Texte : Morgan Couturier – Après 39 ans d’existence, le restaurant réunionnais de la place Fernand Rey, a décidé de tirer le rideau, en dépit d’une âme singulière. Le covid ayant ouvert la voie à une nouvelle vie, son propriétaire Johan Grondin s’envole vers de nouveaux horizons. En attendant, le flambeau est transmis à un certain Thierry Fontaine.
Les larmes ont coulé pour sa dernière, le 4 mai dernier, autant que les verres de rhum arrangé, dont le propriétaire, Johan Grondin tint la recette inévitablement secrète. Un digestif indémodable de cette maison, que le quartier aura appris à aimer depuis le rachat de l’affaire en 1985. D’ailleurs, pouvait-il avoir meilleure sortie pour ce restaurant réunionnais, acquis par son père Axel, un soir bien arrosé ? « Il a fait la fête ici et dans la soirée, il a dit au chef, j’achète ton restaurant », raconte avec le sourire, l’ultime occupant des Filaos.
À ce jeu, le lendemain fut logiquement difficile à assumer, autant qu’une promesse d’achat formulée dans leur cœur de l’action. Qu’importe, l’accord fut honoré, le quartier apprenant à découvrir « l’âme de la Réunion et les saveurs du pays ». Des plats gourmands que le restaurant, par respect des traditions locales, agrémentait régulièrement d’une portion supplémentaire. Et d’un verre de l’amitié.
Un spot et une ambiance très appréciés des joueurs de foot
« On en a fait des bringues ici. Il s’est passé des milliers d’histoires, des demandes en mariage, des divorces », relate Johan Grondin, nostalgique de ces belles années, où même les joueurs de l’OL venaient expérimenter la cuisine maison et apprécier cette expérience hors du temps. Il en fut de même pour le chanteur Charlélie Couture, la progéniture d’Alain Souchon ou l’acteur Richard Bohringer. « J’ai plein de flashs qui reviennent, mais au final, on part la tête haute. Maintenant, on va souffler », assure le désormais ex-propriétaire de l’établissement.
« Mon frère, Nicolas, devait reprendre le restaurant. Il est malheureusement disparu. Alors en 1998, mon père m’a dit de venir travailler avec lui et je n’ai plus jamais arrêté. Il avait le contact facile. Les gens venaient pour Axel. Alors quand j’ai repris en 2005, on ne me donnait pas deux mois. Même mon père avait de gros doutes », poursuit ce dernier.
À sa façon, très authentique, Johan Grondin sut pourtant relever le défi, jusqu’à tenir l’affaire, dix-neuf années durant. « J’ai grandi dans ce restaurant. C’est une belle fin », évoque celui-ci, néanmoins ravi de pouvoir choisir une sortie mûrement réfléchie. « Aujourd’hui, arriver à fêter sa fermeture, ça n’a pas de prix », glisse fièrement sa compagne, Sandrine Cilli. Un luxe que le Covid avait initié, le confinement ayant dressé les contours d’une autre vie, où la famille et les enfants s’affichent désormais au premier plan.
« Ça n’a jamais été un restaurant conventionnel. C’est ça la Réunion »
Ajouté à cela une hausse de l’insécurité et une mairie écologiste supprimant les places de stationnement, et Johan Grondin fut conforté dans son idée. Celle de partir et de tourner la page, laissant à autrui le soin d’écrire sa propre histoire. Ou plutôt à entrepreneur bien connu du monde de la restauration, en la personne de Thierry Fontaine, président de l’UMIH Rhône. « On est bien content que le repreneur soit quelqu’un avec certaines valeurs. Au début, je n’y ai pas cru », raconte Johan Grondin.
Le fonds de commerce et les murs désormais acquis, le propriétaire du Maze à Limonest ou de la brasserie Neyrand, rue Saint-Jean, a bien l’intention de redynamiser le quartier. À sa façon. Avec son associé, Hugo Neyrand, Thierry Fontaine se projette dès à présent, dans la réalisation de quatre mois de travaux, de façon à offrir aux Lyonnais, une nouvelle « brasserie à la Française », d’ici la rentrée 2024. Un nouveau décor, dont les détails sont encore maintenus secrets.
En attendant, une chose est sûre, le restaurant Les Filaos, s’apprête à disparaître. Quant à Johan Grondin, l’idée d’un nouveau projet tient du 50-50. « Peut-être un service traiteur, mais pas dans Lyon », soutient l’intéressé. Mais pour l’heure, la Réunion fait de sérieux appels du pied. « Je vais enfin pouvoir prendre des vacances en juillet et en août et me requinquer », se réjouit le restaurateur. Une autre fête, pour un dernier adieu.
Oh
Au revoir Les Filaos….
Que de soirées épiques
De souvenirs
Cuisine somptueuse
Générosité
Ambiance de quartier
Salut à tous
Bonne route
on ne pourra pas vous oublier