Marine Le Pen sur la scène de la salle 3000 – Photos DR et CL
Par Marc Polisson
Devant plus de 3000 militants réunis dans le grand amphithéâtre de la cité internationale de Lyon, la présidente du Front National a lancé dimanche son marathon présidentiel avec l’objectif de grimper les marches du palais de l’Elysée dès 2017.
La veille, tandis que l’ultra gauche défilait dans le centre-ville*, Jean-Marie Le Pen avait joué les divas – en se faisant attendre de longues minutes – puis les chauffeurs de salle devant une assistance idolâtre totalement acquise à sa cause. Dans toutes les têtes, la même question : est-ce la dernière fois que nous le voyons sur scène ? En écoutant le fondateur du FN, 86 ans, effectuer « son devoir de mémoire », les militants ont vite été rassurés sur l’état de santé de leur tribun qui conduira la liste des régionales en PACA l’an prochain. Assurément, JMLP est en forme, et toujours à même de galvaniser ses troupes, sous le regard attentif et vigilant de sa fille assise au premier rang aux côtés des députés Gilbert Collard et Marion Maréchal Le Pen. Quarante ans pour devenir le premier parti de France lors des Européennes de 2014… Jean-Marie Le Pen – tout en dérapage contrôlé – peut mesurer le terrain parcouru… et se réjouir – malgré les frictions familiales – de la popularité de sa fille « qui sera présidente de la République ». « C’est bientôt l’heure de vérité ! » prophétise JMLP après avoir dénoncé « ces politiciens français que vous payez pour vous défendre et qui vous trahissent », puis « les torrents migratoires ayant pour conséquence une véritable substitution de population dans certaines régions en l’espace de 40 ans ».
« Ils inaugurent aujourd’hui des musées de l’usine, là où s’érigeaient hier des usines »
Le lendemain dimanche, après les opérations de vote sans suspense – Marine Le Pen unique candidate est réélue présidente avec 100% des voix – place à la grand-messe de l’après-midi. L’amphithéâtre 3000 est bourré à craquer pour assister à l’entrée très rock-star de la fille de Jean-Marie. « Il ne fait aucun doute que nous serons au second tour de la présidentielle. L’ancien et le nouveau président se battent pour savoir qui montera sur la 2ème place », annonce-t-elle en faisant fi de la plus élémentaire prudence… On sait ce qu’il advient généralement des victoires décrétées d’avance. Mais la Marine, droit dans ses bottes de caoutchouc, est sûre « d’arriver au pouvoir pour rendre le pouvoir au peuple ». S’il lui manque encore de la bouteille pour exceller dans le verbe comme son père – considéré comme le meilleur dans sa catégorie – la présidente du FN a hérité de son sens de la formule choc. Au sujet de l’éducation : « 100% des jeunes ont le BAC, certains même sans savoir lire ! » ; Au sujet de la désindustrialisation : « Ils inaugurent aujourd’hui des musées de l’usine, là où s’érigeant hier des usines » ou encore « Ils vont en Algérie inaugurer des usines, l’année où nous battons des records de fermeture d’usines en France ». Au sujet de l’Europe : « Ils disent que la Grèce va bien et que la Suisse va mal ! ».
Le risque de la fracture (hydraulique)
Alors même qu’elle a privé la veille Bruno Gollnisch de toute expression médiatique, elle entonne ensuite le registre de l’unité et du rassemblement. Car il existe bel et bien deux fronts dans le Front. Celui incarné par Florian Philippot et celui défendu par Marion Maréchal Le Pen. Et le plus grand risque pour le Rassemblement Bleu Marine est de vivre un remake de 1998. Alors que la victoire semble à portée de main, « tout le monde doit mettre son poing dans sa poche » résume un militant. La nomination du mégrétiste Nicolas Bay au secrétariat général est un signe qui ne trompe pas. Si les sujets de division sont exacerbés (mariage homosexuel, sortie de l’Europe), les thèmes fédérateurs sont légions. Et Marine Le Pen sait les mettre en valeur. Jouant même sur la corde écologique (en s’opposant au principe de la fracture hydraulique) et sous-marine, évoquant l’espace maritime de la France « une et indivisible » et les greniers du futur à cultiver au fond des océans bordant nos côtes, en métropole et aux DOM TOM. Un registre inédit à la commandant Cousteau pour la présidente du FN. « Le peuple nous attend. Nous incarnons un espoir, mais aussi une inconnue, un point d’interrogation pour certains ». « Ils sont le passé, nous sommes l’avenir » conclut Marine Le Pen avant de lancer la Marseillaise, en mode standing ovation. Des arguments répétés le soir-même dans je journal de Laurent Delahousse sur France 2 et au micro de Paul Satis, lundi matin sur la radio Lyon Première. Occuper tous les espaces rhétoriques et médiatiques, telle est la stratégie de la présidente du FN pour accéder à la magistrature suprême en 2017.
*Bilan des échauffourées : 11 blessés chez les forces de l’ordre, plusieurs vitrines de commerces cassées, du mobilier urbain vandalisé, 16 gardes à vue, et deux casseurs en comparution immédiate.
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