Par Marc Polisson
Une assistance triée sur le volet, des discours de haute volée, un délicieux buffet… il y a encore des soirées placées sous le signe de la grâce, même pour les plus blasés. La remise des insignes de chevalier la Légion d'Honneur au commissaire-priseur Jean-Claude Anaf, saluée par le tout Lyon, est de celles-là. Tension et émotion à l'Hôtel de Ville.
Fierté et stress. Stress et fierté. Deux sentiments intimement mêlés qui ont bercé et remué le perfectionniste Jean-Claude Anaf durant toute la journée du vendredi 26 février, date de sa remise de décoration. Stress maximum à 17h quand nos scanners ont relevé un rythme cardiaque inhabituel chez l'intraitable homme au marteau. A une heure du début de la cérémonie, le cœur de notre récipiendaire bat la chamade, une vraie tempête à l'image de celle qui a traversé la France dans la nuit de samedi à dimanche. Ça ne durera pas. Dès l'arrivée des premiers invités, le commissaire-priseur a repris le contrôle de son appareil. Tels ces pilotes de chasse toujours sujets au trac après 20 ans de vol et qui rayonnent dès leur catapultage. Impeccables en show aérien devant leur public, aussi illustre soit-il, comme celui convié à cette cérémonie. Pas de piste, mais une estrade avec pupitre dressé devant « une assistance prestigieuse » dans les grands salons de l'hôtel de ville. Les mots sont de Gérard Collomb. Maître des lieux, le sénateur maire assure la première partie du spectacle, un exercice dans lequel il excelle. Virevoltant sur les bons mots et les compliments qui passent en rase motte au dessus d'une assistance ravie et « fière d'être ton amie ». « Nous avions reconnu tes mérites bien avant la république » remarque-t-il ingénument, en prolongement subliminal de sa fronde anti-parisienne qui a bien occupé sa semaine montpelliéraine. Saluant l'élégance naturelle de JCA et son audace d'avoir racheté et réhabilité la gare des Brotteaux. « Je suis un peu triste que tu aies quitté cette belle salle de ventes mais c'est pour partir vers de nouvelles aventures » témoigne Gégé avant de se tourner vers son compagnon Jean Martinon : « Tous les deux, vous êtes un peu le feu et l'eau. L'un réservé, l'autre extraverti et doté d'un humour très caustique. » L'assistance est aux anges, JCA en lévitation et Jean, mi-l'art, mi-cochon. « Je sais que ce soir Jean va être terriblement jaloux. Alors si je suis élu président de la République, la première décoration que je remettrai sera pour Jean Martinon » conclut-il en riant, sous un tonnerre d'applaudissements.
Dès lors, Jean-Michel Aulas – à qui revient le redoutable privilège du discours de félicitation – sait que l'exercice va être difficile. Surtout qu'il s'agit d'une première pour le président de l'OL, chargé de relater la vie et le parcours professionnel « exemplaire » de son ami récipiendaire. De sa naissance, le 21 septembre 1949 – « le même jour que moi, à quelques années d'écart » me chuchote à l'oreille Raymone Carlut – jusqu'à aujourd'hui, JMA retrace les moments forts d'une vie consacrée au business de l'art et « qui pourrait bientôt s'orienter vers l'altruisme et le caritatif » évoquant la probable création d'une fondation Jean-Claude Anaf. Une existence jalonnée de moments douloureux comme la disparition de son père Elie en 1979 ; de rencontres – dont celle d'un jeune professeur d'histoire des Maristes (le mien, entre autres) prénommé Jean dans un petit restaurant – un an plus tôt ; de folle audace à l'époque de l'acquisition et de la réhabilitation de la gare des Brotteaux en 1989 et d'insolente réussite en affaires (la vente à un très bon prix d'Anaf Art Auction juste avant la crise étant la dernière en date). De superstition aussi, point d'ancrage amusant liant ces deux hommes, JMA comme JCA faisant usage de stupéfiants rituels avant d'aborder des échéances importantes. « Tu es l'homme le plus raffiné que je connaisse ! » souligne JMA avant d'épingler son ami de l'insigne de Chevalier de la Légion d'Honneur.
A Jean-Claude Anaf, ensuite, de conclure en remerciant longuement le président de l'OL, reconnaissant que leur amitié souffre d'une seule faille : « Je suis un cancre en matière de football », puis sa maman Liliane, ultra protectrice : « Je reste à jamais pour elle un petit garçon de 10 ans », Paul Bocuse, son oncle Albert, ses amis d'enfance, Bruno Lamy, « le seul à me faire entendre raison et à supporter mes colères homériques », Jean-Patrice Bernard « qui m'a fait découvrir le monde de l'entreprise » et ses collaboratrices dont sa fidèle assistante. Un coucou furtif à ses filleuls Lauren Caro (présente avec ses parents) et Adrien Lacombe (retenu aux Etats-Unis et représenté par ses parents). « Je me réjouis d'exercer l'autre plus vieux métier du monde » s'amuse-t-il, un métier qui lui a permis de croiser « des personnages extraordinaires comme ces grands collectionneurs et ces antiquaires passionnés » et d'avoir « entre les mains les plus beaux objets comme les plus insolites ». Et de raconter ensuite comment il était « tombé en amour… – de Jean, anticipe l'assistance – …de la gare des Brotteaux », une étape qu'il considère « sans nostalgie » même s'il a tenu à se réinstaller dans l'une de ses ailes. Et s'il n'a pas coupé le cordon ombilical ni avec sa maman et ni avec sa gare, il en est de même pour sa profession, d'où le rachat de l'étude Blache à Grenoble – là même où il a débuté en 1974. « Je suis toujours amoureux… – Jean Martinon trépigne – …de ce métier passionnant et j'espère m'investir pour lui au niveau européen. » Histoire de porter haut et fier les couleurs des enchères à la française.
Pudique et réservé, JCA va-t-il faire l'impasse sur sa love affair ? Que nenni. « C'est à Jean que je dédie cette décoration, mon fidèle allié avec qui j'ai tout partagé – il le regarde dans les yeux – mélange de père Joseph et de conseiller avisé qui a le mérite de dire tout haut ce que je peux penser tout bas, et doté d'un humour caustique, parfois difficile à comprendre, même pour moi. » Rires complices d'un auditoire captif et gourmand – Jean, les joues écarlates, se mange les doigts – qui ponctuent cet happy end d'un tonnerre d'applaudissements. Place au cocktail préparé par Frédéric Berthod et les équipes du 33 Cité. Jean-Claude Anaf, soulagé, peut enfin profiter de ses amis, les saluer, poser pour les photographes et tremper ses lèvres dans une coupe de Laurent Perrier. Seuls les plus attentifs peuvent encore observer une petite ride d'inquiétude qui fait de la résistance sur son front hâlé. A 21h3O, une quarantaine d'intimes est attendue à dîner dans son bel appartement du quai de Serbie. Là encore, tout doit être parfait.
La projection diapos, c'est maintenant !
Hôtel de Ville de Lyon
Vendredi 26 février 2010
nous sommes content pour Michel Brochet, c’est un gros poisson !…
Merci pour votre vigilance, grand pêcheur devant l’Eternel que vous êtes !
Quel bel article plein d’émotion. Voilà qui nous transporte dans un tendre monde. Bravo à la belle plume de Marco
on a bien connu liliane et elle est toujours aussi jolie