Texte : Morgan Couturier – Au même titre que le parking musée des Confluences, le parc d’attractions de la Confluence paye le prix du projet de « bois urbain » souhaité par les écologistes. Alors que la vogue d’hiver se termine ce dimanche 3 mars, les forains demeurent dans l’inconnue, sans réelle solution apportée par la Ville de Lyon, laquelle préfère laisser traîner le problème en longueur.

« Fermez tout, on remballe ! » Voilà en substance, le résumé de ces derniers jours, sur les bords du quai Perrache, que les familles du Luna Park ont pour habitude d’animer. Puis le dimanche 3 mars est arrivé, signifiant la fin de la vogue d’hiver. Comme Cauet avant eux, les forains ont donc fini de crier « tournez manège » ! Problème, le spectre d’une ultime implantation s’affiche de plus en plus dans les allées, ravivant les fantômes d’une activité menacée depuis quelques années.

« Cela fait quatre ou cinq ans que l’on nous dit que c’est la dernière année. On avait fini par ne plus s’inquiéter. Mais cette année, lorsque Valentin Lungenstrass (adjoint aux espaces publics, ndlr) nous a dit que c’était la dernière année, on a commencé à prendre le problème au sérieux », expose Allan Caillau, membre du comité des forains de la Vogue de Confluence.

À croire au pire aussi, alors que la Ville de Lyon et ses élus écologistes poussent pour l’aménagement de leur fameux projet « le Champ », un « quartier sans voitures » pensé pour 2030 et imaginé par la SPL Confluence, comme « une forêt urbaine, s’étirant de l’Hôtel de Région, jusqu’à la station-service du cours Charlemagne ».

Le Musée des Confluences privé de parking !

Fini donc, l’ancien parking LPA du Musée des Confluences, dont la superficie est actuellement bien comprimée (malgré une date de fermeture initialement affichée au 23 avril 2024), au même titre que l’actuelle station-service, prévue pour être déplacée sur l’ancien site des Boucheries André. Mais pour l’animation, le quartier s’apprête surtout à revoir sa copie. Le Luna Park est voué à disparaître. Le Cirque Medrano aussi. Sans véritable solution de secours.

Fin de partie aussi pour le parking du Musée des Confluences

« Le problème reste le même. On a des propositions incohérentes. On ne fera pas des petites fêtes de quartiers, en laissant des collègues sur le bord de la route. C’est comme avoir le choix entre Disneyland et Walibi », développe Allan Caillau, pour qui le site de la Confluence représente « 5 mois et demi de travail dans l’année ».

La Ville de Lyon pourrait officieusement faire une fleur à ces forains, en les laissant occuper une dernière fois les lieux cet été, mais cette « offrande » a tout du cadeau empoisonné. « On nous laisse encore une édition pour repousser le problème dans 6 mois. Notre ressenti, c’est qu’ils ne veulent plus de nous. À chaque fois, ils ont quelque chose pour nous dire non », poursuit ce représentant de la profession, prêt à quitter les lieux – comme ce fut le cas à la Cité Internationale et sur l’avenue Félix Faure autrefois – à condition d’être installé sur un autre terrain.

« On n’a pas de suite. La mairie fait la sourde oreille »

Hélas, si les forains ont proposé des solutions de repli, la municipalité écologiste reste stoïque. « On n’a pas de suite. La mairie fait la sourde oreille », regrette Allan Caillau et ses confrères, déjà pénalisés par les premiers aménagements voulus par les Verts.

Les écologistes ont fait installer des murets en béton pour empêcher les automobilistes de se garer… Cela relève de la psychiatrie.

« On restait sur deux belles éditions, mais l’édition de cet hiver a été une catastrophe. Ils ont enlevé toutes les places de stationnement. On est bien conscient que toute la ville ne vient pas à Luna Park. Mais avant, on avait quelques familles passant par-là, qui s’arrêtaient un moment chez nous. Aujourd’hui, ils ne peuvent plus s’arrêter », poursuit-il.

Les écologistes leur préfèrent les cours de jardinage

Problème, bien que soutenu par le maire d’arrondissement, Pierre Oliver et quelques confrères républicains, le Luna Park paraît bien moins vertueux aux yeux des Verts, que leur future forêt. Pire, la Station Mue, cette installation en bois de 750 m² imaginée par le paysagiste Base (également missionné sur le projet de chemin nature sur les rives de Saône) depuis 2018, semble leur paraître suffisamment divertissante pour animer le quartier, au fil des balades urbaines, séances de yoga, ateliers jardinage, et autres découvertes de la biodiversité.

« Cela fait 25 ans que l’on égaye le quartier. Ce n’était pas très joli à notre arrivée. Notre plus grosse colère, c’est de ne pas savoir pourquoi nous ne sommes pas intégrés dans le nouveau projet. À la rigueur, on aurait pu faire quelque chose de joli, dans la longueur des quais, comme à la Croix-Rousse. Mais on nous laisse à l’abandon », s’attriste le porte-parole des forains.

Trois propositions de repli, restées sans réponse

Alors le temps passe et les options disparaissent. Certains leur disent même d’aller voir ailleurs. Dans d’autres villes. Mais là encore, les places sont prises. Face à cette réalité, le collectif se veut force de propositions. À l’instar d’une installation sur la place Bellecour, déjà dotée d’une grande roue. Sans résultat.

« Les riverains y achètent des appartements, mais apparemment, ils achètent aussi l’espace public », déplore Allan Caillau. Autres solutions : le Parc de la Tête d’Or ou plus objectivement, le Parc de Gerland, les deux pouvant être « des solutions pérennes ».

Le futur hante les 65 familles qui vivent de l’activité…

« Ça va dégrader la faune et la flore, nous retoque-t-on », révèle le principal concerné, un brin désabusé. Alors pour éviter de perdre leurs manèges dans les 6 hectares de forêts imaginés par les écologistes, les forains tentent une ultime parade : se porter en successeurs de la vogue des choux, l’une des premières vogues lyonnaises, autrefois organisée sur le cours du Midi, à… Perrache, avant la construction de la verrue.

Un héritage à entretenir et à sauvegarder. « Luna Park, c’est la vraie fête foraine de Lyon. La Vogue des marrons, c’est la fête de la Croix-Rousse ». Un bastion des écologistes, où conserver les manèges est là encore, chaque année, toujours plus compliqué.