

 

1 Commentaire

  1. barfly

    Le ridicule ne tue plus , en voici la démonstration éclatante…….

    Réponse

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