Par Jean-Marc Requien
Il ne faisait pas bon prendre le TGV pour Paris avec Fernand Galula. Il n’y avait que le contrôleur -et encore- qui ne venait pas lui serrer la main. Il faut dire que ses réseaux avaient de quoi rendre jaloux les réseaux de la SNCF.
Il connaissait tout le Lyon qui compte, tout le Lyon qui décide. Et bien au-delà.
Tout le monde l’aimait ou faisait comme si, à part sans doute Michel Noir et son âme damnée Pierre Botton qui lui ont fait les misères que l’on sait. Pendant cette période « noire », il faut bien le dire (il en a énormément souffert) beaucoup de ses trop nombreux amis se firent plus rares. Il ne leur garda cependant pas rancune car il avait un besoin viscéral d’être là où les choses se passent, là où les choses se décident.
Il détestait qu’on ne l’aime pas, c’est d’ailleurs comme ça que j’ai fait sa connaissance au début des années 80.
Je détestais son goût pour l’entregent et ne me privais pas de dire pis que pendre de lui. Des bonnes âmes ne manquèrent pas de lui rapporter mes propos. Un jour, il me téléphona de sa voiture sur le coup de 11h du matin pour me demander les raisons de mon animosité puis finit par me proposer de me rejoindre à mon bureau. Cinq minutes plus tard, il arrivait tout sourire en phase séduction. A 13h, il me proposa d’aller déjeuner chez Bourillot. A la fin du repas pour ne lui être redevable en rien, j’insistai pour payer l’addition. Il finit par accepter m’avouant que c’était la première fois depuis deux ans, qu’il ne réglait pas la note. Sa fille aînée lui avait d’ailleurs demandé la semaine précédente pourquoi c’était toujours lui qui payait au restaurant. De ce jour nous devînmes amis, j’oubliai mes préventions et tombai sous le charme de ce séducteur XXL.
L’homme était intelligent, drôle et lucide sur ses contemporains. Il n’était dupe de rien. Pas même des politiques qu’il fréquentait assidûment.
Je découvris plus tard qu’il était extrêmement soucieux des autres et altruiste.
Que demander de plus ?
Plutôt que de me livrer à un long panégyrique, je vous recommande de lire l’interview qu’il avait accordé à Lyon People dans le cadre des interrogatoires de l’àKGB. Vous découvrirez le parcours étonnant d’un jeune homme ambitieux arrivé de sa Tunisie natale avec une valise en carton et devenu l’un des hommes les plus influents de Lyon.
Depuis de nombreuses années il affrontait de graves maladies et s’en sortait toujours. Nous avions fini par croire qu’il nous enterrerait tous. Et puis non, malgré son courage et son appétit de vivre il a fini par perdre son dernier et interminable combat. Il vient de rejoindre Jacques Brel, Joe Dassin, Jacques Marouani, Philippe Seguin, Charles Hernu, Francisque Collomb, Dominique S, Albert Artiaco, le père Auboyer, et son cher Philippe Dibilio qui furent ses amis.
Ses trois filles et ses petits enfants étaient ses dernières raisons de vivre. J’imagine leur tristesse. Qu’elles sachent que nous sommes quelques-uns à ressentir et à partager leur détresse.
Je les embrasse.
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