Nuit
blanche au Dark's
De
notre envoyée spéciale, Sapho d'Eterreaux
La
rue Mulet, dans le quartier des Terreaux, a
ouvert un nouvel établissement de nuit et qui
plus est, secteur du « Marais lyonnais » oblige,
il s'agit d'une boîte homo. Quelques mois après
l'élection, à Paris, à Marseille (et à Lyon
?), de maires sensibles aux charmes des marins
plus qu'au chant des sirènes, le Dark's Klub
promet d'être le plus grand lieu homo branché
de l'agglo.
Avant même de pénétrer dans « le sein des saints
», je produis un effet inattendu dans la rue.
Trois hommes, de ceux qui s'affichent « vrais
et tatoués », me suivent. Amis de la poésie,
bonsoir ! La chair est faible mais leurs esprits
se révèlent impuissants lorsqu'ils me voient
rejoindre l'antre qui met fin à leurs espoirs.
« Trois de perdus, dix de retrouvées
»... Le cerbère, qui protège l'accès du club,
suscite deux questions. L'homosexualité constitue-t-elle
ici une condition de recrutement ? Et, si oui,
pourquoi ne suis-je pas un garçon ? Son sourire,
fort encourageant, est sans doute censé chasser
les dernières inhibitions des premiers clients
mais il pourrait aussi créer quelques passions
chez certaines clientes...
Aux
côtés de ce colosse au teint ensoleillé, Natacha,
la jeune directrice du Dark's, promène
des allures de fée Clochette. Hasard ou stratégie,
l'alliance de la force orientale et de l'ange
blond créé une ambiance des plus esthétiques.
Au bar, hommes et femmes s'observent. Le pari,
inhabituel en terres lyonnaises, consiste à
réunir tous les homos sous un même toit, à raison
de 70/20. Pour atteindre les 100 % de rentabilité,
l'établissement mise clairement, via une communication
« non-conformiste », sur les hétéros branchés,
voire échangistes.
Évoluant de groupe en groupe, de bises en bises,
Jean-Marc Sanz,
le maître des lieux, (en compagnie de Jérémy)
s'il devait se définir par un tableau, relèverait
plutôt du portrait d'un héros d'Oscar Wilde.
Ce Dorian Gray porte haut les couleurs gay :
cheveux sculptés, visage bronzé aux traits fins,
yeux de charmeur de serpent (pourquoi ne suis-je
pas un serpent ?), sourire diabolique, allure
étudiée sur un corps d'éphèbe et, plus que tout,
gestuelle, à son image, précieuse. Inutile de
lui demander si l'orientation de son club relève
de la simple démarche commerciale. À 22 ans,
après la vente de son magasin de vêtements,
« H2O », le jeune homme réalise son rêve : tenir
une boîte branchée homo.
Après
4 mois de travaux et sur 300 mètres carré, l'ancien
bar à bières étudiant dévoile, loin du cliché
glauque, un aménagement convivial auquel répond
une déco soignée inspirée d'un colonialisme
bon teint.
La clientèle, jeune, branchée et parfois extravagante,
paraît ravie. Les plus timides se cantonnent
à l'entrée-pub, les plus curieux découvrent
le deuxième cercle, vers lequel convergent salon
VIP et alcôves baignées de pénombre, tandis
que les plus courageux s'aventurent « jusqu'au
fond » et voient leurs efforts récompensés,
face au miroir, par des shows artistiques autant
qu'érotiques qui
vont droit au cur du corps.
Tout
cela amuse Marc Chabert
qui, lié, entre autres par une femme, au gérant
du club, honore de sa présence, rare donc chère,
les fidèles du Dark's. Interrogé sur
le club, le patron du Fish, du First
et autres Oxxo, remonte sur son éternel
cheval de bataille pour fustiger la municipalité
battue et sa politique de la nuit, rappeler
ses attentes par rapport à la nouvelle équipe
avant d'évoquer à nouveau la création, au Confluent,
d'un pôle qui, rassemblant une vingtaine d'enseignes,
représenterait toutes les tendances des noctambules.
Mais,
en attendant que le Dark's Klub obtienne
de nouvelles autorisations, il est 3 heures, Paris
s'éveille, Lyon doit s'endormir... et mettre dehors
des clients qui emportent, avec eux, les belles
images d'un club sombre.
Le
Dark's Klub
10, rue Mulet
69001 Lyon
Tel : 04.78.39.37.66
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