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Par Jocelyne Vidal
La silhouette fantomatique du Pavillon Keller est gravée dans la mémoire de tous les skieurs en partance pour les stations de l’Oisans. Château hanté ou décor de cinéma ? A Livet et Gavet, village de l’Oisans de 1203 âmes, la réalité dépasse la fiction.
Bien avant de camper le décor de deux films – « Les Rivières Pourpres » de Mathieu Kassovitz et « Une Petite Histoire Sordide » d’Alessandro Perissinotto – le gros chalet de 1740m2 juché à quinze mètres au-dessus de la Romanche, fut à la fois le Q.G. et le siège de l’entreprise de Charles-Albert Keller. Depuis le bureau – promontoire de sa demeure Art Nouveau aux 103 portes et fenêtres, le capitaine d’industrie dirigeait une usine qui produisit 120 000 tonnes de fonte entre 1914 et 1918. La houille blanche de la Romanche avait permis à Charles-Albert Keller d’enchaîner les innovations : l’invention du haut fourneau électrique, la production de fonte synthétique au four électrique à partir de ferrailles et de charbon… Le caractère visionnaire de l’inventeur se reflète dans les vitraux, panneaux aux mécanismes secrets de son Pavillon de vingt-six pièces, labellisé Patrimoine de l’Isère.
Un restaurant gastronomique et cinq plateaux dédiés à l’innovation
Sans renier le fil rouge de l’histoire, le Pavillon Keller devenu aujourd’hui la propriété de la SCI Yasar, s’apprête à faire peau neuve, moyennant trois millions d’euros de travaux qui pourraient démarrer à la mi-2016 et s’échelonner sur quinze mois. Missionnés par la SCI Yasar, le designer muséographe Jacky de la Sarthe et l’architecte DPLG Jean-Philippe Rey-Gagneux prévoient une réhabilitation en deux temps. A la restauration à l’identique des façades et coursives du Pavillon Keller, s’ajouteront la création de cinq plateaux commerciaux dédiés à l’innovation, l’ouverture d’un restaurant panoramique et d’une brasserie, l’implantation d’un espace muséographique retraçant le parcours de Charles-Albert Keller, la création d’un espace d’exposition et de cinéma inédit, doté d’un pôle vidéo sur consoles, revisitant les grandes énigmes cinématographiques, confie le designer muséographe Jacky de la Sarthe en accueillant au Pavillon Keller, l’artiste peintre Patrick Marchal.
Patrick Marchal ouvre le chapitre Expositions du Pavillon Keller
« Fasciné par l’architecture audacieuse de cette demeure imaginée par un homme très en avance sur son temps, j’ai eu l’idée de créer une dizaine d’œuvres inspirées de la révolution industrielle », précise l’artiste. Sous le thème d’un Nouvel Age du Faire, Patrick Marchal invite l’art contemporain à se réapproprier les rouages des machines de la Belle Epoque. Les tonalités rouille, gris perle et bleu acier de l’esthétique industrielle piègent la lumière comme autant de bijoux ciselés de main de maître par un artiste aussi à l’aise dans l’art abstrait que figuratif : en attestent ses aquarelles raffinées consacrées au Pavillon Keller et à la puissance de l’énergie hydraulique. Une marine irradiée d’éclairs évoque la prochaine réalisation d’une Centrale hydroélectrique ichtyophile, respectueuse de la pisciculture. Inscrite dans les programmes de réhabilitation du Pavillon Keller, elle assurera ainsi son autonomie énergétique. Cela coule de source… La transition énergétique, économique et culturelle est en route sur les rives de la Romanche.
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