Il a fait de son nom une marque reconnue dans l’univers des sanitaires et de la balnéo. A 84 ans, Maurice Crozet est parti naviguer sur d’autres mers pour l’éternité. Nous garderons de lui le souvenir d’une merveilleuse journée en Méditerranée à bord de son voilier « Serendipity » au cours de laquelle notre journaliste Nadine Fageol avait troussé le portrait enlevé de cet homme truculent (que nous reproduisons ci-dessous). La rédaction de Lyon People présente ses condoléances à son fils Philippe et à l’ensemble de sa famille. A Dieu, cher Maurice. MP
Calme, posé, avec ce côté bien sous tout rapport sans être ampoulé pour autant. À priori, rien ne laisse entrevoir la personnalité d’un Maurice Crozet, fêtard ancien chef d’entreprise, créateur des espaces éponymes, dont le succès dans les affaires va faire un homme fort convoité. Membre du conseil d’administration de l’OL sous Roger Michaux, Charles Mighirian puis Jean-Michel Aulas, il va sponsoriser le rallye de Charbonnières mais aussi la CRO Basket de Roger Caille. Avec ce dernier, il partage un goût immodéré pour la chose marine, il a traboulé à travers l’Atlantique à trois reprises, il sponsorise donc le « Dix de Lyon » du skipper Patrick Morvan…
Proche de Michel Noir, on le retrouve à l’initiative du fameux concours de pétanque des Tropéziens de Lyon, cher à Henri Perruchon et aux Lyonnais ignorant qu’il y a une vie sorti de Megève et Saint Trop. Crozet, sponsor officiel du tout événementiel des années providence, la fameuse époque Béraudier dont il sera un membre actif de la clique festive. Les anciens vous le diront, le goguenard président de Région était aussi célèbre pour son parler fleuri acerbe que sa silhouette alimentée par un coup de fourchette dantesque.
« Tu vas en vendre des chiottes avec la merde qu’ils vont mettre ! » s’entend dire Maurice au Cintra au lendemain de l’élection de François Mitterrand en 1981.
Et oui, Maurice a fait fortune dans le sanitaire et du social rayon hype opportuniste. Le système HEC, « Hautes Études Crozet » comme rigole son fils Philippe, vilipende l’école au profit de la débrouillardise. Représentant dans l’électroménager, ce fils de plombier à Sainte-Foy-lès-Lyon, doit son salut à une mauvaise plaisanterie. En effet, il se fait virer de chez Laden en raison d’un tempérament jugé « primesautier » !!! « Je n’aurais pas pu me plier » raconte l’indépendantiste qui, à 32 ans, monte sa société dans son 3 pièces cuisine de la rue Baraban. Il se concentre dans la distribution de robinetterie aux professionnels ; il s’agit d’équiper la fièvre immobilière des 30 Glorieuses, un marché qui va connaître un nouvel essor avec la révolution de l’agencement d’espaces de bains aussi décoratifs que ludiques. Trois espaces, 80 employés, « Crozet est une bonne entreprise régionale » aujourd’hui dirigée par son fils Philippe, 46 ans, hyperactif à la tête de six sociétés qui a usé ses fonds de culotte avec Charles Couty au Cours Pascal.
Maurice qui a fichtrement bien vécu, traverse la retraite tête haute, une main à la barre du « Serendipity », voilier de 20 mètres, l’autre jamais éloignée d’une coupette de Besserat de Bellefon. L’œil au large, il ne dit mot savourant une douce bise. Un curieux bonhomme qui, en habitué de la vie publique, fort d’une revue de presse épaisse de 135 papiers, dégaine du sourire rutilant sans pinailler au photographe. Il y a de la force tranquille, de la prestance, chez ce monsieur qui ne raconte de sa vie que le beau temps. La problématique d’être SDF, « sans difficulté financière », canalisée ; il a fait du sport une conviviale marotte. En d’autres temps cavalier mais encore pilote d’avion pas peu fier d’avoir refilé le virus à enfant et petit enfant. En pleine mer, une voix stridente hurle « ça sonne, putain ça sonne là, tu décroches » : la sonnerie du portable programmée par son petit-fils est horripilante. Il s’amuse comme un gosse. Que voulez-vous, Maurice adore sa famille et cultive l’humour potache avec les copains d’abord.
30 ans qu’il navigue avec Daniel Vanot, chaleureux entrepreneur du progiciel en retraite et Gervais, ancien chef rue Pierre corneille qui a gagné une étoile à Cadenet dans le Sud où sa fille tient une maison autrefois nommé le Bistrot de Lyon avant que qui vous savez s’en mêle. Sur le « Serendipity », ils sont cadres ou moussaillons, Gervais préposé aux mets de bon goût, consommé d’asperges au déjeuner et odeur de gaz émanant du carré et Daniel, bon à tout faire dans l’humour et l’allégresse. Avec le journaliste Gérard Angel, « un fidèle en amitié » – dont il a sponsorisé Les Potins à hauteur de 15 000 € – ils ont fondé l’amicale des marins de Lyon comptant François Petiot comme capitaine, Patrick Bertrand, Xavier Elie, Debeaux le pâtissier, Jean Chanel… Aux croisières canailles, accostage devant la paillote de Pascal Olmeta, la bande peut se targuer d’avoir appris la voile à Marc Fraysse, naviguer est plus qu’utile en politique !
En revanche, Maurice s’est fait porter pâle lors de la remise de la légion d’honneur à « l’affabulateur », « je n’ai pas envie de cautionner ce genre de chose même si ça fait rêver tout le monde ». Maurice qui préfère de loin la drôlerie aux carnassiers a œuvré au gag lyonnais du siècle dernier. L’histoire du prince d’Arabie Saoudite qui réserve par fax chez Marguin et déboule un dimanche à midi avec Mercedes protocolaire, traductrice et armoires à glace à la sécurité. Jacky et Christophe sont aux petits soins. Un incident éclate en salle quand un client interpelle le prince : « Monsieur, vous n’avez pas honte de regarder ma femme ». Silence troublé, Jacky vire au rouge puis au vert, quand la salle éclate de rires. Toutes les tables avaient étaient réservées par familles et amis dans la combine… Le Progrès titrera : « Le sheik était en bois » et Maurice un homme en or plein de copains d’abord.
Nadine Fageol
(Article paru dans le magazine Lyon People de juillet 2011)
Obsèques en l’église d’Albigny sur Saône, vendredi 27 octobre 2017 à 10h
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