Par Saint Pothin
L'album Oxygène du lyonnais Jean-Michel Jarre sort en 1976. Quelques mois plus tard, Gérard Collomb est élu pour la première fois conseiller municipal et l'on inaugure la tour du Crédit Lyonnais, banque qui sera débaptisée et mise en redressement deux décennies plus tard…
Cette tour, la première de la ville, les Lyonnais la baptiseront bien vite "le crayon" en raison de la mine de plomb déconfite des visiteurs étrangers à qui on la présente comme le symbole de la modernité de Lyon. "Cette construction s'est révélée catastrophique sur le plan économique et a freiné le développement de l'ensemble du quartier pendant les dix années qui ont suivi son inauguration" commente laconiquement L'atelier de la Rize, dirigé par l'architecte lyonnais Albert Constantin. La tour Oxygène est un crayon V2 (deuxième version). Elle sera tout aussi écologique que le crayon, c'est-à-dire de l'écologie de l'époque où l'écologie n'existait pas. Pour ce qui est d'être HQE (Haute Qualité Environnementale) on pourra dire, pour faire un (bon ?) mot "développement durable" que l'on est dans les choux et plus verre que vert.
On l'imagine cependant "Ni vraiment belle, ni vraiment écolo", comme le titrait Lyon Capitale en décembre 2006, ne sachant d'ailleurs si la remarque s'adressait aussi à l'adjoint à l'urbanisme de la mairie de Lyon, Gilles Buna, que les habitués de la rue Désiré disent aussi plus verre que vert.
Ce dernier ne manquera pas d'expliquer devant les échafaudages que la construction est terminée et que le symbole O2 à été crée pour Lyon et ses deux fleuves, dont l'un est une rivière.
Cette copie provinciale de la tour EDF de La Défense, pendant de la tour Eiffel de Lyon, devrait offrir 28 000 m2 de bureau, 11 000 m2 de commerces pour seulement 400 places de parking. Cela ne posera aucun problème car le Sytral, qui a solution à tout, fait passer au pied de l'immeuble un bus rebaptisé "ligne forte" qui reliera Oxygène à la gare Saint-Paul, fief de la SNCF qui occupera une bonne partie de la tour. Pour une entreprise dont les syndicats ne manquent pas d'air et dont les dirigeants ont l'air de n'en pouvoir mais, Oxygène s'imposait. En bonbonne comme en mp3.
Abbes Tahir, architecte au nom de poète du cabinet d'architecture Arte-Charpentier chargé du projet, a commencé sa carrière avec le grand succès du chantier Eurotunel. Il s'est spécialisé dans les œuvres ancrées à gauche qui font la joie des investisseurs privés. Le très indépendant 20 Minutes et le légitimiste Progrès défendent ce projet de cité administrative, symbole d'une modernité somme toute très "province".
Cette tour, déjà démodée par son nom, va incarner le pêché d'orgueil d'un vigoureux et solide phallus épousant les reflets mordorés du couchant, dressé face à la vierge redorée de Fourvière.
Sera-t-il l'assez imposant fanal d'un priapisme égotique, incarnation de l'ambition du maire du 3è, le gargantuesque Thierry Philip ? Et surtout, le verra-t-on de toute l'Europe ? Payons (Peillon ?) pour voir, assume Collomb…
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