Texte : Bernard Gouttenoire, critique d’art – En février 1990, j’ai loué un gite rural, huit jours, à Azolette (69), du côté du col des Echarmeaux. Il avait neigé en abondance. Si bien que je tournais en rond, dans ce décor blanc à mourir. Heureusement, j’avais toujours un carnet de croquis avec moi. Je me plantais devant l’église que je maîtrisais en un deux coups de crayon. Le gris coloré était tendance. C’est à ce moment que j’ai eu l’idée, (la vision), d’une église décorée par Jean Fusaro, dans le département du Rhône. C’était l’évidence. Cela ne pouvait être que lui et qu’ici.
En août 1990, le président Jean Palluy m’a nommé Chargé de mission Culture au Département du Rhône. Le conseiller général de Monsols, Joseph Ducarre m’a posé une question qui a tout déclenché : « Que faut-il inventer pour faire venir du monde dans notre secteur du Haut-Beaujolais, qui se désertifie ? » La question était claire, la réponse fut nette : « N’y a-t-il pas une église disponible, que l’on puisse décorer et confier au talent de Fusaro ? » et pour étayer l’idée, l’élu et moi avons rencontré le peintre Arcabas (Jean-Marie Pirot), à St-Hugues-en-Chartreuse.
L’église est devenue un monument phare -tout comme la chapelle du plateau d’Assy- amenant en Isère, un grand nombre de visiteurs depuis 30 ans. Contacté, le peintre Jean Fusaro a tout de suite émis un avis favorable à ce chantier, persuadé que pour lui, c’était la façon d’installer définitivement son Œuvre, au-delà de sa propre notoriété. Il rajoutait : « il vaut mieux avoir un monument à soi, que d’avoir trois toiles que l’on ne verra jamais, d’un Musée ».
Il a fallu choisir l’endroit, qui puisse accueillir un tel projet. Le canton de Monsols, comprenait 13 clochers. Un comité artistique conduit par Yves Bruyas, vice-président délégué à la culture, sous le regard de l’artiste. La délégation scientifique était accompagnée par l’architecte MH Jean-Gabriel Mortamet. L’église -celle pressentie à Azolette- fut un échec retentissant. On ne voulait pas de « ça » ici, dixit Pierre Delagarde, habitant le village, et qui faisait l’émission « Chef-d’œuvre en péril » (au temps de l’ORTF). Nous n’insistions pas.
Lorsque Fusaro est entré dans l’église de Saint-Jacques, il a avoué « l’endroit m’a de suite plu, surtout pour sa dimension humaine ».
Jean Fusaro ne voulait pas une Chapelle Sixtine. Né en 1925, à l’âge de 65 ans, il ne se voyait pas peindre le mural du fond de huit mètres de haut, comme Michel-Ange debout et pinceaux en mains. La municipalité, menée par Claude Roche, ne fut, au départ, pas trop intéressée par le projet, mais le conseil municipal vota « oui » à l’unanimité.
« Si on n’accepte pas cette décoration, de toute façon « ils » vont le faire ailleurs. Saint-Jacques aura raté la marche »… L’argument était suffisant pour que le conseil municipal accepte, tout comme les élus du Département. La question du prix fut résolue, quand Michel Mercier, grand argentier, demandait à Fusaro : « Combien vous allez nous prendre ? » La réponse fut intelligente, montrant la pleine détermination du peintre « Président, c’est vous qui faites le prix ».
Dès lors au Conseil Général du Rhône, on votait à l’unanimité, « pour la décoration murale de l’église de St Jacques-des-Arrêts, par le peintre Fusaro, afin d’irriguer patrimonialement, culturellement et touristiquement, le haut-Beaujolais, qui se désertifie ». En 1995, le chantier était sur les rails et pouvait commencer. Fusaro avait, alors, 70 ans. Tout serait peint de façon classique, à l’huile, sur châssis entoilés qui ensuite, seront marouflés sur des boiseries conçues, à la forme, tel un mobilier sur mesure, épousant les murs.
A Saint-Jacques, il ne s’agit donc pas de fresques murales, dont la conception serait sans doute plus noble, mais bien de peintures murales monumentales qui -isolées du mur, sur le support de bois- ne craindraient plus jamais, ni les affres du temps, ni les différentes attaques dues aux perturbations climatiques rudes en cette terre du Haut-Beaujolais, non loin du col de la Sibérie.
Il aura fallu cinq années pour mettre en route, le chantier. Les quatre peintures du chœur seront peintes ensemble à l’atelier, conférant à l’écriture sa teneur colorée dans un geste unifié aux tons pastels, gris colorés de l’école Lyonnaise, qui font toute la splendeur du geste fusarien.
Église de Saint Jacques des Arrêts
Conférence de Bernard Gouttenoire
Samedi 21 et dimanche 22 septembre 2024 à 15h
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