Par Marco Polisson

Une église Saint Martin pleine à craquer pour entourer la famille de Roland Bernard, décédé mercredi 6 mai 2009 des suites d’un cancer de l’œsophage à l’âge de 64 ans. L’ancien sénateur-maire d’Oullins a du esquisser un délicat sourire en voyant du haut du ciel la famille socialiste se pencher sur son cercueil.

Il est arrivé en retard, seul, et a gravi les marches de l’église paroissiale avant de rejoindre le chœur où l’attendaient famille et personnalités. Le début d’une cérémonie aux allures de Golgotha pour Gérard Collomb, le seul à exprimer ouvertement sa peine. Impossible de sonder les cœurs (de pierre ?) de ses kamarades socialistes Jean-Jack Queyranne, Jean-Paul Bret, Sylvie Guillaume, Christiane Demontès ou verts Gilles Buna, et Etienne Tête (qui avait sorti son plus beau costume pour honorer Roland…). Mais il n’est pas le seul débraillé dans cette assemblée bigarrée où surnagent quelques gentlemen comme Gilbert Chabroux, son homonyme Roland Bernard (ensemble ci-dessus en 2006), Jean-François Lanneluc, Gilbert Coudène, Jean-Luc Da Passano, Michel Thiers ou Yoann Begot.

Natif d’Oullins, Robert Marmoz retrouve non sans émotion l’église de son baptême. Les patrons du corps consulaire de Lyon n’ont pas fait le déplacement pour saluer une dernière fois celui qui était consul honoraire de Macédoine. En revanche, Danièle Mitterrand est bien présente, soutenue d’une canne et de son beau-frère. Le couple présidentiel était très proche de Roland et de Nicole Bernard, chez lesquels il séjournait régulièrement dans leur propriété de Cluny acquise en 1974. Accompagné de Dalida, Roger Hanin ou de JacK Lang, il y dînait chaque dimanche soir de Pentecôte, après la traditionnelle ascension de la Roche de Solutré.

L’ancien maire d’Oullins a raconté à notre confrère Jacques Boucaud avec drôlerie la première soirée du président Mitterrand chez lui, juste après son élection en 1981 : « Ça m’a fait drôle de retrouver Dalida dans notre cuisine, en train de faire la vaisselle ». Une époque que n’a pas connu François-Noel Buffet, actuel sénateur-maire UMP d’Oullins venu saluer la mémoire de son prédécesseur socialiste, « un esprit brillant et cultivé, député à 36 ans, sénateur à 40 ans, et retraité à 51 ans, un exploit même si on l’a bien aidé pour cela ! » rappelle son fils Denis à une assistance dans ses petits souliers. De Roland Bernard, on retiendra ses 13 ans consacrés au service des Oullinois, la création du Théâtre de la Renaissance, la Cité de la Création et son implication dans le festival « Piano à Lyon ». Sans oublier son lâchage – certains parlent de lynchage – par le Parti Socialiste…

C’est dans ce contexte que le sermon du père Christian Delorme, qu’on ne connaissait pas si bon orateur, a capté l’attention du sénateur-maire et de l’assistance tout entière. Avec des termes forts mais choisis. Evoquant l’évangile des Béatitudes – un texte choisi par Roland Bernard lui-même avec sa sœur « au cas où » – l’ancien curé des Minguettes s’est attaché à comparer le récit de Saint Mathieu* avec la vie du défunt.

« Ces Béatitudes représentent un de ces grands rêves qui font avancer les hommes. Personne ne peut ignorer que Roland Bernard ait eu faim et soif de justice. Personne ne peut contester que Roland Bernard ait été un artisan de paix » avant d’asséner le coup de grâce : « Nul ne peut oublier qu’il a été aussi insulté et rejeté à tort ! Il a eu des ennemis et l’on sait à quel supplice cela l’a conduit. » Un sermon sur la montagne auquel Gérard Collomb fait face avec émotion et dignité. « J’ai demandé à Nicole de témoigner car avec Roland, notre parcours n’a pas été un long fleuve tranquille. Le Parti Socialiste est une grande famille et comme dans toutes les familles, il y a des discordes. »

Rappelant leurs débuts militants communs à Sainte Foy Les Lyon, en 1970, « le début d’une grande histoire » sans évoquer la fin qu’on sait houleuse (lire l’interview de Jacques Boucaud, dans la rubrique « Les Gens »). « Dans tout homme, il y a une part de  force et de fragilité. Sa force résidait dans sa force de convaincre, et sa fragilité, il la gardait pour ses amis, sa famille et sa femme Nicole. » Silence de plomb sous les voutes de Saint Martin. La voix brisée par l’émotion, le sénateur-maire de Lyon poursuit : « Je m’en veux un peu d’avoir repoussé au lundi la visite que je devais faire le dimanche » avant de conclure, presque inaudible : «Si quand tu as senti tes forces t’abandonner, tu t’es interrogé sur ce qu’était ton bilan, alors tu as dû être fier de ce que tu avais accompli. » Sur le parvis, Gérard Collomb, en larmes, enlace la famille du défunt alors que le cercueil sort sous les applaudissements. Posthumes.

* Les Béatitudes – Evangile de Saint Mathieu

Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux. Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise. Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés. Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde. Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu. Heureux ceux qui font œuvre de paix: ils seront appelés fils de Dieu. Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux.

Heureux êtes-vous lorsque l’on vous insulte, que l’on vous persécute et que l’on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi.

Gérard Collomb très ému à l’issue de la cérémonie

François-Noel Buffet, sénateur-maire d’Oullins et Jean-Jack Queyranne, président du Conseil régional présentent leurs condoléances à Nicole Bernard et à ses 4 fils

Gilbert Chabroux, Bruno Polga et Christiane Demontès

Gilles Buna

Danièle Mitterrand vient présenter ses condoléances à la famille

Danièle Mitterrand et Jacques Boucaud (Le Progrès)

Jérôme Chabannes (Piano à Lyon)

Danièle Mitterrand à la sortie de l’église

Danièle Mitterrand, son beau-frère et Alain Eicke (France 3)