Texte : Morgan Couturier – Les écologistes comptent étendre la ZFE au 1er janvier 2025, avec une interdiction aux véhicules Crit’Air 3, ce qui n’est déjà pas sans conséquence, pour de nombreux entrepreneurs.

Également confrontés à une circulation rendue difficile par la fermeture de nombreuses voies de circulation dans tous les quartiers de Lyon, les artisans peinent à exercer leur profession. Leurs activités menacées, ces derniers ne cessent de monter au créneau avant de boycotter la ville. »Je ne prends plus aucun nouveau chantier à Lyon, sauf ceux de mes clients historiques » assure Bruno, serrurier à Caluire.

Le ras le bol général qui s’est notamment exprimé lundi à la Métropole de Lyon, n’est plus simplement celui des automobilistes, lassés de perdre leur temps dans ces longs embouteillages qui polluent aujourd’hui la capitale des Gaules. La peine semble s’étendre, tel un mauvais virus. Les victimes ? Ces nombreux artisans contraints de batailler avec les nouveaux aménagements urbains mis en place par les exécutifs écologistes et l’extension progressive de la zone à faibles émissions (ZFE).

Car s’il devient de plus en plus complexe de circuler entre Rhône et Saône, voire même de stationner, les entrepreneurs et les salariés sont souvent les premiers impactés par ces mesures. « Depuis plus de 6 mois, pour un artisan lyonnais, les amendes ont augmenté de quasiment 450€ par mois », regrettait ainsi la présidente de Maviflex, Anne-Sophie Panseri, à l’occasion de la rentrée politique de Béatrice de Montille.

Amendes et embouteillages en hausse, rentabilité en baisse

Ébéniste menuisier, Emmanuel Cuet peut en témoigner. Habitué à s’employer dans le 1er ou dans le 2ème arrondissement, le solide quinquagénaire en a récemment fait les frais. En effet, ce dernier a eu la désagréable surprise d’être pris au piège de la ZFE, son utilitaire, bien que peu kilométré, affichant une vignette Crit’Air 4, interdite en Presqu’île depuis le 1er janvier 2024. Résultat : 68€ de contravention.

L’amende reçue par l’artisan Emmanuel Cuet fin août. Les écologistes vont désertifier la ville…

« C’est mon bénéfice du jour qui saute. Si on le répercute sur les prix, ce sont des marchés que l’on perd. À terme, ce sont nos activités qui sont en danger », exprime le dirigeant de la société octogénaire, Ateliers Charignon, depuis maintenant six ans. Avant de poursuivre : « Depuis nos bureaux de Couzon-au-Mont-d’Or, le trajet pour entrer dans Lyon a augmenté de 30 minutes. Pour nous qui faisons tout dans les règles, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ».

Et pour cause, si celui-ci possède déjà des véhicules électriques pour circuler, aucun utilitaire ne permet pour l’heure d’assurer son activité. A plus forte raison, lorsqu’une journée de travail lui impose de quitter les frontières du Rhône, pour rejoindre des chantiers sur Courchevel ou pour se fournir en matières premières du côté des forêts iséroises.

La préfète Fabienne Buccio annonce un contrôle automatique des véhicules début 2026

 « Le véhicule dont on a besoin, il n’existe pas. Il doit me permettre d’aller chercher mon bois, d’aller voir mes clients à Courchevel, tout en rentrant dans Lyon. Pour aller à Courchevel, en véhicule électrique, j’ai calculé que je devais m’arrêter entre 2 à 3 fois. Ce n’est pas tenable, même pour mes clients. Et je ne peux pas avoir deux camions. Déjà là, mon comptable me dit que l’on travaille comme des fous, mais que je ne gagne rien. Et pourtant, on a déjà investi. Je défie quiconque de prendre ma place et d’avoir une solution », poursuit Emmanuel Cuet.

Des propos appuyés par une récente enquête de BNP Paribas Mobility, dans laquelle la filiale de la première banque de l’Union européenne, référence plus 135 000 véhicules particuliers interdits de circuler dans la ZFE, à compter du 1er janvier 2025 (soit 21% des véhicules particuliers immatriculés en Métropole de Lyon, ndlr).

La répression ZFE sera assurée via une centaine de radars et des contrôles de police

Toujours selon BNP Paribas Mobility, l’interdiction du Crit’Air 3 et plus concerne 16 000 véhicules utilitaires légers, soit 15% des 110 868 VUL immatriculés dans la métropole en septembre 2024 (Les Crit’Air 2, quant à eux, représentent 70% des VUL, soit 77 473 véhicules, ndlr). L’Etat macroniste, complice des écologistes qui veulent en installer 100, annonce l’arrivée des radars ZFE pour 2026. Les nouveaux ministres Bruno Retailleau et Nicolas Daragon stopperont-ils cette gabegie ? A suivre…

Emblèmes de Lyon, les cuisiniers sont également dans le dur

Mais si cet artisan est donc un exemple parmi tant d’autres, les ambassadeurs de la capitale de la gastronomie sont eux aussi, victimes de ces nouvelles réglementations. Également appelé à s’exprimer au micro de Béatrice de Montille, le chef Christian Têtedoie (ci-contre) soulignait ainsi ses difficultés à recevoir ses commandes.

« L’entrée des marchandises est devenue complexe. Le problème des livraisons devient un vrai problème », expose le cuisinier de la rue Professeur Pierre Marion, touché de plein fouet par la fermeture de la montée du chemin neuf. Obligé d’être livré la nuit, le gastronome étoilé s’en sort grâce à sa renommée. Mais à l’instar du MOF, nombreux sont les chefs contraints et forcés d’avancer, le couteau sous la gorge, en déplorant chaque jour la perte de nombreux couverts..

Du petit jour au soir, les embouteillages sont incessants sur les ponts du Rhône, depuis la suppression de voies de circulation.

Ces derniers sont en effet victimes d’un certain abandon de la Presqu’île. Outre les embouteillages, la mise en place progressive de la ZFE semble effrayer de nombreux automobilistes. Selon la dernière étude de l’Observatoire Cetelem de l’Automobile intitulée « L’Automobiliste en plein brouillard », plus de 8 habitants d’Auvergne-Rhône-Alpes sur dix (85%) considèrent que les ZFE sont injustes pour les ménages les plus modestes, lesquels ne pourront pas s’équiper de véhicules modernes pour circuler dans ces zones.

Pire, pour ceux qui pensent que leur voiture ne sera pas autorisée, 39% avouent ne plus vouloir s’y déplacer une fois la mesure entrée en vigueur. 28% continueront de s’y rendre frauduleusement et seuls 14% s’équiperont d’un véhicule autorisé.

Et cela ne devrait pas aller en s’arrangeant. Les voies lyonnaises ont vocation à s’étendre sur les voies de circulation. La Rive droite pourrait être dès 2026, entièrement restylisée au profit d’un jardin terrasse et de balades au bord de l’eau. Avec le sens Nord Sud réduit à une seule voie de circulation !

Enfin, la ZFE doit, elle, s’étendre aux vignettes Crit’Air 2 d’ici 2028. Avec de nouvelles contraintes au menu.