Propos recueillis par Françoise Petit avec Odile Mattei – « Chiant » pour parler de vieillir était le seul gros mot qu’il s’autorisait pour traduire le naufrage physique ressenti en tournant les dernières pages de sa vie. Les hommages se succèdent et ont toutes la même intensité, mais demeureront des dédicaces plus intimes que celles qui ont nourri les chaines TV. Entre Lyon et Quincié-en-Beaujolais – le territoire favori du feu Bernard Pivot – des témoignages donnent un autre relief à la personnalité du roi Lire. Lui qui aimait twitter tout en exécrant l’écriture inclusive, lui qui préférait les Verts (ASSE St Etienne) plutôt que la couleur des écolos, le cépage gamay avant le merlot méritait d’autres marques d’affection que celles vues et entendues face aux micros et caméras.
La famille Guigal
« Nous étions encore très jeunes lorsque Marcel et moi avons eu la chance et l’honneur de recevoir Bernard à la maison avec son épouse et l’une de ses filles. Nous avons visité la cave, parlé beaucoup de vin (vignes, cépages, vinification), et nous avons pu apprécier sa grande modestie, sa passion, son amour pour tous les vins français. C’était un grand connaisseur, dégustateur et il terminait toujours son verre avec une pointe d’humour que l’on appréciait. Epicurien dans l’âme, il vivait la vie avec gourmandise, c’était l’ami des grands chefs Lyonnais mais il était et restera toujours un infatigable défenseur du Beaujolais. Nous le rencontrions régulièrement chez nos amis Georges et Rolande Duboeuf lorsqu’ils organisaient leurs somptueuses fêtes lors de la sortie du Beaujolais Nouveau. Bernard ne nous a pas quittés, il restera pour nous tous l’amoureux des mots, du vin et de la gastronomie et comme il l’a si bien écrit dans son dernier livre « Mais la vie continue ».
Georges Blanc
Chef trois étoiles
« J’ai eu l’honneur d’être invité régulièrement à la sortie de mes livres et dans ses émissions Apostrophes puis Bouillon de Culture. Oui, passer chez Pivot contribuait à booster les ventes ou faire connaitre l’auteur sans aucun doute. « La Nature dans l’assiette » a été́ traduite en 5 langues, vendue à plus de 380 000 exemplaires. Les souvenirs avec lui sont nombreux grâce à nos presque 50 ans d’amitié́. Avec lui et Alain Chapel, nous étions passionnés de football donc on partageait cette passion en assistant aux matches même de petites équipes comme Beaujeu. La 3ème mi-temps n’engendrait pas la mélancolie ! Je me souviens aussi d’un tournoi de tennis, après un bon repas à Vonnas, entre Bernard et Pierre Perret c’était la raquette dans une main, le cigare dans l’autre ! Que de fêtes chez Pierre Perret où l’occasion d’émissions de TV avec Michel Drucker par exemple. Puis nous nous retrouvions souvent à Juliénas chez Claude Clévenot qui savait si bien recevoir et organiser de sacrées soirées ! »
Jacky Galmann
directeur de La Brasserie Georges
« Bernard Pivot venait depuis son enfance avec ses parents ici. Tout petit il courait entre les banquettes, se perdait dans le labyrinthe de la Brasserie. Il s’est toujours senti bien dans ce lieu hors du temps. C’était pour lui une salle de spectacle dans laquelle il regardait le public. Son menu favori : à l’apéritif des rondelles de saucissons et du beaujolais puis à la carte, andouillettes de Bobosse, saint marcellin de Renée Richard, les produits de ses amis toujours. »
Jean-Philippe Merlin
directeur de salle restaurant Paul Bocuse
« Il commandait toujours les grands classiques : soupe aux truffes VGE, rouget en écailles de pommes de terre, sole Fernand Point. Le vin ? Toujours un cru du beaujolais : moulin à vent, reigne, brouilly. Entre Paul Bocuse et Bernard Pivot, il y avait une grande complicité́. D’ailleurs sur la fresque dans la cour du restaurant on voit le chef « pivotin » qui, sur les ordres d’Antoine Carême, cuisine un riz au lait à l’Impératrice Joséphine. »
Renée Richard
Fromagère Halles de Lyon – Paul Bocuse
« J’ai rencontré Bernard lors des grandes fêtes du Beaujolais chez Georges Duboeuf, tout le show-biz, les VIP se retrouvaient s’amusaient et dégustaient du beaujolais. Chaque fin d’année, il venait aux halles acheter chez nous un immense plateau de fromages : saint marcelin, saint Félicien, rigotte ; des fromages locaux essentiellement. C’était un homme extrêmement gentil, ouvert aux autres, d’une grande simplicité. »
Jean-Paul Lacombe
Chef cuisinier, ex Léon de Lyon, le Bistrot de Lyon
« Je l’ai très bien connu, et éprouve pour lui une très grande admiration, un profond respect. On se vouvoyait malgré́ nos années d’amitié. Bernard Pivot faisait partie du Club des 100. Epicurien, très gourmand, grand connaisseur de vins, de cigares, il était discret, brillant, fin d’esprit, généreux. Lors de la perte de ma 2ème étoile, il avait rédigé́ un très beau texte sur la carte de Léon de Lyon, je ne l’ai jamais oublié »
Corinne Paolini
Auteur de « carnet d’inspiration à Lyon »
« Mes pensées veillent ce soir cet homme remarquable d’intelligence et de générosité, rencontré pour les besoins d’un portrait dans mon livre « carnet d’inspiration à Lyon » et dont le goût des mots croisait celui de la vigne et du vin. Monsieur Pivot s’en est allé emportant avec lui son insatiable amour de la langue française, son élégance de l’entretien fondé sur l’écoute véritable et ce délicieux regard retroussé de maitre d’école dont les deux verres correcteurs amplifiaient la malice autant que la sévérité. Le livre de sa vie était un enchainement de gratitudes ».
Christian Têtedoie
Président des Maîtres Cuisiniers de France
« Ce jour-là, dans mon restaurant panoramique au pied de la basilique de Fourvière, donc dans un cadre d’exception le prétexte était la sortie de la cuvée Bernard Pivot. Priorité au Beaujolais ! Nous avions imaginé à cette occasion un déjeuner avec une dizaine de plats qui alliait la cuisine des bouchons et une déclinaison gastronomique. Cela lui a beaucoup plu » L’étiquette était signée de la regrettée Claude Clévenot.
Et en cadeau bonus
Gilbert Coudène
« Les Allumeurs de Rêves »
C’est Bernard Pivot qui a écrit les textes gouleyants et savoureux qui accompagnent chacune des fresques de « La rue des Grands Chefs » réalisées à Collonges par les muralistes du groupe de la Cité de la Création. En 1993, j’ai eu le bonheur de partager un moment avec lui, Paul Bocuse et Fréderic Dard… » Quelle époque !
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