La tribune libre de Jacques Bruyas*
Lyon est une ville de traditions… mais hélas sans mémoire. Une ville qui ressuscite trop souvent des événements qui existaient en son passé mais n’ont pas perduré, faute justement de mémoire.
Les écrivains régionaux se sont ainsi toujours sentis délaissés, voire abandonnés, par les services culturels et les politiques de tutelle, parce qu’il n’était de bon goût d’entretenir la fibre créatrice en cette cité laborieuse, toujours complexée par rapport à Paris.
Paris justement qui, pensant que nous sommes un foyer de doux sauvages acculturés par soumission, nous a envoyé un de ses natifs pour être vizir à la place du vizir….
Nous en avons connu des « Iznogouds » de tous poils, tous crins et toutes tendances… gauche, droite, centre mou ou écologie en « vert et contre tout ! » Mais ce à quoi les Lyonnais aspirent plus que tout, c’est qu’on les laisse en leur réserve et sur leurs réserves.
On ne brusque pas un Lyonnais, et il est toujours prudent de s’en méfier surtout lorsqu’il a l’air assommé, endormi ou estomaqué par des événements imprévisibles (ou prévisibles par l’ignorance de ses concitoyens qui s’abstiennent désormais de voter lors des consultations municipales…)
Ainsi, prenons un sujet, au premier abord anecdotique, mais qui nous éclairera sur notre proche futur.
En la mi-octobre, le cirque Medrano doit s’installer en ce terrain vague que la ville prédestine depuis des lustres aux forains à la Confluence.
Craignant une interdiction d’installation (illégale disons-le car nul arrêté municipal ou métropolitain n’a légalité pour interdire un cirque avec animaux), ledit cirque Medrano annonce sa venue avec une cavalerie remarquable mais donc, uniquement des chevaux… Quel effort d’abnégation, peut-être inutile, car aura-t-il autorisation de s’installer ? Nous allons sagement attendre la réponse des services concernés.
Uniquement une cavalerie… voilà qui est dans la tradition lyonnaise car trop peu le savent, mais c’est à Lyon, en rive-gauche (où était installés les premiers services vétérinaires, que l’Anglais Philip Astley et l’Italien Antonio Franconi créèrent le cirque avec sa piste traditionnelle de 13,50 mètres de diamètre…
C’est à Lyon que prospérèrent les circassiens Rancy inhumés en le cimetière de la Guillotière (photo ci-contre)… traditionnellement attachés aux présentations équestres.
C’est de Lyon que s’élança le Cirque Jean-Richard puis Pinder-Jean Richard, avec une flotte de camions traditionnels du traditionnel constructeur Berliet… cirque racheté et exploité par un Lyonnais…encore et toujours… !
Alors que va devenir le cirque à Lyon et en la Métropole ?
Banni pour toujours, et ses animaux rejoignant ceux, prochainement déménagés, paraît-il, du parc de la Tête d’Or, en cet idyllique zoo de réinsertion des animaux à la vie sauvage de Pont-Scorff en Bretagne racheté par les animalistes de Rewild, où les braves bêtes n’apprirent jusqu’à ce jour qu’à crever… ?
Une tradition… il ne faut jamais être contre… !
Ça peut commencer par la tartine chocolatée des vacances chez Mamie et se conclure par la madeleine de Proust…
Ça peut commencer par un mouvement d’humeur individuelle et se terminer en émeute générale comme en le village d’Astérix…
Ça peut aussi se conclure par un gentleman-agreement, où chaque partie traditionnellement opposée finit par traditionnellement entendre ce que l’autre veut dire…
Pour ce qui est du Cirque, tradition populaire par excellence… il ne demande qu’à vivre…
Puissent l’esprit des aulnes et le zéphyr des bois (écologie oblige), rassurer ceux qui ont traditionnellement la trouille des traditions, qu’il n’est de pire ennemi que soi-même lorsque la peur, l’esprit vengeur ou l’ignorance vous animent…
Tous au cirque Medrano, dès mi-octobre à la Confluence, pour entretenir notre tradition lyonnaise circassienne et conjurer nos peurs !
* Jacques Bruyas est écrivain. Il préside l’association des écrivains du Cirque et des Spectacles Vivants
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