Par Alain Vollerin
L’ouvrage « Café Society » raconte cette tendance née à la fin de la seconde décennie du XXe siècle pour s’achever en 1960. Un univers progressivement constitué par une jeunesse issue d’une aristocratie qui avait compris qu’elle ne retrouverait jamais le pouvoir…
Ils y côtoyaient aussi de grands bourgeois aux fortunes parfois mystérieuses, d’artistes précurseurs dans la liberté de leurs mœurs, de mécènes avides d’être déniaisés comme Marie-Laure de Noailles, de gourgandines championnes dans l’art de courir après les dollars, de danseurs et de musiciens inscrits avec Picasso et Cocteau dans l’histoire de la modernité. Tel fut ce mouvement parallèle à la vie quotidienne du peuple français interdit de ces grandes messes de la mondanité et du snobisme que furent les fameux bals comme celui qui se déroula à l’initiative de Charles Beistegui au Palais Labia à Venise. Citons encore Le Bal de la mer 1928, le Bal colonial 1931, le Bal des tableaux célèbres 1935, le Bal du tricentenaire de Racine 1939 et enfin le Bal des rois et reines 1949. Il fallait être perruqué, moucheté, parfumé par les plus grands. Ils s’appelaient Etienne de Beaumont, Alexis de Redé, l’inimaginable marquis de Cuevas, Henry Channon qui en tient un journal de 1934 à 1953, Paul-Louis Weiller, Lady Cunard, Barbara Hutton, Mona Bismarck qui avait épousé en troisième noce le petit-fils de l’épouvantable chancelier prussien, le duc et la duchesse de Kent, Lady Diana Cooper, le duc et la duchesse de Winsdsor, etc.
Tout ce beau monde dansait sous la musique de Francis Poulenc ou de Georges Auric dans des décors peints par Picasso ou Derain. Van Dongen et même le Lyonnais Louis Touchagues les immortalisèrent en jaquettes sombres, l’œillet ou la rose à la boutonnière, la pochette déployée comme le blanc drapeau d’une noblesse parfois usurpée. Cette déliquescence, qui se souhaitait sacrilège, fut illustrée par Christian Bérard dit Bébé. Certains furent des mécènes éclairés, collectionneurs de l’art de leur temps. Ce monde nourri du demi-monde succédait aux fastes du second-Empire dont l’influence perdura dans notre société jusqu’à l’accession du général de Gaulle à la présidence de la République. Ces fantasmes étaient largement nourris des exploits des personnages de l’œuvre de Marcel Proust et de son ami Robert de Montesquiou. Contrairement à nos people contemporains, le monde de l’art représentait pour eux une accession à un idéal qui fait cruellement défaut à nos lourdauds marchands de tout et n’importe quoi, à la va-vite pour des fortunes qui fondront peut-être au premier soleil. L’auteur, Thierry Coudert a écrit dans le catalogue de l’exposition Cartier à la Gulbenkian Foundation en 2007. Magnifiquement illustré avec de grandes photos et des extraits étonnants du scrapbook du baron de Cabrol.
Café Society / Flammarion Livres d’art
Relié sous jaquette. 31 x 24 cm. 320 p. 60€
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