Texte : Marco Polisson – Exclusif – Camel Boutarfa – Camen Boutarfa à l’état civil- s’est endormi le 19 juillet 2024 pour l’éternité à l’âge de 74 ans. A l’heure où l’activité nocturne de notre capitale est réduite à peau de chagrin, corsetée par des dizaines d’arrêtés et d’interdits promulgués par les rabat-joie écologistes, retour sur l’incroyable parcours du créateur de l’Actuel, du Factory, du Space, du Bloc et du Koodeta, qui avait tiré sa révérence lors de la vente de son tènement immobilier de la Part-Dieu en 2018.
A Dieu, cher Camel et merci pour ces folles nuits !
Son portrait par Christophe Magnette – De prime abord, rien ne prédestinait cet enfant du 6ème arrondissement de Lyon à faire swinguer la capitale des Gaules durant près de 30 ans. Huit frères et sœurs, des parents qui veillent sur la destinée d’un cinéma de quartier, l’Eden, rue d’Anvers dans le 7ème, le jeune Camel rêve d’autres horizons. A 14 ans, il quitte le foyer familial et investit avec deux amis un appartement rue Garibaldi. Nous sommes en 1964.
Le jeune ado s’ouvre au monde sans brûler la chandelle par les deux bouts, côtoie le monde artistique, sort avec ses potes tout en poursuivant ses études. Fort d’une solide formation de technicien, il devient responsable commercial d’un bureau d’études new-yorkais, Sydney Barbanel. « Au début des années 70, la France commençait à voir s’implanter sur son territoire les premiers grands centres commerciaux qui s’inspiraient grandement du savoir-faire américain. »
Lyon, Paris, Nice, Toulon, Marseille, Camel est par monts et par vaux, travaille beaucoup. Sort aussi. Beaucoup. A Paris surtout, au Palace notamment. C’est là qu’il tombe un beau jour nez à nez « avec un fou furieux, un barge de première, tatoué, affublé d’une veste à clous, Yves Mourousi ! » Le début d’une longue amitié entre les deux hommes ; le présentateur star du 13 heures de TF1 étant de toutes les soirées mémorables – et inénarrables – organisées par Camel. C’est aussi à cette époque que notre amateur de Cohiba Robustos se constitue un carnet d’adresses unique dans le show-biz parisien. Un vrai sésame vers la réussite future de ses soirées lyonnaises. Car déjà le vent tourne.
Jeunesse dorée, stars du show-biz, édiles locaux
« Un jour, quelqu’un me parle de l’ouverture possible d’un music-hall à la Part-Dieu. On me dit que Régine serait intéressée. Je travaille avec mes équipes du centre commercial sur la faisabilité technique du projet mais il n’aboutit pas. Pourtant, l’idée me séduit. En 1978, je reviens vivre à Lyon quand lors d’un week-end un ami m’emmène à Saint-Julien-en-Genevois, au Macumba. Un délire total ! Je croise Michel Drucker et Amanda Lear, les gens sont déchainés, incontrôlables, une folie pure !
Comme un défi, mon ami me lance : « Pourquoi ne ferais-tu pas la même chose à Lyon ? » Pendant deux ans, il cogite, conçoit, créé. « J’ai toujours eu pour habitude de manger tard donc j’ai pensé à installer un restaurant de nuit. Une scène également. Mais puis je suis parti vivre à Marseille pour des raisons professionnelles. Je ne voulais donc pas m’en occuper ». En juin 1981, au 30 boulevard Eugène Deruelle, le Paladium ouvre ses portes. Six mois plus tard, Camel prend la direction de son établissement. Le voilà prince de la nuit lyonnaise.
La jeunesse dorée de Lyon se trémousse sans fard sur fond de disco.
Même les édiles locaux ont leurs habitudes. Pas seulement. Jean-Luc Lahaye fait l’une de ses premières apparitions scéniques, Jeanne Mas, Indochine, toutes les stars de l’époque se donnent rendez-vous entre Rhône et Saône. On fume, on picole, on se mélange, on fait la fête. Une autre époque quoi ! Homme de cycle, Camel surfe sur la vague new-wave. Au milieu de l’année 1985, il débaptise le Palladium pour l’Actuel.
