Photo © Jean-Luc Mège

Par Nadine Fageol

Une heure chrono pour croquer cette vibrante famille qui dévore la pomme de jouissive manière. Dans le sens de l'art et de l'implication. Inspirée.

Chez les Brun, ça valse, ça virevolte, de tous les côtés. On est au pays de Woody, on passe d'une pièce à l'autre et les échanges fusent, joyeux, musclés, élevés. Pour sûr, les Brun habitent au septième ciel, précisément au trentième avec cette vue incroyable sur les toits flanqués des réservoirs que Sonia Sklaroff retranscrit si bien sur ses toiles dans une touche bédéiste. Les sculptures et masques africains de monsieur, les planches de papillons de madame jusqu'au frigo couvert de billets de musée, de concert, la famille dévore la pomme à belle dent avec un gros faible pour la spécialité culturelle. « Des gros bateaux, des gros avions, le métro 24/24h, c'est la Babylone moderne, un port sur le monde, la ville qui va le pus vite, à la fois moderne, inhumaine, pas naturelle du tout » annonce Florence avec ce regard complice et cet humour ravageur qui font que cette « Lyonnaise de chez Lyonnaise » ne passe pas inaperçue dans la colonie française de 60 000 âmes. Craquante au point que l'un de nos interviewés dira « l'adooooooooorer ». Racé dans la gamme des bruns, lui ne donne pas sa part au chien. Vente, marketing, technique, international, direction de la division cosmétique… en 20 ans, Eric a franchi les échelons au sein du groupe Gattefossé pour intégrer le Comité de direction du groupe qui l'a chargé en 2001 de « booster la filiale US ». Résultat, le chiffre d'affaires a triplé depuis son arrivée. Spécialisée dans les matières premières destinées à la pharmacie et à la cosmétique, Gattefossé, l'une des plus anciennes sociétés lyonnaises, 130 ans l'an prochain, est toujours une entreprise familiale. Bref, une de ces boîtes qui véhiculent de vraies valeurs, ce qui n'a rien d'anodin par les temps qui courent.

Psychologue du travail de formation, Florence a eu tôt fait de trouver ses repères pour œuvrer dans la substantifique moelle new-yorkaise. Deux jours par semaine, elle opère pour un cabinet de recrutement axé sur la requalification d'immigrants à haut niveau de qualification vivant de petits boulots. Et consacre deux autres journées dans une fondation à former des « aid-teachers », bénévoles chargés d'assister les enseignants des écoles sachant qu'à New York, « 40 % des enfants de l'école publique ne parlent pas anglais à la maison. L'État intervenant très peu, l'équilibre se fait par les individus ». Du boulot, des amis via les différentes communautés, la famille baigne dans le cosmopolitisme ambiant, ce qui fait dire à Florence, « nos enfants ont gommé toute idée de racisme ». Louis qui suit un master de Sciences Politiques à NY University a perçu l'essentiel, « on vit dans l'immédiateté, quand on creuse on se rend compte que c'est léger mais toujours courtois ». À des lieux du « franchouillard parachuté », les Brun n'ont en rien perdu de leurs racines lyonnaises. De retour, Eric retrouve Gérard, Paul, Michel, Jean et les autres pour un « dégagement entre garçons» autour d'un steak-frites-salade chez A Ma Vigne ou va déguster quelques huîtres chez Merle aux Halles « L'Équipe fraîche du jour» sous le bras, et fonce « taper dans le ballon à la Doua » le dimanche matin. Première visite obligatoire à Reynald et Virginie, les « coiffeurs adorés » de Florence qui, en manque, dévalise Bernachon et s'en va ensuite au Petit Grain « rigoler comme des imbéciles ». L'apéro est expédié pour raison de dîner en ville, en partant on se retourne pour apercevoir la longue silhouette de Florence flotter tel un papillon sur le passage clouté. French classe !