Texte : Christophe Magnette – “Nous restons indispensables, tant que nous sommes présents.” Qu’il se rassure, même parti, Jean-Philippe Merlin restera indispensable, au moment de s’attarder sur le devoir mémoriel qui sied à cette Maison : quarante-quatre ans de présence, en 2024 !
Mieux encore, “Philippe” (son patronyme bocusien, donné par Madame Raymonde à son arrivée, un « Jean-Philippe » travaillant déjà, dans l’équipage), peut s’enorgueillir d’avoir marqué l’histoire de l’Auberge pour toujours. Car, qui fera mieux ? Plus jeune chef de rang à vingt-ans (en 1980), plus jeune maître d’hôtel, cinq ans plus tard, il y a parfois du bon, à prendre son destin en main.
Qui prend la forme d’une annonce, dans le journal : “Restaurant gastronomique cherche chef de rang – anglais obligatoire” Jean-Philippe doit bosser. Il appelle, et postule : “Allo, restaurant Paul Bocuse, j’écoute !”
Le jeune Merlin est pris… On dit que Madame Raymonde le trouvait beau…
Sa promotion en qualité de maître d’hôtel n’est pas mal, non plus. Un samedi-soir, en plein service, Paul Bocuse l’appelle « derrière », dans le salon privé. Du Monsieur Paul dans le texte : “Assis-toi ! Tu passes maître d’hôtel mais tu ne seras pas le premier car on en a trouvé un bon, au Richemond, à Genève. Son nom, François Pipala.”
Pipala-Merlin : les frérots ! Trente-cinq ans ensemble, en salle, sans jamais avoir eu l’opportunité de déjeuner ensemble. Un duo indissociable de l’histoire de Paul Bocuse, du service à la française, si cher à cette Maison, à ce nom.
À la fois excessif et généreux : Paul Bocuse. Que Jean-Philippe Merlin n’était pas destiné à croiser. La faute à une enfance chaotique, passée au marché-gare de Lyon, là où trône l’affaire familiale, “à côté des poissons, en face des légumes”, puis chez Point à seize ans (en 1976), avant de filer en Angleterre et – cheveux longs et boucle d’oreille ! -, de tomber sur une annonce dans le journal…
“Cette Maison est un piège, mais je suis très heureux de m’être fait prendre.” Il sourit. Sans doute pense-t-il à l’après, à sa sortie (programmée l’année prochaine), à Grimaud, dans le sud de la France, sa prochaine destination, après Collonges. Là où il sera Jean-Philippe Merlin.
Car, pour “Philippe” Merlin, “on ne peut pas être et avoir été” : mais, avoir été quelqu’un, c’est déjà bien…
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