Texte : Morgan Couturier – Souvent ignorée, voire déclassée par Rome, Milan ou Venise, Turin offre pourtant un cadre de vie séduisant, bien loin de l’image de « ville industrielle », que certains veulent lui coller. L’organisation des Jeux Olympiques d’hiver de 2006 aidant, la « Cité des Quatre Rivières » se veut désormais plus attractive, visuellement, gastronomiquement ou culturellement parlant, au point de séduire ses nombreux voisins lyonnais. On peut en témoigner : l’essayer, c’est l’adopter !
Il est vrai, tout ne peut tourner autour du foot, même en Italie, où le ballon rond tient presque de religion. À sa décharge, passionnés comme néophytes ne peuvent obstruer un fait : la discipline déchaîne les passions. Et livre quelques vérités. Comme cette phrase, entonnée à gorge déployée, sur laquelle le public de la Juventus résume romantiquement, l’atmosphère de la ville. Turin, « una storia di grande amore ». L’histoire d’un amour puissant, que tout un peuple fait rejaillir. Dans les travées de son stade. Mais surtout dans ses rues. Impossible d’y échapper, tant l’impression semble embaumer les ruelles pavées de la métropole.
La belle baroque est coutumière de cette élégance à l’italienne, où la séduction s’opère en un clin d’œil. Et pour cause, bâtie sur les ruines d’une ville industrielle, la réputation de la « Cité des Quatre Rivières » est aujourd’hui galvaudée. « Turin est 1000 fois plus charmante que Milan », ose-t-on prononcer, une fois pleinement installés. Rencontrés sur place, les Lyonnais en conviennent unanimement. Mais il faut connaître, « ici, il y a une volonté de ne pas trop se mettre en avant », explique-t-on, alors que l’idéal transalpin ramène à Rome et son Colisée, à Milan et sa cathédrale ou à Venise et ses gondoles. Nous-mêmes l’avons pensé. Puis vint la découverte du Piémont et le coup de foudre.
« Ici, une sortie, c’est tous les week-ends »
Quelques heures suffisent, le temps de parcourir à pied, les longues artères d’une ville largement repensée depuis 2006. On rejoint alors son cœur et son poumon : la piazza Castello, son palais royal et ses belles façades. Un point central de ce que les locaux appellent le « Quadrilatero Romano » (le quadrilatère romain, ndlr), à l’intérieur duquel se rassemblent bars, restaurants et autres boutiques, nichés dans des immeubles néo-classiques. Ainsi doit s’incarner la « Dolce Vita ». Libre à chacun de l’expérimenter. D’en définir les contours et le parcours.
Certains emprunteront la Via Roma, réplique de la rue Édouard Herriot, pour s’émerveiller devant les boutiques de luxe et rejoindre la piazza San Carlo et la statue… équestre du souverain Carlo Alberto. Un mimétisme troublant, dont les effets sont vite exacerbés, lorsque l’horizon laisse entrevoir les Alpes et ses pics enneigés. Lyon n’est jamais bien loin. Ses souvenirs aussi. Pour preuve, cette Via Po, où s’enfilent sous les voûtes, les kiosques de bouquinistes, ramenant en un coup d’œil, à nos quais de la Pêcherie. S’il est facile de s’y arrêter, pris de passion par la littérature, pousser jusqu’au terminus de l’allée, invite à d’autres réjouissances. À une arrivée sur les quais, leur vue reposante sur… le Pô et ses nombreux rameurs ou sur cette immanquable colline où jaillissent les plus belles villas de la cité.
« L’immobilier à Turin, ça ne coûte rien. L’offre est supérieure à la demande »
Néanmoins, s’aventurer à pareille promenade à l’heure de l’apéro, s’apparente à un véritable tour de force. Et pour cause, l’Aperativo est une tradition qu’il est facile d’honorer. Les Turinois en sont friands, l’instant se célébrant souvent un Spritz à la main, vite épongé par quelques « antipasti ». « À Turin, les gens vivent dehors, ils sont très sociables. Vous retournez deux fois dans le même café, ils vous reconnaissent. J’aime à dire que les Italiens sont des Français de bonne humeur », en rigole Mathieu Jouvin, ce Lyonnais devenu directeur du Teatro Regio. La dégustation de pâtes, de pizzas et autres plats typiques vendus à moindres frais (souvent autour de 14€ le plat), aide forcément, si un tel festin est accompagné d’une rafraîchissante balade digestive, dans la verdure du Parco del Valentino.
Aux beaux jours, on y bronze, court ou jongle avec ballon, tout en cherchant des noises aux écureuils. Par temps plus nuageux, les chemins mènent ailleurs. Aux musées. Au célèbre Musée Egizio, considéré comme le deuxième plus grand réservoir d’antiquités égyptiennes du monde, après le Caire, ou au musée de l’Automobile, véritable paradis pour les amoureux de voitures de collections et de belles italiennes. Hélas, repartir avec une Fiat 500 ou une sublime Pagani, est impossible, bien que circuler en voiture soit chose aisée.
Alors avant de s’armer de patience dans la file d’attente menant à l’emblématique Mole Antonelliana, cette ancienne synagogue devenue un musée incontournable du cinéma, le mieux demeure encore d’aller éveiller ses sens au Musée Lavazza. De succomber à la passion locale pour le café et les fameux « expresso ». Un boost avalé en deux gorgées, néanmoins bénéfiques à l’heure d’affronter des journées souvent rythmées. Et des nuits souvent animées. Il fait bon vivre de tout expérimenter. Au diable le mal de tête, Turin la remplit abondamment de joyeux récits. Torino per sempre sara’. A presto !*
*Turin sera pour toujours. À bientôt
avant de tomber dans l obscurité…