Georges Pithioud en roue libre

30 novembre, 2009 | LES GENS | 4 commentaires

 

01 Photos © Jean-Luc Mège

 

Par Nadine Fageol

 

Durant les 30 Glorieuses, il a fait prospérer la célèbre maison de l'avenue de Saxe avec cette bonhomie que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. À presque 90 ans, Monsieur Georges s'amuse toujours dès six heures du matin, rue Vendôme cette fois. Cycle de vie.

 

02 « La Carpe Koï est à la mode chez les seniors » dixit François Mailhes, le journaliste qui teste tout jusqu'aux Urgences après une chute en Vélo'v pour l'hebdomadaire Tribune. Il a raison, chez Georges Pithioud en bord de Saône, dans le jardin soigneusement entretenu par des jardiniers silencieux, les carpes Koï naviguent en file indienne entre deux plans de nénuphars. Total zen dans le bassin surmonté d'un petit ponton et de deux jets d'eau afin d'oxygéner l'eau de marivaudage de ces dames. On a comme des envies de réincarnation en carpe quand Georges nous annonce qu'elles ont dix ans. Dix ans à poissonner dans le même bassin, on oublie toute idée de réincarnation pour en revenir à Georges. Du fin visage bronzé transpercent deux prunelles bleues, tour à tour alertes, rieuses, interrogatives. On a peine à croire qu'il aura 90 ans à la fin de l'année tant il porte beau. Georges est aussi fin qu'immense, « 1,86 mètre, dans n'importe quelle circonstance, on est pas mal » et voilà qu'il ajoute le badinage à sa mise. On entre dans la demeure ourlée d'un salon d'apparat où l'on pense reconnaître de magnifiques panneaux peints probablement signés Zuber. Un petit tour et puis s'en va. La belle maison s'ennuie, trop grande. Depuis que Georges est veuf, il a pris ses habitudes à l'autre bout du jardin dans le corps de ferme transformé en appartement de plein pied. On entre par l'arrière, pour tomber dans une villégiature, piscine et après la haie bocagère un tennis. Voilà une sportive manière de prendre de la distance avec le voisinage. Dans le vaste salon, à côté de la cheminée, l'intitulé d'une chemise cartonnée interpelle : Zizi Jeanmaire !!! « Je suis vierge de toute impression et vous en profitez » raille Georges ; il nous faut des informations et les chemises c'est un peu sa malle aux souvenirs. Georges a gardé un reportage sur Zizi triomphante toute de bleu, blanc, rouge vêtu par Jean-Paul Gaultier. Dans les chemises suivantes, jackpot, que du people lyonnais de l'après-guerre aux eigthies, et monsieur Paul de Collonges en star récurrente. « Je suis l'un des plus vieux clients de Georges Bocuse, le père. À l'époque il n'y avait que six tables à l'auberge avec un renard attaché au bout d'un câble et même un singe ».

 