L’apogée, l’âge d’or en matière de délire collectif. Mais derrière les strass, un boulot énorme au point que Camel est à deux doigts d’y laisser des plumes : « L’Actuel fonctionnait toute la journée puisque nous organisions des séminaires d’entreprises. C’était une vraie PME avec la pression inhérente à ce type de fonctionnement. Pourtant j’étais bien secondé. »
Par qui ? Marc Chabert en provenance du Moulin Rouge d’Albigny-sur-Saône (direction : Franck Bejat) qui l’aide dès son ouverture. A Marc le terrain ; à Camel l’artistique. Derrière les platines, un certain Dominique Lafoy débarque du King’s Car Club. « Avec Marc, nous n’avons jamais eu un mot plus haut que l’autre », se félicite-t-il. Plus tard, c’est à Marc et à Dom qu’il louera le feu B52.
Une drag-queen au volant d’un bus !
En pleine embellie, Camel ne se fixe plus de limite. « J’apprends que la ville souhaite l’implantation d’un cabaret. » A l’angle de la rue des Rancy, il reprend le local qui abritait auparavant le Scorpion. Comme à son habitude, met les petits plats dans les grands. Iconoclaste, déjà. Rolls couleur ivoire avec chauffeur pour les invités de marque, téléphone sur les tables, bar en bois de 20 mètres, scène dotée d’un podium télescopique lui-même doté d’un dôme ouvert, il va jusqu’à solliciter le Paradis Latin et proposer un spectacle par soir !
Nom de l’établissement ? Le Festival. Un projet démesuré. Et un plantage tout aussi spectaculaire. Pourquoi ? « Les gens n’osaient pas rentrer ! Rendez-vous compte, des filles topless sur scène, ça ne passe pas. En plus, nous ne proposions pas de dîner. J’avoue, ça a été un fiasco total puisque nous avons relooké le lieu au bout de six mois. » Car l’homme a de la ressource et un sacré culot. En cette année 1989, il gère à la fois l’Actuel et Le Festival : un carton d’un coté, un bide de l’autre.
Là encore, sa parfaite connaissance des tendances va lui permette de rebondir et de quelle manière !
« Un week-end, je monte voir un ami producteur à Bruxelles. Il me fait écouter un son, de la new beat. Ça fait tilt immédiatement. » En 48 heures, Le Festival est transformé de fond en comble. Fin 1989, le Factory ouvre ses portes. » Trans, homo, extravagance, non-conformisme, Camel vit quatre années d’hystérie et de douce folie. Ah les soirées facto…
Fin 1993, le cocktail rock-bière initié par le B52 le laisse de marbre, « c’était pas mon truc ». Il s’offre un intermède professionnel en Algérie pour la construction d’une minoterie, avant que les événements ne l’obligent à fuir le pays. Ludique aussi. Bali – où il se rend souvent – l’Afrique, les Antilles, Ibiza, Camel Boutarfa est un passionné de voyages. Et fourmille d’idées. Pendant que Marc et Dom font le buzz et se gavent de soirées étudiantes, voilà que Camel se délocalise à Feyzin pour inaugurer Le Space en 1995, en lieu et place de l’ancien Pénitencier.
Comme d’habitude, la provoc reste un pan de son fond de commerce. Mettre une drag-queen comme chauffeur de bus pour aller chercher ses fêtards à deux pas du Sofitel, il en rigole encore… En 1998, la farce s’achève. Rue des Rancy, le B52 a laissé la place au Stardust puis au Fridge (2000-2005). Entre temps, Camel est devenu le maître des lieux. Il est désormais chez lui. En 2005, il cède à la mode latino et inaugure son Koodeta. Un projet précurseur lui parcourt déjà l’échine aussi, le Bloc. On connait la suite.
La boucle est bouclée
Voilà pour Camel, l’homme public. Reste la face cachée, la partie privée. Que savait-on de Boutarfa ? En réalité pas grand-chose. Avec lui, le silence est d’or. « On a tout dit sur moi ! Mais je ne suis pas homo pour un sou ! » Faire le tour de la ville nous a été nécessaire pour avoir confirmation qu’il était l’heureux papa d’une fille et d’un garçon.
