Texte : Philippe Lecoq – « La première fois que je suis entré ici, j’ai marqué un temps d’arrêt – il me semble que nous sommes tous un peu dans la même situation lorsqu’on franchit cette porte, j’ai levé la tête parce que le volume est incroyable, il ne laisse personne indifférent, et je me suis dit « waouh !! Ah quand même ! »
Nous sommes le 2 novembre 2002 et Jacky Gallmann, le nouveau directeur de la Brasserie Georges va être présenté dans quelques minutes à l’ensemble du personnel par Didier Rinck et Christian Lameloise, l’ancien et le nouveau propriétaire. Didier a convié les quatre-vingts membres de l’équipe pour 11h. Personne dans l’assemblée est informé puisque les négociations se sont déroulées dans la plus stricte confidentialité. Jacky lui-même débarque dans l’inconnu.
« Je dirigeais pour la famille Lameloise une belle brasserie à Paris, Au Petit Riche, dans le neuvième arrondissement. Christian Lameloise m’appelle et me dit qu’il est sur le point de racheter une très belle brasserie : « je ne peux pas vous dire laquelle ni où elle se trouve, mais j’ai besoin de vous pour vous en occuper, et si vous me dites « non », je ne l’achète pas ». C’était au mois de juillet 2002. Évidemment, j’ai cherché à savoir, il y avait de belles maisons en vente à Strasbourg, à Nantes… Je n’ai su qu’en septembre où j’allais atterrir ».
C’est la stupeur dans les travées de la brasserie la plus célèbre de Lyon. Là, sous les superbes fresques champêtres – Moisson, Vendanges, Eau et Bière – du peintre Bruno Guillermin, et les impressionnants lustres Art Déco créés sur mesure pour la Georges, le long des incontournables banquettes de moleskine rouge, dans ce décor immuable depuis 1924, le personnel de cuisine et de service tombe des nues.
Propriétaire de l’hôtel voisin, client fidèle, Christian Lameloise n’est pas un inconnu du personnel, et n’a pas l’intention de bouleverser ce qui fonctionne : la véritable « culture d’entreprise » des équipes, et le brassage de la clientèle, la Georges étant une maison populaire où toutes les couches sociales se croisent et se côtoient d’une table à l’autre.
En revanche, il n’ignore pas que de gros investissements sont et seront nécessaires pour conserver l’outil monumental en bon état de marche. « La maison nécessitait de gros travaux de rénovation, ce qui n’est pas simple car la brasserie n’a jamais fermé hors périodes de covid. Les travaux devaient se faire pendant l’ouverture de l’établissement », se souvient Jacky.
Premier chantier, hommage à Georges Hoffher qui a créé ici, en 1836 – avant la gare de Perrache, 1857 – une fabrique de bières avec débit de boisson, la création en 2004 d’une micro-brasserie à l’intérieur de l’établissement « afin que la Georges serve à nouveau sa propre bière ». Située en mezzanine juste au-dessus du bar, objet de curiosité, elle est tenue au quotidien par un maître-brasseur et son apprenti.
Puis ce fut le grand nettoyage et la reprise des peintures de la grande salle historique jaunies par des années de fumées de tabac, en 2005 – il fallait voir les clients accepter de déjeuner sous les échafaudages pour ne rien rater de la précision des peintres… – la réfection des marbres, des moulures et des bas-reliefs, et puis l’installation d’un jeu de lumières avec les lustres pour accompagner le limonaire et rendre les anniversaires de la Georges encore plus magiques. La rénovation totale des sous-sols se fit en deux temps, 2009 et 2012. Et enfin la refonte de la cuisine en 2013 – en installant une cuisine d’été dans le réfectoire du personnel – sans perturber le service, un véritable pari. Tenu.
Ainsi la brasserie Georges embellit et se modernise tout en demeurant dans son jus.
Dans l’atmosphère unique de cette salle de plus de 700 m2 et 6,23 m de hauteur de plafond qui défie les modes et le temps. Mieux, plus elle vieillit plus elle attire du monde, comme une vieille comédienne qui saurait si bien raconter les histoires, l’Histoire, que le public – sur trois générations parfois – ne se lasserait pas de venir l’écouter avant de l’acclamer.
Ainsi la brasserie a grandi, cent-vingt salariés aujourd’hui, une sacrée belle équipe, fière d’en être, de défier ce métier si fragile qui se réinvente tous les jours, pour un peu moins de 1500 couverts/jour en semaine et jusqu’à 2000-2200 en fin de semaine. « Quand nous sommes arrivés, la Georges recevait 275 000 personnes à l’année » note Jacky. « Nous en sommes à 500 000 ». Il faut dire que la restauration démarre à 11h30 et continue non-stop – ce qui n’est pas rien – jusqu’à 23h en semaine et 00h15 les vendredis, samedis et veilles de fête.
Alors bien sûr, on attend souvent à l’entrée, vingt, parfois quarante minutes. Le point, toujours avec Jacky Gallmann : « En semaine, on ne réserve pas le midi, sauf à partir de sept convives. Le soir et le week-end, il est possible de réserver, mais il faut s’y prendre un mois minimum à l’avance. Et les week-ends sont devenus très compliqués car il y a peu de restaurants ouverts depuis le covid, et il y a en effet des files d’attente jusque dehors… »
Mais les gens acceptent le plus souvent sans broncher, parce que c’est là et nulle part ailleurs qu’ils veulent diner.
C’est vrai qu’elle en jette la belle vieille Georges, surtout la nuit quand les lumières habillent sa jolie façade d’autrefois, façon temple, et quand une fois entrés, en attendant que Jacky veuille bien dénicher une table, on peut observer la tenue chic des serveuses et serveurs, des chefs de rang, leur ballet incessant, et lorsque la porte des cuisines s’entrouvre, entendre les « chaud ! chaud ! » et humer alors un peu plus fort les parfums mêlés de tous ces plats…
Un spectacle. Une chorégraphie. Un rendez-vous. Les plats ? Un menu lyonnais très raisonnable ; sur la carte, des entrées, des poissons, des viandes et… des choucroutes, comme s’il en pleuvait. Et puis cette incroyable omelette norvégienne, dessert signature des anniversaires avec flonflons et applaudissements… Le tout à des tarifs bien maîtrisés, la Georges doit pouvoir accueillir tout le monde. Tout est fait maison, à base de produits frais, avec des fournisseurs locaux pour la plupart – Bobosse, Sibilia, Richard – c’est une tradition et une revendication. « 75% d’entre eux sont intouchables », sourit Jacky.
« Nos clients savent ce qu’ils viennent chercher, ils nous demandent parfois de changer la carte et les mêmes nous réclament les plats que nous avons enlevés ». Immuable. Insoluble. La marque des grands. La marque des rendez-vous incontournables, des adresses où il faut s’être installé au moins une fois dans sa vie… « pour voir ».
Brasserie Georges
30, cours de Verdun – Lyon Perrache
Tel : 04 72 56 54 54
Ne changez rien. J adore.
Je vais avoir 80 ans de toute petite (5 ans ) mes parents faisaient des kms pour venir déjeuner à la brasserie, je suis devenue lyonnaise. Et je continue avec mes enfants et petits-enfants. Et amis.
j adore la George que j ai fait connaître à un ami et nous retournons souvent
à bientôt
michelle
c’est vrai que la brasserie georges est une institution un incroyable musée de la restauration et la venu de monsieur Galmann à tout changer sur tout les points un immense grand bravo à cet homme.