03 Au début du siècle dernier, le père de Georges Pithioud, mécanicien, quitte Berliet pour rejoindre la veuve Jamet tout d'abord comme associé avant de racheter l'affaire de cycles qui va prendre essor sous le nom d'Alexis Pithioud, avenue de Saxe. Élève au lycée Ampère, Georges s'engage dans l'aviation à Aulna en Auvergne, puis à Bron afin de se rapprocher de sa mère après le drame. Son père meurt dans un accident de moto lors d'une course cycliste en 1924. Une fois démobilisé, il reprend l'affaire familiale qu'il va faire grandement fructifier. Fabrication et distribution de deux roues – quel Lyonnais n'a pas eu, enfant, son Pithioud ? – et de ses dérivées : 70 000 Solex vendus en 20 ans et 1 100 Vespa 400, la drolatique voiture compacte échappée d'une bande dessinée. L'enseigne Pithioud prolifère sur l'avenue de Saxe et se répand jusqu'à Saint-Priest dans sa déclinaison loisirs, rayon caravanes et bateaux. Les 30 glorieuses sont aussi les années de montée en puissance de Paul Bocuse. 1969, le duo convie les copains au grand Prix de Collonges. Un kilomètre autour de l'auberge, l'épreuve est titanesque et les chutes nombreuses au pied de l'infirmière. À l'EPO, les briscards préfèrent le bouche-à-bouche à corps et à rires. À un journaliste s'enquérant sur ses pratiques sportives, le débonnaire président de région, Charles Béraudier refile sa photo en cycliste dument sponsorisé Pithioud. Et ainsi de suite, pour le baptême de l'Éclair, la bande pose fièrement hilare en habits de marinier, le bateau lui a disparu des clichés. À Béatrice Denis, Georges offre une échappée belle en ville sur un vélo deux places. À Carole Dufour en quête d'une idée marrante pour les championnats du monde de cyclisme sur piste en 1991, il fabrique le plus grand vélo du monde : 3,25 mètres de haut…  Jamais à court d'idées, de bonne volonté, en remerciement pour services rendus à la discipline reine, Georges est nommé président de toutes les amicales et autres représentations professionnelles. Honda, Motobécane… Dans les années 80, la maison Pithioud qui a élargi son registre suscite la convoitise jusqu'à celle du gendre de Michel Noir, Pierre Botton « au moment où il était en position de force » et sera finalement vendu à une concession Honda. Dans le garage, on découvre un Solex encore plein de vibrations. Une photo s'impose. « Non mais vous avez fini de me prendre pour un mannequin » s'amuse Georges qui s'exécute avant de nous convier à une virée gourmande chez Paul Bocuse. « Elle est belle sa maison, s'amuse Monsieur Paul, il veut me la laisser mais c'est trop grand. Je n'entends plus rien. Ce n'est pas grave, cela m'évite d'écouter des conneries ». Un petit tour et puis s'en va Monsieur Paul, non sans avoir décrété que « Georges est un gentleman ». Avant d'asséner le coup de grâce, « La réussite de Monsieur Pithioud, c'était sa femme dans la boutique ». Souvenirs quand tu nous tiens… Fidèle à ses sportifs principes, Georges est à la tête du club des « Joyeux Matinaux ». L'avocat André Soulier en selle aux côtés des professeurs Catrix, Leras, Gignoux, Sarkisian, le sérail de la santé lyonnaise accompagné de Pierre Orsi et de Christian Philip au rameur… Depuis 20 ans, il fréquente l'Institut Vendôme qu'il ouvre à 6h du matin simplement parce qu'il en a les clés. En amitié, Georges a toujours été un grand fidèle. 

 

 

04
Au milieu de Charles Hernu et de Francisque Collomb au Parc de la Tête d'Or dans les années 80
 
05  En binôme avec Béatrice Denis, alors directrice du Bar américain
 
06  Charles Béraudier, ancien président du Conseil régional, aux couleurs de Monsieur Georges
 
07 Jean-Pierre Soulier, Carole Dufour, Francisque Collomb et André Soulier en Pithioud
 
 

 

 

 

 

 

4 Commentaires

  1. claire

    Un véritable gentleman, monsieur Georges ! Que les vieux beaux lyonnais en prennent de la graine !

    Réponse
  2. jean-charles

    on retrouve bien lyon, très sympa ces photos des années 70, une idée à reprendre

    Réponse
  3. BRUNELLE

    Un concessionnaire de caravanes qui ose venir en Ferrari lors d’une convention … ça c’est la grande classe !
    Monsieur Pithioud, IMPRESSIONNANT !
    j’était très jeune et admiratif…

    Réponse
    • BRUNELLE ALAIN

      j’étais jeune vendeur de 1973 à 1991 à Coignieres 78
      TRIGANO 2 ans, puis au rachat de DIGUE terrain usine sur la RN 10, je deviens vendeur exclusif DIGUE.
      Je suis même concessionnaire en 1980 à 82, puis DIGUE fait faillite !

      Réponse

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