Par Alain Vollerin
La mort rode dans toutes les allées du salon de Lyon et du Sud-Est. Inauguré le 11 novembre, cette institution réclame à grands cris un armistice…
Et le combat cessa faute de combattants. Vernir le salon un jour férié était déjà le symbole d’une vacance, d’un abandon, d’une mort annoncée. La couverture du catalogue va dans le même sens, ce n’est pas une vitrine accueillante et lumineuse, comme il le faudrait, mais un avis de faire-part. Noir, lugubre. Tout est dit de l’ambiance régnante dans ce salon des sexas et des septuas. Des retraités, des petits vieux de l’art. Bigre ! Tout cela ne génère pas l’optimisme. On se tourne vers le passé. On célèbre les décédés de l’année, comme pour vérifier qu’ils sont bien partis. Et on se dit, en courbant l’échine : " A qui le tour ? ". Mon ami Carlotti aurait ajouté : " Et, ce n’est pas fini…" Même, si nous devons compatir à de grandes disparitions : Denise Mermillon, Jean-Jacques Lerrant, Pierre Montheillet. Restons optimistes. Tournons-nous vers l’avenir. Que serait cet accrochage sans les passionnants emprunts à la collection de Michel Bosse-Platière bien sélectionnés par Régis Bernard : Carrand, Ravier, Vernay, Jacques Martin, Chartres, Vieilly, Chancrin, Adrien Bas, Combet-Descombes, Cottavoz, et Jacques Truphémus, alors amateur de paysages fruitiers et bonnardisants. Son envoi de cette année révèle sa propension à défier résolument l’âge venant, les lois terrifiantes de la Perspective. Par cet acte pédagogique, le salon est dans son rôle actuel : permettre aux nouvelles générations de renouer avec ce très glorieux passé. Mais les jeunes fréquentent-ils ce salon ? En voilà une bonne question, puisque Jean-Louis Mandon aime s’interroger. Pour qui travaillent les artistes ? nous demande-t-il dans son mot du président, toujours verbeux, trop coquet, méchant sans oser vraiment ? Toujours entre deux voies l’ami Jean-Louis. Réponse. Allez devinez !… Mais pour Jean-Louis Mandon, bien entendu. En vous promenant vous demandez : Chez qui expose cet artiste ? Réponse : " Chez Mandon…" Très bien. Et celui-ci ? Réponse Chez Mandon… Et cet autre. Encore Chez Mandon. Toujours chez Mandon. Très bien. Alors, du sol au plafond. Quelle belle réussite !
Ce qui était très chouette aussi, c’était l’article d’un pigiste dans le Progrès. Pas pour ce qui était écrit, non, de la resucée de dossier de presse. Sans intérêt pour l’amateur. Non, mais la photo. Alors là, oui. Magnifique. Jean-Louis Mandon et Alexandrine Pesson, maire du 5e. Le regard bien droit devant, regardant résolument l’avenir. On avait envie de les marier. Comme la vie devient belle devant de telles images du bonheur. Mais continuons notre promenade. Accrochage très structuré. Bravo aux bénévoles. Si vous n’aimez pas les moutons, je vous déconseille les œuvres de Maher al Baroudi, Fabienne Amiel prend l’eau, son Hôtel-Dieu aussi, Bachs devrait plutôt faire de la musique, Paulette Bacon produit du Paulette Bacon plutôt honorable, Martian Ayme mérite notre intérêt il a réalisé 610 épreuves imprimées pendant plus de 6 mois en 2006 sur le thème de la Dame de Chamalières, Juliette Beaudroit s’ennuie comme ses sujets nus et c’est contagieux, Marcelle Benhamou a composé une série de 500 calques, une performance, Paul Bergignat nous rappelle quelqu’un, ne serait-ce pas le pauvre Tardy ? Isabelle Bossé attend, pour elle le temps s’allonge infiniment, comme nous l’envions, la simplicité d’Elena Bruno nous enchantera toujours, comme celle de Marie-Thérèse Bourrat. Qu’est-il arrivé à Champin de Lyon ? Le voilà aspirant-art contemporain, pourvu qu’il ne finisse pas adjudant. Dekerle abuse de la tisane à la lavande, ses toiles en sont beaucoup trop parfumées. François Dupuis pense que quand on n’a pas de talent on peut toujours se réfugier dans l’humour. C’est son problème. Louise Fritsch compose avec deux ou trois personnages arrachés au monde de Jérôme Bosch un vaste format, comme son titre : noyés dans l’absurde. Quel aveu! Favrène en est encore au Tango Jazz, sa façon de rester jeune. Ne lui dites pas qu’il y eut le Be Bop, il se fâcherait avec Mandon, longtemps passionné par le Hot Club. Favrène, c’est la vie, la couleur, le rythme. En décalage, ici. Marie-Agnès Gachet-Mauroz qui vient de remporter un succès à l’Hôtel Drouot, n’est pas morose. Détrompez-vous. Elle est frappée d’une grande affliction que nous partageons. Elle voit les êtres humains leurs talents, mais aussi leurs défauts, et puis, le bout de la nuit, à toute fin inutile, peut-être. Qu’en savons-nous ? Peut-être. Voici que je fais du Mandon. C’est pas gai.
Gallo et Droz sont unis pour le meilleur et pour le pire. Anne-Marie Galtier compagne des jours de bonheur, où Myriam Bros présidait le salon, nous livre un portrait de notre ami Joannès Veimberg. Un bel hommage. Avec Françoise Joudrier on pense à l’univers de Jean-Marc Requien en moins léger. Gilbert Houbre évoque en nous une certaine peinture belge. Il est moins anecdotique. Plus proche de lui-même. Parmi les meilleurs envois du salon : Elsa Gurrieri et ses chants nocturnes percutants jusqu’à l’envoûtement. Richard Hadorm insoumis à la terrible rigueur imposée par la technique du dessin. Et surtout, Michel Gilbert dont la série de collages sur toile constitue une impressionnante remise en cause de tous nos acquis. Il vient d’exposer à la mairie du 2e gérée par le vaillant Denis Broliquier. Ariel de plus en plus discret pour ce genre de manifestations. Toujours égal dans la profondeur de son engagement. Sans aucune concession. Admirable. On ne peut pas dire qu’on n’a jamais vu de peinture du style présenté par Shih Chun Lee. Maurice Sage est un personnage très impliqué, sa peinture finira par l’être aussi. Remarquable présence de Françoise Turin. Assez parlé de peinture. Potinons un peu. Dans Lyon Capitale de novembre, une jeune journaliste de la rubrique Art, avec pour seul bagage sa candeur et sa naïveté, vient d’offrir la parole à Gilbert Cesbron récent président du salon de Printemps lui aussi en perte d’intérêt. Depuis qu’il est apparu, ce formateur de grands vieillards à la Faculté ne cesse de se trémousser pour faire parler de lui. Qu’il retourne aux fondamentaux pour gérer sa crise, car, il n’a pas les moyens de donner aux autres des conseils. Lorsqu’ils s’éloignent de leur passé riche et respectable, tous les salons se valent. Restons modestes !…
Salon de Lyon et du Sud-Est Jusqu’au 4 décembre 2011
Palais des Expositions 18 / 20, quai de Bondy – Lyon 5
0 commentaires