Photo © Mémoire des Arts
Par Alain Vollerin
L’heure de la Crise ayant sonné, les invités étaient affamés. Les édiles avaient prévu de leur jeter de la nourriture, parcimonieusement, comme à de pauvres migrants. Au fait, avez-vous rempli votre demande pour accueillir un migrant, chez vous ?
Il paraît que Sylvie Burgat, directrice de la Biennale accueillera plusieurs familles ? Quelle générosité ! Mais, méfions-nous des méchantes langues. La Sucrière est un bâtiment ignoble, posé sur un nuage de poussière. Pendant la précédente conférence de presse, j’avais râlé contre les atroces marches métalliques qu’il fallait gravir, pour entendre s’auto-congratuler nos éminents organisateurs et « politichiens ». Ma parole aurait-elle une importance, même quelconque ? Changement. Les discours eurent lieu au rez-de-chaussée. Ouf ! Parmi les aboyeurs patentés (dans le Sucre, il faut s’égosiller, pour être entendu), nos plus belliqueux élus. On s’ennuyait ferme. D’ailleurs, la foule n’avait rien changé à son comportement. Elle dissertait gentiment. « Alors tes vacances ? » « Ah ! Bonjour Mr le conseiller régional. » « Comment allez-vous, Mr le premier adjoint ? » « Quel bel été, chère Antoinette ! », etc, etc.
Hirsute, Georges Kepenekian cherchait les toilettes. Une déformation professionnelle, pour ce proctologue en retraite. Sur la tribune, on vit paraître, Jean-Jack Queyranne, président de la région, pour encore quelques mois. Je dis cela, parce qu’il avait l’air inquiet, et tendu, peut-être par la démission brondillante de son épouse Elisabeth, déjà exclue du Parti Socialiste. Gérard Collomb prit la parole, en atrabilaire irréductible. Il ne parvient plus à dissimuler, son véritable caractère. On sentait que tout agaçait notre sénateur. Point de sourire, mais une grimace, plutôt inquiétante. La présidence de la Métropole est probablement une tâche épuisante. Il faut de la jeunesse, qui nous le savons tous, n’est pas éternelle. Gérard Collomb, satisfait de son action, comme à son habitude, fit l’apologie de son soutien, à Thierry Raspail qui m’avouait que le budget de la Biennale avait été maintenu. En revanche, celui des manifestations périphériques, a considérablement baissé.
Vint le tour de la ministre, Fleur Pellerin qui ne sait rien, mais, peut à la perfection parler de tout : la mort de l’écrivain de Tel Quel, l’irrévérencieux Denis Roche, le décès de l’historien du cinéma Raymond Chirat, la culture des édelweiss dans le Haut-Jura, la pêche aux harengs autour du port de Dieppe, si magnifiquement traduit par le célèbre Jean Couty, et, la Biennale d’art contemporain de Lyon, bien entendu. Fleur Pellerin est une communicante issue du giron de Laurent Fabius. Elle est parfaite. Mais pourquoi, demeure-t-elle incrédible, malgré ses efforts ? Elle célébra la présence d’Anish Kapoor dont l’œuvre installée dans les jardins du palais de Versailles, très insultante pour le souvenir de Marie-Antoinette, fut bêtement « profanée ». Comme, pour l’équipe de Charlie, qui sème le vent récolte la tempête. Il faut l’assumer, ce que fit très intelligemment Anish Kapoor.
Jambon cru, gruyère, bavardages et solennités
A l’issue des consternants babillages officiels, un pot était offert. Il était devenu traditionnel de servir une excellente bière : la Duvel. Crise économique oblige, les verres étaient réduits des deux tiers, et les canettes aussi. Sobriété obligatoire. Curieusement, on vous servait sur de longs comptoirs du jambon cru, dont on ne sut jamais l’origine. Pas russe, puisque François Hollande nous plonge dans un embargo poutinien qui plombe le budget de nos éleveurs. Les visiteurs avalaient, en se ruant sur tout ce qu’on leur présentait. On vit du gruyère, absorbé par des vandales qui se comportaient, non pas, comme de gentilles souris, mais, à la manière de gros rats gloutons. Epique leçon d’impolitesse donnée par les « politichiens », eux-mêmes qui se goinfraient, sans vergogne. On servit aussi une étrange chinoiserie belge, pas très ragoutante, une crevette martyre dans du gouda pané. Une offense à nos papilles, dans la capitale de la gastronomie. On avait envie de fuir ces rumeurs insanes, cette suffisance pourtant sensibilisée par le flot des migrants. La 13e Biennale est une sorte d’hommage permanent aux menaçantes répercussions des flux migratoires, et donc, de la redoutable mondialisation.
Les artistes deviennent des sociologues, comme Kader Attia, ou, des donneurs de leçons à la façon de Liu Wei. Quelques notables, comme Michel Brochier, avaient choisi de réunir leurs amis. On aperçut le patron d’Euronews, Michael Peters, qui a besoin d’un chausse-pied, pour rentrer dans son costume. Erick Roux de Bézieux bénéficia de son annuelle heure de gloire, lorsqu’il remit avec conviction, le Prix de la Francophonie à Hicham Berrada, lequel choisit d’enfermer des fleurs de jasmin dans de noires vitrines. Laurent Wauquier était présent, sans complexe et décontracté, à la manière d’un mousquetaire en campagne. Michel Havard ne comptait pas encore ses voix, pour les prochaines élections, mais ses soutiens assurément. Le peintre Alain Pouillet représentait une génération d’artistes, émergente dans les années quatre-vingt, et totalement border line. Parmi les galeristes parisiens, Youri, le fils de Liliane Vinci, récemment disparue, qui était toujours présente pour la Biennale. Bernard Clarisse, artiste prochainement héros de Normandie Impressionniste, observait ce spectacle avec le regard d’un lecteur de Gustave Flaubert. Il faut dire que nous étions cernés par les disciples contemporains de Bouvard et Pécuchet. Malgré le savoir-faire de Thierry Prat et de ses équipes, la 13e Biennale d’art contemporain de Lyon laisse des sensations d’apocalypse, de fin du monde. Les belles années sont passées trop vite, et pour longtemps…
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