Texte : Marco Polisson – Créé en 1951 par Roger et Gabrielle Borgeot, ce restaurant du quartier d’Ainay est une pépite du patrimoine gastronomique lyonnais. Il est aujourd’hui en pleine tourmente.
C’est le cœur lourd que nous avons récemment appris que La Tassée ne parviendrait pas à sortir indemne de la tempête qui l’a frappée depuis deux ans. Notre appréhension a décuplé quand nous avons reçu les signaux détresse en provenance du Tribunal de Commerce : l’institution judiciaire a placé le restaurant de la rue de la Charité en liquidation, le jeudi 9 novembre 2022. « Nous vivons un moment triste » a déclaré le président de la chambre en ouvrant la procédure.
« Mes conseils m’ont préconisé d’arrêter plutôt que de risquer de tout perdre en m’acharnant » nous explique 5 jours plus tard Jean-Paul Borgeot, très ému, que nous avons retrouvé, place Bellecour, à l’heure du café dans sa brasserie L’Espace *. « J’ai donc décidé, la mort dans l’âme d’arrêter cette belle histoire dans laquelle je suis impliqué quotidiennement depuis 1972 ». La maison est fermée. Les 7 collaborateurs de La Tassée en procédure de licenciement. Gageons qu’ils n’auront aucun mal à trouver un nouvel emploi.
Comment en est-on arrivé à cette conclusion ? La conjugaison de plusieurs facteurs et leur enchaînement. En premier lieu, la décision de JPB de délaisser en 2012 sa petite boutique de traiteur, mitoyenne du restaurant, pour la construction d’un grand laboratoire à Pierre-Bénite (Rue Henri Moissan). « Malgré nos efforts, nous n’avons jamais pu rentabiliser ce lourd investissement » regrette le chef, contraint de revendre à perte ses installations au boucher Daniel Vessière en 2019.
En 2017, deuxième coup dur avec la fin de la concession du Bouchon de Fourvière ** pour cause de travaux gigantesques dans la Maison Carrée décidés par la Fondation Fourvière. Or ce restaurant, niché sous la basilique avec vue imprenable sur Lyon, irriguait la maison mère de la rue de la Charité. Enfin, pour parachever le tout, l’arrivée du Covid a fini de fragiliser irrémédiablement La Tassée. Son chiffre d’affaires est passé de 3,6 millions d’euros en 2010 à 929 000 euros l’an dernier. Sur les exercices 2019 et 2020, le cumul des pertes dépasse les 500 000 euros.
Un restaurant fréquenté par le gratin lyonnais et national
Nous partageons la tristesse de Jean-Paul Borgeot et de ses enfants. La Tassée fait partie des institutions en matière de gastronomie dont Lyon, même sous occupation vegan, reste la capitale. Créée en 1951 par Roger et Gabrielle Borgeot à proximité immédiate des grands journaux lyonnais L’Echo Liberté et le Nouvelliste, et de leurs imprimeries de la rue François Dauphin, le bistrot des parents de Jean-Paul Borgeot tournait alors pratiquement 24h/24.
« Une heure de ménage entre 6h et 7h, et c’était reparti ! » pour des journées sans fin, un brassage de gens de presse, et dans leur sillage de la politique (Jacques Chirac, Charles Hernu, Raymond Barre…) et du spectacle. Après avoir fait ses gammes chez Vettard, Point, au Fouquet’s et au Sofitel, JPB rejoint l’équipage familial en 1972. Les journalistes partis, les quotidiens fermés ou agonisants, il a dû capter une nouvelle clientèle et le lifting opéré en 2008 a participé à ce renouvellement.
C’est cette année-là qu’il intègre en cuisine son fils Romain, alors âgé de 27 ans, « pour poursuivre sa traversée sans craindre de boire la tasse » écrivions-nous dans Lyon People. Après 14 ans de travail main dans la main, les chemins du père et du fils vont se séparer. « Romain ne souhaitait pas reprendre les 4 affaires. Il réfléchit à un nouveau concept. » Quant à La Tassée, elle sera bientôt sous le feu des enchères. A Lyon, tout le monde espère qu’un cuisinier ou restaurateur réveillera la flamme de cette institution lyonnaise.
* La Brasserie L’Espace – qui va subir un léger rafraichissement – et L’Espace Berthelot ne sont pas affectés par cette liquidation judiciaire.
** La concession a été reprise par Guy Lassausaie qui y a installé son restaurant Bulles. La famille Borgeot n’a pas candidaté.
Triste pour cette célèbre maison. Néanmoins je tiens à souligner aussi qu il y a eu quelques couacs : il y a une quinzaine de années, nous avions organise un diner de Noël entre collègues et nous étions un très grand groupe. Certes nous y avions bien mangé mais la mauvaise surprise a été lorsqu’on nous a servi un champagne vert, ou contenant trop de sulfites, ce a quoi l on ne s attend pas pour un restaurant de cette qualité. J ai souffert d un très pénible mal de tête toute la nuit ainsi que plusieurs collègues. J avoue qu a la suite de cette mauvaise expérience je n’y suis plus retournée.
Nous n’irons plus nous entasser à la Tassée, car la Tasse ne sera plus bien Tassée, au fil du Temps, les Choses de la Table se sont comme bien d’Autres,définitivement dans les Oubliettes bien Entassées …
Seul, lyonpeople sait Résister
Marc Poty
Ce 19 Novembre 2022
Merci cher Marc
Qu’à la Tassée l’on s’entasse, et que bien tassée soit la tasse….c’est fini.
Il faut sauver ce haut lieu de la gastronomie Lyonnaise.