Par Benjamin Solly
Sur le plateau de TLM, les six candidats majeurs des élections municipales de Lyon ont enfin débattu autour des grands thèmes de campagne, mardi 11 mars 2014. Attendu dans l’arène par ses adversaires, Gérard Collomb s’est plié à l’exercice. Décryptage.
Il déclare à chaque tribune son amour de Lyon. Pas celui du débat. A telle enseigne que ses challengers en venaient à se demander si Gérard Collomb n’avait pas fait sien ce mot de Jean Anouilh : « il n’y a qu’un seul remède à l’amour : la fuite. » Sur le plateau de TLM, le sénateur-maire de Lyon ne s’est pas défaussé. Le moment était attendu et le débat aura permis d’éclairer non pas sur les contenus programmatiques, déjà connus, mais sur la méthode et les possibles convergences en vue de négociations d’entre-deux-tours. Notamment au regard des enjeux fiscaux et métropolitains qui borderont le prochain mandat municipal. Aux côtés du sénateur-maire de Lyon, Aline Guitard (GRAM-Front de Gauche), Étienne Tête (EELV), Michel Havard (UMP-UDI), Eric Lafond (Lyon pour tous, tous pour Lyon) et Christophe Boudot (FN) ont échangé autour des thèmes des transports, de la fiscalité, de la petite enfance et de la métropole.
C’est en compagnie de Romain Vaudan, candidat sur le 3e arrondissement, que la tête de liste du Front National a grillé sa dernière sèche avant de franchir les portes de TLM. L’occasion de faire un point sur la vraie-fausse invalidation de ses professions de foi en préfecture du Rhône la veille. « Il y a eu un moment de flottement qui a duré deux heures, mais tout est finalement rentré dans l’ordre », confie-t-il. A quelques mètres, le rubis du mégot d’Aline Guitard brûle encore. La candidate de l’attelage Front de Gauche-GRAM est venue sans Nathalie Perrin-Gilbert, mais avec quelques colistiers et militants. Elle semble indifférente à l’échange voisin qui anime le candidat centriste Eric Lafond, son lieutenant Stéphane Sacquepée et la tête de liste du 9e arrondissement Laurent Lecoeur. Le tabac pour seul lien et la mairie de Lyon comme unique objectif.
A l’intérieur, c’est l’effervescence. Les journalistes Jean-Pierre Vacher et Jean-Christophe Galeazzi, co-animateurs du débat, jouent les hôtes. Michel Havard serait sans doute venu avec ses 221 colisitiers s’il avait pu. Georges Fenech, Emmanuel Hamelin, Christophe Geourjon, Pascal Blache, Laure Dagorne, Jean-Baptiste Monin sont là. Le nombre doit montrer la force. Gérard Collomb l’a bien compris. Le visage fermé, celui du boxeur qui va rentrer sur le ring, il s’autorise toutefois une petite boisson. Le sénateur-maire de Lyon précède un impressionnant cortège que composent son directeur de campagne Olivier Brachet, de ses fidèles Georges Képénékian, Thierry Philip et David Kimelfeld, de ses têtes de liste Odile Belinga (1e), Roland Bernard (2e) Elvire Servien (6e) et Myriam Picot (7e). De son côté, Etienne Tête n’a rameuté personne, préférant échanger avec ses adversaires avant de rejoindre le plateau.
Collomb/Tête, l’impossible réconciliation ?
Hasard du tirage au sort, le candidat d’Europe écologie-Les Verts est placé à côté de Gérard Collomb et sur la même ligne qu’Aline Guitard. Cette gauche qu’il avait réussi à unir dès le premier tour depuis les municipales de 1995 joue désormais sa partition en solo. L’offensif Etienne Tête n’aura pas ménagé le maire sortant, notamment sur les marges de manœuvre budgétaire et les leviers fiscaux. « Nous ne pourrons pas financer un projet à 3 milliards d’euros avec seulement 3 millions », raille-t-il à l’évocation du projet d’Anneau des Sciences, au regard du point d’imposition supplémentaire évoqué par Collomb et qui rapporterait trois millions d’euros par an à la Ville. Le projet est d’ailleurs d’envergure métropolitaine. Tête souhaite également conserver la compétence économique du Conseil régional sur laquelle louche Gérard Collomb via la Métropole. « Ça va pas être simple l’union à gauche », s’amusent les proches de Havard, qui n’en perdent pas une miette devant les écrans des petits salons aménagés de TLM. « Peut être que ça ne se fera pas, on ne sait pas », embraye Etienne Tête sur cette problématique de l’union, ne dérogeant pas à son intransigeance sur la convergence des « projets. » Aline Guitard, plus nuancée, assure qu’elle ne souhaite pas que « M. Havard soit maire de Lyon. »
Vers une union Collomb/Lafond au 2nd tour ?
