Photos © Stéphane Nys et Marco

Par Ségolène Dord et Marc Polisson

Cette petite commune de l'Ouest lyonnais se revendique être un endroit où il fait bon vivre. Loin des tumultes de la vie lyonnaise, ses habitants ont su tirer profit des différents avantages dus à sa situation géographique d'exception : « entre ville et campagne ». Mais ce slogan est-il toujours d'actualité ?

Rue de Ponterle, paissent trois moutons et deux poules à l'ombre des grues et des bétonneuses. Ultimes symboles d'un village rural transformé en moins de 20 ans en ville nouvelle. Son aqueduc créé par les Romains au premier siècle avant JC permettait à l'Yzeron de se déverser dans le Rhône et de rejoindre ainsi la célèbre Lugdunum après un périple de 476 kilomètres. Il constitue un vestige culturel rare et donc cher aux habitants du bourg. L'influence religieuse n'est pas non plus sans importance. Elle lui a permis d'obtenir de Grézieu-la-Varenne son indépendance et donc de commencer une émancipation constructive. Le corps médical recommandait, dès le 18ème siècle, ce doux village à tous les nourrissons lyonnais, pour son air salubre. Les mères nourricières profitaient alors des eaux de l'Yzeron pour laver le linge des bébés et des parents en visite, un moyen comme un autre de contribuer à la prospérité du village. Aujourd'hui les blanchisseries ont fermé, et Craponne développe une activité économique forte en accueillant sur son territoire quelques 500 pôles actifs alliant services, entreprises artisanales, établissements industriels… Ces activités ne suscitent pas autant d'intérêt que le fameux marché du samedi, moment incontournable de la vie craponnoise. 130 forains se réunissent sur la place Perrin et proposent tout un panel de produits agricoles, quincaillerie… Les habitant(e)s des communes limitrophes, charmés par ce doux bazar, se déplacent en masse pour venir y faire leurs emplettes et font donc de celui-ci le second plus gros marché du Rhône (hors Lyon).

Malgré sa petite taille, Craponne semble suivre un développement urbain frénétique (le nombre d'habitants a quasiment doublé depuis 1989). Heureusement, de nombreux parcs ont été créés et permettent aux plus petits de profiter d'espaces verts. Donnez une dimension ludique à l'écologie et le Pont Chabrol devient un verger pour les écoles ; donnez-lui une dimension pédagogique et le Grand Moulin, dernier lieu authentique du village, est reconverti en lieu d'éducation et d'initiation à l'environnement. Cette lignée écolo est mise en avant par Alain Galliano, maire de Craponne depuis 1989. Pas sûr qu'il ait un lien de parenté avec John ! Père de trois enfants, il a métamorphosé ce gros bourg, « je dirais plutôt « dénaturé » affirme le coiffeur Fred, du salon Renato. Réélu avec 56,78% des voix, ce haut fonctionnaire se défend d'avoir transformé son village en ville dortoir (lire son interview page suivante). Depuis mars 2008, il a fort à faire avec son opposante de gauche. Dans la commune des blanchisseurs, depuis l'ère numérique, impossible de laver son linge sale en famille… Certains installent des caméras de vidéo surveillance, Françoise Pelorce veut enregistrer les débats du conseil municipal. Faute d'autorisation, elle raconte ce qui s'y passe sur son blog. Et ça balance sec ! Ainsi, le jour de l'élection du maire par les conseillers municipaux, elle a sorti son petit crayon : « L'ambiance est plutôt froide. La campagne a laissé des traces. En particulier la diffusion par l'équipe majoritaire d'un tract diffamatoire accusant d'incompétence l'équipe « Craponne à venir », à une date n'autorisant pas la possibilité de répondre. Cette accusation laisse supposer que l'équipe majoritaire est, elle, très  compétente. » Des escarmouches qui laissent plutôt indifférents les habitants. Parmi les noms connus, ceux de Guy Genet, l'intendant de l'OL, Fabrice Follis, Chrystelle Guilli qui tient le tabac, les Doligier, mais aussi Pierre-Yves Gas (ses parents étaient blanchisseurs) et Jérôme Auclair qui a délaissé Saint-Tropez pour les beaux yeux d'Elodie Mercier. En coulisses, elle s'amuse : « Les VIP habitent autour de Craponne, mais pas Craponne ! ». CQFD.