Par Anne-Sophie Secondi
Coordinateur de la Fête des Lumières, Jean-François Zurawik nous a quittés dans des conditions encore inexpliquées ce jeudi 8 octobre 2020, à l’âge de 67 ans, nous a appris Le Progrès. Une disparition qui bouleverse le milieu culturel et événementiel lyonnais.
« Il n’y a pas de lumière sans ombre » disait Louis Aragon. Et à Lyon, il n’y avait pas de Fête des Lumières sans Jean-François Zurawik, arrivé à Lyon en 2001 dans les bagages de Jean-François Lanneluc, dircab de Gérard Collomb. Si cette dernière fait partie des quatre événements les plus fréquentés au monde après le Kumbh Mela, le Carnaval de Rio et l’Oktoberfest de Munich, c’est incontestablement grâce à lui, ses équipes et son talent.
« Jean-François était l’âme de la Fête des Lumières », commente Gérard Collomb, très attristé par cette disparition aussi brutale qu’inattendue. « Il en avait fait une grande fête populaire qui attirait chaque année 2 millions de visiteurs grâce à la qualité des artistes qu’il présentait, poursuit l’ancien Ministre de l’Intérieur. Grâce à lui, cette fête avait acquis une réputation internationale, et dans le monde entier s’était développé des événements inspirés de la Fête des Lumières de Lyon. J’ai encore à l’esprit ces moments où vers le mois de mai nous choisissions les œuvres, puis à l’ouverture de la Fête le bonheur qui était le nôtre quand devant la cathédrale Saint-Jean, sur la place des Terreaux ou au Parc de la Tête d’Or, le public applaudissait à tout rompre, conquis par la beauté des spectacles présentés. »
Le Parc de la Tête d’Or, ce n’était d’ailleurs pas gagné à l’époque, se rappelle Emmanuel Visentin, directeur du Parc des Oiseaux (ci-dessous). « La première fois que Jean-François est venu me parler, c’était pour me dire combien il était frustré de ne pouvoir amener la Fête des Lumières au Parc de la Tête d’or. Le Parc des Oiseaux lui semblait alors un beau terrain de jeu pour mettre en œuvre certaines idées, qu’il déclinera l’année suivante à Lyon. C’est ainsi que nous avons créé les « Nocturnes du Parc » en 2017 et 2019. C’était un homme discret, visionnaire, très engagé et respectueux des lieux dans lequel il s’immisçait. »
Et visionnaire, nul doute qu’il l’était. « Il avait cette faculté à trouver le subtil équilibre entre programmation grand public, œuvres originales et poétiques, légèreté, humour, modernité et innovation, se souvient Yann Cucherat, ancien adjoint au maire de Lyon, en charge des sports et des grands événements. J’avais, au fil du temps, noué avec lui des liens d’amitié. Il m’avait aidé à apprivoiser cet événement majestueux, mais plus généralement le monde de l’événementiel », particulièrement touché par sa disparition.
Car depuis hier soir, les hommages se multiplient sur les réseaux sociaux. On y décrit une « personnalité exigeante », qui n’hésitait pas à laisser sa chance aux idées nouvelles et à propulser les hommes de demain sur le devant de la scène. « À chaque fois que je le voyais, il me disait : « Que vas-tu me proposer encore comme idée folle ? », nous raconte Pierre-Yves Gas (ci-dessous). Une année, je lui avais suggéré un lancement VIP place Bellecour. Le principe : il fallait que le public pédale sur un vélo pour produire de la lumière. L’idée l’avait séduite et c’est ainsi que je me suis retrouvé à faire pédaler les VIP d’Europe 1 et les Lyonnais devant la presse lyonnaise et nationale ! Ce fut un grand moment ! ».
De son côté, Damien Fontaine, son fidèle collaborateur se remémore sur son profil Facebook quelques instants forts qui ont marqué leurs parcours. « La confiance qu’il m’a témoignée, les projets que je portais et qu’il a alors si ardemment défendus en toute transparence et équité, lui ont parfois valu certains crissements et remarques désobligeantes. Et pourtant les résultats ont toujours été là, qu’ils soient publics ou lors des récompenses remises par nos pairs. (…) Il n’était pas homme facile, d’une redoutable exigence (…) envers ceux qu’il appréciait tout particulièrement et qu’il souhaitait emmener bien au-delà des sommets visibles, en bon premier de cordée. Il ne transigeait sur rien. »
Et l’excellence, c’est une saveur qu’il partageait de concert avec François Gaillard, directeur général d’Only Lyon Tourisme, avec lequel il a parcouru le monde pour faire rayonner la ville. « Nous nous sommes beaucoup appuyés sur la fête pour promouvoir la Métropole. Son savoir-faire était particulièrement reconnu et l’homme était apprécié et respecté de tous. Jean-François était ce que l’on appelle un « personnage ». Il avait un fort caractère et une personnalité difficile à percer mais était très attachant… Mon franc-parler lui plaisait, le faisait rire, et nous sommes rapidement devenus amis. Nous partagions un amour profond pour la montagne. J’aimais skier avec lui et le faire parler de ses expéditions. »
Partir à l’aventure, cela faisait d’ailleurs parti du job de l’architecte de la Fête. « Il m’appelait son « associé » ! relate ému Lionel Flasseur, ancien directeur du programme Only Lyon (ci-dessus). Nous sommes partis plusieurs fois ensemble, notamment en Chine pour vendre, avec succès d’ailleurs, le concept de la Fête des Lumières à Xi’an et Hong Kong. Moi j’étais l’expert marketing et lui l’expert technique et il rigolait souvent en me disant que j’en faisais des tonnes pour arriver à vendre l’affaire ! Je me rappelle de négociations pas possibles avec des chinois à l’arrière de taxis, c’était totalement surréaliste et en dehors des sentiers battus, mais on a réussi ! Je ne l’oublierai jamais. »
Quant à nous, nous allumerons des lumignons ce soir sur nos fenêtres, en hommage à l’homme brillant que tu étais.
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