C’est donc du côté d’Eric Lafond que Gérard Collomb aura trouvé un allié de circonstance. « Votre position sur la voiture électrique est extrêmement intéressante », brosse-t-il. Le centriste lui renverra l’ascenseur quelques minutes plus tard, venant à la rescousse du sénateur-maire sur la question des rythmes scolaires. « Je m’étonne d’entendre les discours de grandes formations politiques dire qu’ils n’ont pas concerté et qu’ils ne sont pas prêts », pique-t-il à l’attention, entre autres, d’un Michel Havard remonté comme un coucou sur cette problématique. « Nous n’avons rien conclu, ni avec Gérard Collomb, ni avec personne d’autre. Je vous rappelle que nous sommes en campagne depuis un an et que nous discutons donc avec tous les candidats », recadre l’équipe du centriste, interrogée sur une perspective d’alliance déjà convenue.
Havard allume, Collomb éteint
Et Michel Havard ? Le candidat de l’UMP et de l’UDI aura montré un visage très offensif, moquant le « panier vide des promesses de Gérard Collomb. » Martelant sur l’appartenance socialiste du sénateur-maire, les deux hommes auront eu quelques passes d’armes, notamment sur la question du métro et de la fiscalité. Dans le rôle du franc-tireur, Michel Havard a finalement fendu l’armure. Gérard Collomb aura, lui, pris de la hauteur, ne réservant sa parole que pour contredire son adversaire en évitant toute surenchère. Notamment lorsque le débat s’est cristallisé sur la hausse des taux d’imposition prévus par Collomb, là où ses adversaires misent sur un élargissement naturel des bases. « Si l’on ne se redonne pas un peu de marge au début du prochain mandat, notre taux d’endettement en 2020 représentera 10 à 12 années de remboursement de la dette. Aujourd’hui, il représente 4 à 5 ans. »
Christophe Boudot joue la nuance
La tête de liste du Front National n’a pas cherché le coup d’éclat. Avançant ses idées, Christophe Boudot est resté, dans l’argumentaire et la tonalité, calme et constant, renvoyant une image de sérénité. Après les attaques tous azimuts par voie de communiqué(s), le secrétaire départemental du FN du Rhône a joué la carte de l’alternative, avançant ses projets pour Lyon. Michel Havard s’est même autorisé une leçon de politesse quand Boudot a tenté d’intervenir sur la fiscalité, estimant que ce dernier lui coupait la parole. « Nous allons nous maintenir dans tous les arrondissements, nous aurons des élus d’arrondissement et des élus au conseil municipal. Nous ne donnerons aucune consigne de vote », a-t-il terminé, fustigeant « la gauche socialiste de Gérard Collomb et la droite empêtrée dans ses affaires. »
Du côté des salons de la chaîne locale, les proches des candidats auront compté les points, Damien Gouy-Perret s’essayant même au crayonné sur Le Progrès du jour. Au sortir du débat, difficile de faire poser côte à côte Aline Guitard et Gérard Collomb pour la photo. « Même par esprit d’œcuménisme », interroge-t-on le maire. La formule aura au moins eu le mérite de le faire marrer, mais le cliché attendra. Le sénateur-maire de Lyon ne fait d’ailleurs pas de vieux os, quand Havard débriefe avec ses lieutenants près du buffet. Les fumeurs d’avant-débat ont retrouvé les abords de TLM pour deviser autour d’une « cousue. » « La campagne va partir dans ces prochains jours, sur la base de ce débat, chacun va faire l’inventaire des conneries dites par l’autre et ça va flinguer à tout va », glisse un proche d’Eric Lafond. En attendant la foudre, deux autres débats sont organisés, par Science-Po/Le Progrès le 19 mars et par France 3 le 20 mars.
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