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De notre envoyé spécial Benjamin Solly
Après quatre journées nippones au pas de course, le président du Grand Lyon a entamé son étape coréenne par une réception matinale à la mairie de Séoul vendredi 19 juillet 2013.
Silence, moteur, on tourne. La mise en scène était parfaite et il n’aura fallu qu’une seule prise aux acteurs de ce vaudeville inattendu. Pourtant, l’entrevue avait tout ce qu’il y a de plus officiel. Limite ennuyeuse. Dans le bus de la délégation restreinte, conviée à cette rencontre inaugurale entre les deux édiles, on entendait pourtant les mouches voler. Le stress des premières fois ou l’horaire matinal ? Seul David Kimelfeld osait encore s’émerveiller devant le décorum du véhicule, entre rideau de soie à motif et capitonnage de la cabine en skaï gris clair du meilleur effet. Ajoutez à cela les sièges recouverts de tissu brodé ou d’une moleskine bordeaux. La 505 Peugeot de notre enfance – qui fleurait bon la maïs et le super – n’est pas loin… Au pays du Gangnam Style, rien de surprenant. Seule Karine Dognin-Sauze apporte à l’ensemble une touche rafraichissante.
Arrivée à l’Hôtel de Ville de Séoul. Philippe Grillot a du boire plus de café que ses camarades. Il est surexcité. Pour faire couleur locale, il propose de se rebaptiser pour l’occasion « Kim Grillot ». Le président de la CCI devra sans doute revoir ses points cardinaux, en insistant bien sur la différence nord-sud. Mais il est encore trop tôt pour l’Acte I Scène I, le maire de Séoul Park-Won-Soon doit encore briefer ses comédiens. Militant anti-corruption, écrivain, fondateur d’ONG et d’associations caritatives, avocat spécialisé dans les droits de l’homme, le parcours de ce novice en politique force le respect. Son talent de metteur en scène également. Il ne s’agit pas de brocarder une hospitalité feinte. Loin de là. Mais l’ensemble sonnait vraiment trop joué pour être spontané.
Patientant dans l’antichambre du maire et rejoint par l’ambassadeur de France en Corée Jérôme Pasquier, la délégation a vu sortir une trentaine de collaborateurs, tous plus chargés de dossiers les uns que les autres. La scène n’avait rien à envier aux chœurs des tragédies grecques. Et le Choryphée se fait attendre ! Plus pour longtemps. Gégé et consorts ont rapidement rejoint le bureau du maire. Le rendez-vous devait être feutré et ne concerner que les élus du Grand Lyon, le président de la CCI et le directeur adjoint de la direction de l’Attractivité et des Relations Internationales de la communauté urbaine Christophe Meunier. Restreinte, la délégation ? C’est finalement l’ensemble de cette dernière qui a été invitée à assister au spectacle. On aurait pu largement frapper les trois coups, car tout dans ce moment surprenant sentait bon la scénarisation et la sur-théâtralisation.
Le décor tout d’abord. Un immense tableau cafi de post-its pour bien signifier l’activité débordante du maire séoulite. Spécialisé dans les technologies innovantes, l’ensemble sonne légèrement suranné. Un coup d’œil à droite et c’est un bureau ou s’élève plus d’un mètre de dossier, qui n’a rien à envier à celui de Gaston Lagaffe. « Il me rappelle celui de mon premier adjoint », se marre Collomb. Dans un coin, une petite étagère rassemblant divers plants se veut un précis d’agriculture urbaine. Le très Croix-Roussien David Kimelfeld se montre séduit par le modèle réduit et imagine déjà exporter l’idée sur la colline qui travaille. « Il faudra d’abord que tu trouves de la place. Tu vas jeter le caillou dans le Rhône ? », l’interroge, pince-sans-rire, Grillot. C’est dans cette ambiance surnaturelle que chacun prend place autour de la place pour une demi-heure de conciliabule.
Échange de politesses habituelles entre les deux édiles. L’atmosphère est tellement détendue qu’on propose même de se revoir autour d’un karaoké. Mais avant de pousser la chansonnette, le protocole reprend ses droits avec l’échange de cadeaux. Collomb est venue avec une hotte contenant une cravate Hermès, des bouteilles de Côte-Rotie, et un maillot de l’OL floqué au nom de Clément Grenier. L’heure du départ sonnée, la vingtaine de collaborateurs s’apprête à rentrer de nouveau dans le bureau, les bras chargés de dossiers encore plus lourds que lors de leur précédente sortie.
Seul point signifiant de cette entrevue, la proposition faite à Lyon de rejoindre l’Assemblée générale internationale pour la création de l’Organisation Mondiale de l’e-Gouvernement (Wego), qui regroupe 72 villes à l’initiative de Séoul, et qui tiendra son assemblée en 2014 à Tsingtao en Chine. « Ce truc, c’est du pur marketing commercial », glisse Christophe Meunier. A la mesure de cette improbable rencontre officielle.
A la lecture de ces articles, on se demande vraiment si ce voyage, sans doute très couteux pour les Lyonnais, sert vraiment à quelque chose…
C’est sûr que pour un ronchon qui n’a jamais dépassé le péage de Villefranche, ce type de voyage peut sembler lointain donc improbable. Et pourtant, si Lyon veut « exister » à l’international, il faut en passer par là.