Jean
Bousquet sort Cacharel du gouffre !
De
notre correspondante Laure Delvigo
Qui
n'a pas vu cette année, en sortant de l'Eurostar,
déambuler une créature chic-romantique, vêtue
d'un chemisier cow-boy geisha, au sac
typiquement British, mêlant vinyle fluo et
liberty flashy, que tout le monde s'arrache
chez Harrod'S ou Joseph à Londres et Colette
à Paris ?
Ce
sac trendy n'est ni de la star du marketing
Tom Ford (Gucci et Y.St Laurent
PAP), ni du déluré John Galliano (Dior),
mais du couple Clements Ribeiro pour
Cacharel. Vous avez dit Cacharel ?
Après avoir boudé les podiums depuis plus de
vingt ans, on croyait la marque
« enterrée », mais elle est à son
apogée et on ne peut que s'en réjouir...
« On
a tout changé... » raconte Jean
Bousquet, PDG de Cacharel, (ci-contre
avec Nadine Gelas) en visite à Lyon,
parrainant la dernière promotion du DESS Mode
et Création. « De la création avec Clements
Ribeiro à la communication avec une
nouvelle charte graphique, cinq cabinets de
relations publiques pour « relancer l'affaire »,
des boutiques et corners en cours de rénovation
à travers le monde, des nouveaux shopping-bags
chocolat-turquoise, que l'on aperçoit dans
les 79 boutiques et autres points de vente
emblématiques comme Barney'S, Harvey, Nichol'S,
Harrod's...etc. »
Cependant,
un tel succès commercial aurait été
impossible sans l'appui des médias très en
vogue... Cette saison, pas un numéro de Elle,
Cosmopolitan et autres DS, sans
un blouson de cuir à imprimé fleurettes où
autres liberty siglés Cacharel. Depuis
les sixties, Cacharel n'a jamais eu
autant d'articles de presse.
Après
le style très structuré d'Emmanuel Kahn
et autres DA, Jean Bousquet craque pour le
couple Clements Ribeiro, lors d'un reportage
sur Paris-Première... Le coup de foudre
n'est cependant pas si innocent, Clements
Ribeiro étant déjà très reconnu aux USA et en UK. L'Anglaise Suzanne Clements et le
Brésilien Ignacio Ribeiro, se sont
rencontrés à la mythique St Martins School of
Art de Londres, dont sont issus les plus grands
comme Alexander
Mc Queen (ex Givenchy), John
Galliano ou Stella Mc Cartney ;St
Martin
demeure en effet une pépinière de
talents, « dépoussiérant » les
maisons françaises.
Et
Jean Bousquet ne s'y est pas trompé. Aussi
bien luxueuse que quotidienne, cette élégance
décontractée a séduit Madonna , Gwyneth
Paltrow, Cameron Diaz et autres
égéries très glamour...Fan du Prêt-à-porter
des années 60, le duo gagnant Clements-Ribeiro,
qui rêvait de défiler à Paris, fait revivre
le patrimoine de la marque , dans un contexte
international.
Les
chiffres parlent d'eux-mêmes :
Le
CA de la marque en 1999 s'élève à
1,6 milliards de francs, dont 60% à l'export.
(800 bou-tiques dans le monde) Parallèle-ment, le
marché français reste stable avec une hausse
de 2%, sans compter les licences, dont le total
réalisé par la marque (parfums, lingerie,
maillots de bain Playtex) se chiffre à
1,9 milliards de francs, royalties non incluses.
Les parfums, dont la licence est exploitée par l'Oréal,
sont toujours en hausse avec Anaïs-Anaïs,
demeurant depuis plus de 20 ans un best-seller
mondial, illustrant le savoir-faire Cacharel. La
maison revit enfin !
Car
Jean Bousquet revient de loin. Dans les
mythiques années 80, le CA de Cacharel
atteignait 600 millions de francs... Jean
Bousquet, « inventeur du PAP »,
baptise sa société à 30 ans, en 1962, du nom
d'un oiseau migrateur de Camargue
« Cacharel ». Un an plus tard, il
décroche
la 1ère couverture de Elle
avec une jupe noire et un chemisier de crépon
rose. Succès immédiat avec 300 000 exemplaires
vendus. Le mythe se crée avec une image
romantique, fraîche et poétique.
Par
hasard, 20 ans plus tard, lors d'une partie de
poker entre amis, Jean Bousquet s'engage comme
maire de Nîmes dans la politique, « parce
qu'il n'y avait personne de valable à l'époque... »,
« Mes copains m'ont alors dit :
pourquoi pas toi ? » nous confie
le sympathique Jean Bousquet. Elu dès 1983,
Jean Bousquet s'est engagé dans une politique
de grands travaux (médiathèque, centre des
affaires, université Vauban, stade des
Costières), afin de redonner une véritable
stature à sa ville, dite un peu
« triste ».
C'est
l'époque « strass et
paillettes » :
Marie Sara et la feria, dont on ne
compte même plus les pages dans Gala ; le
célèbre architecte Jean Nouvel dessine
les HLM, Philippe
Starck le mobilier urbain...etc. Puis mise
en examen, complicité d'abus de biens sociaux...
A
la fin de son second mandat, en 1995, Jean
Bousquet fait ses adieux au monde politique et
retourne à ses premiers amours : la mode
et Cacharel, où rien ne va plus...
« Je
ne passais qu'un jour par semaine dans mon
entreprise, en croyant tout voir, la politique
absorbe... » tout comme la crise,
absorbant peu à peu Cacharel. 5 usines
ferment successivement, la dernière liquidation
provoquant 150 licenciements. De 1300 employés
au début des années 80, il n'en reste plus
que 200 !
Aujourd'hui,
tout a changé.
Les prototypes sont fabriqués à Paris, puis
assemblés à Nîmes et répartis entre les
différentes usines de fabrication, en Italie,
Lituanie, ainsi que dans le sud-est asiatique.
Une stratégie révolutionnaire pour Jean
Bousquet, possédant toujours 80 % de sa marque,
contrairement à d'autres comme Daniel Hechter,
préférant la tranquillité de la Suisse... 20
% des parts de Cacharel appartient au fond de
placements luxembourgeois Novinvest de
la banque Rothschild.
Entre
luxe inaccessible, version LVMH et grande
diffusion, version H&M ou Zara,
Jean Bousquet apporte un luxe accessible à tous
et toutes, en créant des produits d'appel
comme des T-Shirts à 390 F, désormais copiés
dans le monde entier. Avec un nouveau parfum,
dont la sortie est prévue en mars 2002, la saga
Cacharel n'est pas prête de s'arrêter...
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