Ses amis ? Il avouait un faible pour Jean-Claude Caro (ci-dessus), Jean-Louis Manoa, Azouz Begag et citait sans vergogne ses potes du show-biz parmi lesquels pléthore d’acteurs, comme une réminiscence de son enfance, Jean-Paul Rouve, François Cluzet, Gérard Lanvin, Olivier Marchal. Le ton se veut plus grave lorsqu’il s’agit d’aborder ses rapports « avec un ami intime », Jean-Luc Delarue. « N’en déplaise à certains, je suis un gestionnaire pas un fanfaron. Pour preuve, j’ai toujours été à la barre de très gros navires », rappellait-il, pas peu fier également de souligner qu’il n’avait jamais acheté un établissement existant,
« Personne n’emporte son coffre-fort au cimetière ! Je suis un homme de réussite, pas d’argent. ». A quel prix ? Mystère…
SES PLUS BELLES CRÉATIONS
Le Paladium
30, boulevard Eugène-Deruelle, Lyon 3
« Si la sensibilité de votre âme préfère à la banale voûte céleste le plafond mystérieux d’un night-club foncez au Palladium. La maîtrise harmonieuse des sons et des couleurs touche à son paroxysme lorsque les clips vidéo s’enchaînent, lorsque les stroboscopes se déchaînent et les lorsque les rayons laser… j’en ai déjà trop dit !
[Le Petit Paumé / 1984-1985 / p.271]
« Pala peine de rentrer quand pala tenue correcte exigée. Travoltas attardés, amateurs de chair fraîche, shampouineuses provoquant un bruit bizarre du genre « cliquetis-cliqueta » quand elles se déplacent… M. Camel n’a pas lésiné sur les moyens pour vous attirer dans son immense discothèque. Difficile de ne pas se faire fusiller par un des lasers ou de ne pas tomber bouche-bée devant… une vidéo coquine. De confortables sofas et de pulpeuses paladines patientent, disponibles. Musique sans surprise. Luxueux et fonctionnel. »
[Le Petit Paumé / 1985-1986 / p.310]
L’Actuel
30, boulevard Eugène-Deruelle, Lyon 3
« Version remix pour le Palladium : encore plus spacieuse et luxueuse, avec des fauteuils sur une série de niveaux d’où l’on peut contempler la piste. Celle-ci est peuplée d’une jeunesse composite, des Bécébèges aux excentriques, mais toujours clean, qui ne cherche qu’à s’éclater sous les déchaînements des lumières, des lasers et des vidéos. Le bar, lui, est le domaine d’une population légèrement plus âgée, joyeux buveurs qui n’ont pas les yeux dans leur poche. C’est vrai qu’il y a à voir et à croquer… »
[Le Petit Paumé / 1986-1987 / p.315]
L’album de Camel Boutarfa
Le space c’est pas à feyzin mais à serezin du rhone
Ni l’un ni l’autre c’était à Ternay
tu as raison d’un côté de la route c’est serezin de l’autre ternay
que de bon souvenirs. le Space. et le Factory et b 52 . à si on pouvait retourner en arrière……. grâce à toi Camel. tu
nous à fait dance tout là nuit au son de musique incroyable….. bonne nuit Camel.
Merci pour lui, c’était un grand homme notre famille a perdu un pilier. bien à vous
Il y a une erreur sur l’un des flyers qui n’est pas celui du Space, mais de l’Hypnotik, le club techno ouvert par Chuck dans un squat Rue Magnevalle, sur les pentes de la X Rousse.
c’était la bonne époque.De nos jours Lyon est une ville morte !! il n’y a vraiment plus rien de bien pour sortir faire la fête ce qui est honteux pour la deuxième ou troisième plus grande ville de france. On s’y emmerde maintenant que les autorités ont fait fermet tous les meilleurs lieux .
vous souvenez-vous comment a été connu cet endroit avant la création de l’hypnotik ?