Photo © Fabrice Schiff
Par Baudouin Wisselmann
Gregory Prudhommeaux a le dos large. Au sens propre, très clairement, et il en est de même au sens figuré. 37 ans, carrure de déménageur, le petit Greg a poussé entre Saint Genis et la Guillotière.
Il ira chauffer les bancs de Lyon III en langue et civilisation chinoise. Désireux de mettre en pratique cette langue « autrement qu’en étant prof ou interprète », il embraye en alternance dans une école de management en hôtellerie. Un monde qu’il a côtoyé de près car ses parents tenaient alors « Le Créqui ». Il espère s’ouvrir la voie vers la Chine, mais c’était sans compter les évènements du World Trade Center et le ralentissement du secteur. Multipliant les rôles au Mercure de Charbonnières-les-Bains et au Kyriad de Perrache, le contexte de 2001 et son manque d’expérience l’empêchent de rallier l’Empire du Milieu. Hostile à l’idée de devoir gravir inlassablement les échelons de la hiérarchie hôtelière, Greg reprend humblement des études, mais cette fois-ci tournées davantage vers l’économie, en LEA anglais-chinois. Une adaptation qui va payer, il termine sa licence à Hong Kong en 2005, puis débarque à Shanghai pour monter un cabinet de conseil destiné à faciliter l’implantation d’entrepreneurs étrangers. Un réseau, module indispensable pour faire des affaires en Chine, Greg n’en a pas. « Je ne connaissais encore personne ici, j’ai donc monté en parallèle une boite d’évènementiel business, et j’ai pu rencontrer des tas de gens ». En 2007, NextStep » est lancé et monte plus de 200 meetings en moins de 3 ans. Encore assez unique, le concept connaît un franc succès « mais c’était trop beau pour être vrai ». En 2008, un évènement vient tout fragiliser : à l’approche des Jeux Olympiques de Pékin, le gouvernement Chinois se met à censurer massivement internet : « Toute notre communication passait par Facebook, et du jour au lendemain nous avons été complètement bloqués. Vu que nous n’avions pas de newsletter, il a été impossible de communiquer sur nos évènements ».
Système D, comme Dévouement
NextStep survit, et Greg doit se préparer à ce que l’histoire se répète pour l’Exposition Universelle. Mais courant 2009, c’est le rebond, il est approché par Altios International, un cabinet lyonnais spécialisé dans le développement d’entreprise à l’étranger, qui lui propose de prendre la tête de leur bureau chinois. NextStep est donc laissé de coté jusqu’en 2015, quand il décide de s’y consacrer totalement en organisant de réelles formations pour entrepreneurs, parfois chinois mais généralement étrangers. Greg est constamment avec les expatriés, et il se dévoue à eux aussi de manière, disons, associative. Il a fondé avec Mathieu Chavant et Romain Hostal, le réseau « Les Lyonnais de Shanghai », qui se réunit chaque mois dans de bons restaurants, et il ne manque pas de dégoter les meilleures adresses, ayant également fondé un groupe « Food & Beverage » où des pros se retrouvent pour discuter et partager leurs bars, hôtels et restos tendances du moment. Sa dernière sortie, sur le Bund, au Bar Rouge qu’il nous recommande, avec son bar préféré, le Luchador, pour de belles soirées « tacos y tequila ». « Ce que je fais, ce n’est pas pour l’argent, c’est d’abord pour aider les gens ». En témoigne son revenu, d’environ 2 600 € et inférieur de moitié à celui qu’il touchait chez Altios. « Mais je n’ai pas besoin de grand chose, je roule en scoot électrique, comme tous les Chinois » insiste-il, amusé. C’est sa conjointe, chercheuse de tête chez Compass Business, qui compense pour l’instant le coût de la vie à Shanghai. Ana, rencontrée en Chine, est son épouse depuis août dernier. Leurs noces, célébrées sous le soleil de Playa Del Carmen au Mexique, ont été l’occasion de revoir nombre de leurs amis expatriés. « Car les étrangers restent ici en général 3 années. Me concernant, cela doit faire 10 ans que je me dis encore 2-3 ans ». Et Greg n’exclut d’ailleurs pas de partir à la découverte des marchés prometteurs des pays d’Asie du Sud-est…
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