Texte : Margaux Nourry – Une grande figure lyonnaise fête son grand retour avec les Grands Buffets Lyonnais… 6ko. Tour Rose, épisode 3.
Après avoir longtemps régné aux Brotteaux, Cisco Semedo a décidé de migrer au cœur du Vieux-Lyon. Un quartier cher à son cœur, là où il célébrait le 8 décembre lorsqu’il était étudiant dans les années 80, alors que l’évènement était encore authentique. Mais aussi là où il retrouve bon nombre d’amis, du côté de Saint-Jean. « On sait à quelle heure on commence mais pas quand on finit. Ce côté, on ne l’a pas ailleurs. », nous confie-t-il au détour d’une ruelle.
Après dix ans d’absence, c’est bien le quartier du Vieux-Lyon qui l’a fait revenir, ainsi que la naissance de ses deux petites-filles. « Même si c’est bien touristique mais il y a de vrais Lyonnais là aussi. Pour moi, Saint-Jean, c’est Lyon. Vous n’avez nulle part ailleurs la même architecture, il y a Fourvière, notre petite Tour Eiffel. C’est un peu mon quartier de cœur. »
Il n’a donc pas hésité très longtemps quand Farid Mezaber lui a proposé la direction des Grands Buffets Lyonnais qui s’installent à la Tour Rose après le dépôt de bilan de Food Traboule, créé par Tabata et Ludovic Mey. Avec son nouveau projet, 6ko se donne pour objectif de faire revenir les Lyonnais dans la vieille ville : « Je fais le pari de ramener mes potes dans le Vieux-Lyon pour voir leur Cisco. »
Quand on connaît le personnage et son influence, on sait qu’il en est tout à fait capable.
Celui qui se définit comme un bon vivant et non un noctambule a cette capacité à aller facilement vers les gens et, surtout, à se faire apprécier : « En général, on dit qu’on se sent bien avec moi », témoigne-t-il à la fois rieur et modeste. Alors il est invité et reçu partout. De quoi voir du monde, et du beau monde, surtout dans le 6e, qu’il aime associer à son prénom.
Mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle il est connu. Il y aussi son parcours, et la ribambelle d’établissements dans lesquels il a travaillé. Le 11 Club, le First Tendency, le B’52, le Factory, le Gnome et Rhône Café, le TP, le Comptoir de la Bourse dont il a été le RP. On notera sa collaboration au F&K pendant dix ans et le rachat du Lips Café à la Cité internationale.
Du Sénégal à Lyon
Au fil de l’énumération, les anecdotes et souvenirs affluent. Il raconte ses débuts mais pour cela il faut d’abord retourner sur sa terre natale, le Sénégal : « Après mon Bac, mes parents ont la possibilité de m’envoyer aux Etats-Unis, au Canada, en Suisse ou en France. Quand je regarde les dossiers d’université, je vois Lyon. Et moi, je suis du signe astrologique lion. Je postule à toutes ces universités et la première où je suis acceptée est Lyon. Voici comment je suis arrivé ici. Fidèle, je suis resté. »
Cisco Semedo (Le Comptoir de la Bourse), Kader Marouf (World Combat Cup) et Alain Dinc (directeur de La Tour Rose) au lancement de Selcius Plage en 2014
Tout juste débarqué dans la capitale des Gaules, il est repéré pour son physique lors d’une sortie festive. Il faut dire qu’il est champion de karaté. « Dans un bar, je calme et évite une dispute. Le patron me propose de bosser pour lui mais mes parents m’envoient déjà de l’argent, je n’ai pas besoin d’un job. Mais il promet alors une réduction pour tous mes potes si j’accepte. Alors je le fais, sous leur pression. »
Une double vie bien à lui
Cette double vie d’étudiant en droit puis commerce et d’agent de sécurité à Lyon – et au Cabaret de Montélimar le week-end – finit par prendre le dessus sur ses études, même s’il a créé sa société de diffusion. « Les Lyonnais festifs qui ont la cinquantaine ont grandi avec moi », atteste le gaillard.
D’agent de sécurité, il monte les échelons petit à petit jusqu’au poste de manager, mais son passé n’est jamais bien loin… « Quand je travaillais à l’AperiKlub puis au F&K, je ne disais pas que je travaillais là. Parfois des gens demandaient le directeur et quand je venais, on me répondait : « On n’a pas demandé le gars de la sécu » (sourire).
6ko et Wilfrid avec leur équipe pour l’anniversaire de l’AperiKlub en 2004
« Alors j’envoyais quelqu’un d’autre, du moment qu’il était blanc et qu’il passait bien. Du coup, on ne voit en moi que le gars de la sécurité. Comme quoi être black et baraqué… Mais je m’en moque. Si vous interrogez ceux qui ont travaillé avec moi, la plupart vous diront : « de qui parlez-vous ? ». On se souvient de lui, sans réellement savoir qui il est, une dualité étrange qu’il cultive.
6ko, l’ange gardien des filles
Dans le milieu de la nuit lyonnaise, certains savent très bien qui est Cisco, notamment les jeunes festives. Et il n’est pas question de tableau de chasse mais de protection. « Beaucoup m’appellent Doudou. Les filles disent que je suis leur ange gardien, que j’ai toujours veillé sur elles. Quand j’ai démarré dans la sécurité, c’était mon quotidien. »
« Parfois je voyais des filles qui avaient picolé et des garçons qui attendaient, alors je les ramenais chez elles », raconte-t-il. Une question d’éducation selon lui. Une attitude respectueuse qui s’applique à l’ensemble de sa ligne de conduite : « Je ne raconte pas la vie des gens. Quand on me demande si j’ai vu, je dis non même si c’est le cas. C’est un peu ma devise. »
Cisco entouré de Lina (Le 15), Joana Musatto (Hôpital Croix Rousse), Suzanne De Sa (French Fries) et Lynda Begard (Natae) à la soirée brésilienne des Planches, le 7 juillet 2015
Malgré sa fidélité à Lyon, Cisco finit par quitter tout cet écosystème en 2016 pour s’installer de l’autre côté de la France, à Bordeaux. Là, il travaille dans l’ouvrage d’art et la construction de ponts. Comme l’entrepreneur aime à le dire, « un pont amène à un autre vie ».
Aujourd’hui, il emprunte à nouveau la passerelle du Palais de justice direction sa deuxième vie lyonnaise, en tant que responsable d’une agence industrie pour le groupe IHL et directeur des futurs Grands Buffets Lyonnais. Double vie, toujours…
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