Par Justin Calixte
Vous avez sans doute vu comme moi les panneaux publicitaires informant les Lyonnais du Festival Lumière. Avec, s’il vous plaît, Alain Delon soi-même et Claudia Cardinale en têtes d’affiche.
Bon, tout ça ne nous rajeunit pas… C’est un peu comme si on demandait à Kopa et Fontaine de jouer pour la Coupe du Monde. Mais, me rétorque-t-on, c’est le concept de ce festival qui rend hommage aux vieilles gloires et récompense l’une d’entre elles. L’année dernière, c’était Clint Eastwood. L’année prochaine, si ce festival existe encore, on fera venir Danièle Darrieux ou Michèle Morgan ou plutôt Kirk Douglas s’ils sont encore de ce monde. Voilà qui explique pourquoi ce Festival Lumière ne fait pas beaucoup parler de lui en deçà du Boulevard de ceinture et plus du tout au delà. C’est un peu les Nuits de Fourvière du cinoche. Si tout le monde connaît les festivals de Cannes, bien sûr, Deauville, Cognac, Avoriaz, Chamrousse, pas grand monde à Lyon et quasiment personne en dehors ne connaissent le nôtre. C’était pourtant parti d’une bonne idée soufflée à Gérard Collomb par un de ses conseillers de l’époque. Il s’agissait d’organiser à Lyon un « Festival du 1er film ». On y aurait montré les meilleurs premiers films, premiers rôles, premiers scénarios français et étrangers de l’année. On aurait ajouté quelques rétrospectives de premiers films du patrimoine. Pas bête. En tout cas légitime. Car Lyon est la seule ville à être reconnue comme la capitale du premier film. Une évidence. « Génial ! », s’était exclamé Gégé en s’empressant d’inscrire ce projet dans son programme de 2001.
Le malheur a été de confier le bébé à l’estimable téléramien Thierry Frémeaux qui s’empressa d’imaginer un autre concept. Une espèce de Prix Nobel (mdr) du cinéma. Mieux en quelque sorte que les César ou les Oscar. Rien que ça. Qui a pu croire qu’un truc pareil pouvait marcher ? Manifestement la mayonnaise ne prend pas. Même les émissions de télé consacrées au cinéma n’en disent rien. Même Télérama, pourtant partenaire, s’en fout. N’est pas Guy Darmet qui veut. Pour l’ouverture, cette année, nos midinettes locales s’étaient précipitées croyant voir Delon et la Cardinale. Ils ont, semble t-il, oublié de venir. Alzheimer, sans doute. Alors pour faire bonne figure, Thierry Frémeaux a fait venir, à défaut de vedettes américaines, quelques vedettes lyonnaises comme Bertrand Tavernier, Dominique Blanc (on a échappé à Mimie Maty) Laurent Gerra… ainsi qu’une brochette de gloires approximatives, Vincent Perez, Françoise Fabian, Léa Drucker, Elsa Zilberstein Marina Foïs, Kad sans Olivier, Helmut Berger qui a dû abuser des saucisses de Francfort… Il ne manquait que Brialy qui s’était fait excuser. Tout cela était ringard à souhait. On a projeté un « Singin’in the rain » remasterisé, comme au festival Ritrovato de Bologne, au printemps dernier. On aime bien faire du neuf avec du vieux chez Frémaux. Celui-ci, transformé en Monsieur Loyal de province, a connu un certain succès en donnant du Jean-Jack à Collomb comme à Queyranne. Ces deux-là dont on connaît l’estime qu’ils ont l’un pour l’autre ont dû rire jaune.
La semaine du Festival s’est déroulée dans l’indifférence générale excepté pour les cinéphiles boboïsés qui ont fait la queue avec leur invitation, gagnée ils ne savaient plus où. A part pour les bénévoles, corvéables à merci, snobés par un Thierry Frémaux, jadis plus convivial. Certains, houspillés par le gourou du festival, aujourd’hui devenu une diva colérique toujours à la recherche de sa bicyclette, ont décidé de déclarer forfait l’année prochaine.
Samedi 9 octobre, soirée de gala
On a fait revenir dare-dare par TGV quelques figurants du cinéma français auxquels on a rajouté pour faire bon poids, quelques journalistes amis comme Serge July que je croyais mort et enterré. Tous étaient là pour donner un semblant de solennité à la cérémonie de remise du prix Lumière à Milos Forman. Le nouveau Nobel du cinéma eut le bon goût, reconnaissons-le, de faire un discours remarquable. Dans le même temps ou presque on apprenait la disparition de Charpak et Allais, deux prix Nobel authentiques. On en profita pour revoir son « Amadeus » ricaneur.
Dimanche 10 octobre
Ce fut la journée Claudia Cardinale qui nous a fait tant fantasmés, finalement, était bien là. Delon, lui n’est pas venu. On s’en doutait depuis le début ; à Lyon, on a l’habitude, Gilles Moretton nous a souvent fait le coup de la star défaillante au dernier moment. On s’endormit devant. « Le Guépard » qui a presque autant vieilli qu’Helmut Berger. A voir le visage busterkeatonien de Gérard-Jean-Jack-Collomb, de corvée les deux soirées, on peut imaginer qu’il partage mon avis : le cinéma, ça vieillit mal même lorsque les films sont restaurés. La chirurgie esthétique n’y change rien. Pas plus pour les vieux films que pour les vieilles actrices.
Combien coûte cette plaisanterie grotesque ? Va-t-on faire un audit de satisfaction auprès des Lyonnais ? N’y a t-il pas mieux à faire pour l’image de Lyon, capitale du cinéma ? Je parie que dans les trois ans, ce festival aura disparu dans l’indifférence générale. Dommage, on aura raté l’occasion de créer à Lyon un événement digne de ce nom.
L’organisation a fait savoir urbi et orbi que le Festival avait été un formidable succès et comptabilisé 50 000 entrées (mdr). Il faudra faire le tri entre invitations et billets vraiment vendus et vérifier l’exactitude de ce chiffrage optimiste. On s’en souvient, Daclin nous avait annoncé 4 millions de personnes (mdr) dans les rues de Lyon pour la fête du 8 décembre.
Il est vrai que la gauche n’a jamais su compter ! Ce ne sont pas Etienne Tête, Yvon Deschamps et Jean-Yves Sécheresse qui me démentiront. Ni les syndicats habitués à gonfler le nombre des manifestants. Ni Jacques Simonet qui ne vérifie jamais ses chiffres, pas plus que ses informations.
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