Photo © Fabrice Schiff
Par Baudouin Wisselmann
Alexis est de ces entrepreneurs trentenaires qui ont fait le pari de Shanghai. Vous l’aurez compris, il s’agit bien de l’ami d’enfance et futur beau-frère de Mathieu Chavant, arraché à Lyon, et Alexis n’en est pas à sa première victime.
C’est une bande entière du Beaujolais qu’il a attiré à Shanghai, dont un camarade de CE2 Florian Dutey qui va lui aussi marier une belle de Hong Kong. Un tantinet entremetteur, il l’est encore davantage avec sa marque « Dagobear », facétieuse référence à la chansonnette « le bon roi Dagobert » et à sa fameuse culotte. L’offre d’Alexis est assez originale, elle a démarré par un coffret en bois contenant une paire de chaussettes assortie au bandeau d’un caleçon devant rendre monsieur élégant et disposé « #ToGetHer ». « On avait remarqué que la lingerie était un achat plaisir essentiellement féminin, et que cela restait un achat utile pour les mecs. Mais c’est pourtant quelque chose que nos mères ou copines offrent de plus en plus. Elles représentent plus de 50% de notre clientèle ». La jeune entreprise de lingerie qui se développe entre la France et Shanghai, et de mieux en mieux, enregistre un chiffre d’affaires de 500 000€ qui a doublé depuis 2012. Un DagoShop a même ouvert à Paris et ses accessoires sont vendus chez nos voisins en Europe, en Corée, au Japon et donc en Chine où le marché est en train de naitre. Sa fibre de businessman s’est clairement révélée lors de son M2 à l’Université de Florida où il remporte deux concours d’innovation et d’entrepreneuriat. Parti d’une idée de start-up vendant des packages accueil pour étudiants étrangers aux Etats-Unis, il va finalement s’installer à Shanghai début 2009 pour tenter « SOS Expat » avec Bruno Koenig enseignant à l’EM Lyon. Le business model est révisé, Adrien Lemaire, son futur associé dans Dagobear arrive en renfort mais rien n’y fait, les commissions sur les services sont maigres et les marges restent trop faibles. Pourtant la boite ne passe pas loin du « casse » ; son concurrent direct de l’époque, aussi en difficulté, student.com, a levé en février 50 millions de dollars…
Le système D
Une leçon d’humilité pour Alexis qui réinvestit tous ses bénéfices et se rémunère en dernier. Bien-sûr, il faut nourrir baby Jacke, arrivé il y a 5 mois et sa mère, architecte chez Tai Ping Carpets, une marque de tapis de luxe. « Je m’accorde un millier d’euros donc pour l’instant je compte pas mal sur ma femme » nous confie-t-il amusé. Cet « argent de poche » lui permet d’entretenir sa collection de whisky. « Je me suis lassé des couteuses soirées en boite à siroter de mauvais cocktails, et puis je vieillis donc j’invite plutôt les gens pour découvrir et boire de bonnes choses ». Il stocke ses pièces maîtresses chez lui dans le Beaujolais à Chazay-d’Azergues, « je suis un fan d’Islay, et comme j’aime les contradictions, j’apprécie aussi les bourbons, l’essence américaine qui me rappelle mes années US. Mon trésor ? Un Laphraoig de 18 ans d’âge, et pour garnir ma cave, à chacun de mes voyages je me permets de passer au Dutyfree pour m’offrir une nouvelle bouteille ». Bientôt trentenaire, papa qui plus est, Alexis a dû adapter ses sorties et choisi de se concentrer sur la myriade de concerts proposés à Shanghai. Classique, jazz, électro, rock la carte est très large, et les plus grands artistes y passent. « On a une session rock et métal dans les mois qui viennent et ici, pas besoin de prendre tes billets à l’avance, tu vas sur place, on te les vend au black à 20 €. Mais c’est quand même très spécial, il y a beau avoir Muse qui met le feu au stade, ça ne fait pas bouger les Chinois, à tel point qu’au concert de Metallica, le staff du groupe est venu nous chercher pour nous placer devant. On était seuls à mettre l’ambiance ». L’information étant surtout en chinois, les expatriés ne sont donc mis au courant que des plus grosses affiches, relayées par des sites occidentaux. La Chine n’a certes pas connu la culture rock, il n’en reste pas moins que des groupes comme The Rolling Stones, M, Rammstein, Iron Maiden viennent de temps à autres jouer au bord du Huangpu.
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