Par Alain Vollerin
Ah ben les gones, j’étais en plein chez Guignol et Gnafron. Ce qu’on appelait dans le temps le musée de la marionnette. Entièrement restauré. Des années de labeur tous ces travaux (dix ans). Madame Simone Blazy y a perdu son latin, et gagné une retraite bien méritée.
Son successeur est Mme Maria-Anne Privat-Savigny. Des trésors, qu’il contient ce musée Gadagne (centre de documentation, 39 salles pour les deux collections, 6000 m2, un petit théâtre, café, boutique, ateliers pédagogiques, etc… ). Des archives dans tous les domaines. Tout notre Patrimoine de lyonnais. C’est une âme d’artiste, un peintre à ses heures de loisir, qui en eut l’idée, l’érudit Claude Dalbanne, suffisamment riche d’humour pour rejoindre le groupe Ziniar : Pierre Combet-Descombes, Etienne Morillon, Emile Didier, Antonin Ponchon, Georges Albert Tresch, Jacques Laplace, etc… Il avait imaginé avant l’heure un musée d’Art et d’Histoire inauguré en 1921. Bravo Claude Dalbanne ! N’oublions pas de le célébrer. Il œuvra sans moyens, avec un courage exemplaire. Dans la plaquette contenant une inutile préface de Képé le néant, on cite Georges-Henri Rivière, mais pas un mot sur Claude Dalbanne qui fit don de ses collections au musée. Quelle ingratitude ! On est bien peu de chose, et mon ami la rose… chantait le bon poète Ronsard.
Tout avait bien commencé de cette visite avec l’ami Marco de Lyon People qui pousse des oh et des ah à chaque pas. Pauvre naïf ! Mais, dame, il en faut. D’ailleurs, cette exposition temporaire (la première, depuis la réouverture en juin 2009) fait exploser le nombre d’entrées. Un record. On comprend, voici des thèmes qui attirent les chauvins lyonnais que nous sommes tous : Lyon capitale de la Gastronomie, la cuisine gastronomique des mères lyonnaises, la cuisine populaire « guignolesque », le rayonnement de la gastronomie lyonnaise, les nouvelles tendances culinaires, etc… La conception de cette exposition est assez remarquable pour que nous félicitions les scénographes de la Société Fixart : Mrs Jolly, Chemelle et Cunin. 400 œuvres, des films, des vidéos et beaucoup de photographies, des menus, des objets de cuisiniers dans un décor ponctué par des espaces où flottent des rideaux semblables à des toques de chefs. Mais, comment évoquer le sublime Curnonsky, prince élu des gastronomes, qui fit de Lyon la Capitale Mondiale de la Gastronomie en 1925, sans nommer sa filleule, Chantal Chagny, le Cep à Fleurie qui eut deux étoiles au Michelin avant que son époux, le génial Gérard Cortembert ne meure brutalement. Chantal rayonne toujours dans le respect des saisons et des produits, et les Américains célèbrent son talent comme le fit le New York Times. Un tel oubli sent le règlement de compte à la lyonnaise.
Autre manque. L’image du bon Félix Benoit qui fit tant pour notre gastronomie, et nos lyonnaiseries. Parlons de choses qui ne fâchent pas : une quenelle à la lyonnaise, un cervelas truffé et pistaché (pour moi, il vient de chez Moinon), un gratin de queues d’écrevisses, etc… Un chapitre aurait pu s’intituler « le temps des Brasseries » tant il y en eut de superbes, et décorées par d’anciens élèves de l’école des Beaux-Arts de Lyon, comme les frères Théodore et Léon Lévigne. Rendons hommage à Dominique et Alain Vavro qui donnent à la bistronomie actuelle le décor étudié qu’elle mérite. Pas un vernissage de salon d’art qui ne s’acheva dans un de ces divins établissements comme Morateur, les Ambassadeurs, Restaurant Farge, etc… Oui ! Lyon fut capitale de la bière par la volonté de personnalités comme Georges Hoffher, comme les Winckler, les Rinck, etc. La Brasserie Georges désormais animée par Christian Lameloise demeure un temple, où on brasse la bière à volonté. A Vaise, on faisait des quantités de pâtes. Le nom de Rivoire et Carret est gravé dans nos mémoires.
Si la tradition du mâchon est durement remise en cause par nos rythmes de vie, malgré l’effort des Francs Mâchons, les touristes peuvent découvrir l’ambiance du véritable bouchon, notamment Chez Hugon, où règne encore Arlette qui s’apprête à passer les commandes à son fils Eric. Et les mères lyonnaises ? La mère Guy, la mère Filloux, Léa Bidaut, et la mère Brazier qui n’aurait jamais accepté deux étoiles au Michelin avant l’ouverture de son restaurant. En ce temps-là, on avait des principes. Maintenant, on a des relations. C’est tout autre chose. Impossible de ne pas rendre à Paul Bocuse les honneurs qu’il mérite. Continuons à parler longtemps de ses innombrables dons. Par la puissance du savoir-faire de Paul Bocuse dans tous les domaines de la cuisine contemporaine, Lyon est incontestablement devenue la Capitale Mondiale de la Gastronomie. Mais, n’oublions pas Fernand Point, Jean Vignard, Roger Roucou, Alain Chapel, Christian Bourillot, Pierre Orsi, et de nos jours : Philippe Gauvreau, Christian Têtedoie et Arai Tsuyoshi le prodigieux créateur du 14 Février.
Pour finir, je donne la parole à Guignol qui vous conseille de tâcher moyen de bien vous remplir le bidon, sans manger à regonfle, et surtout pas des ragotons, ni du groin d’âne, mais peut-être quelques délicieux clapotons, ou même des béatilles, en attendant le retinton, et après s’être rincé le corgnolon d’un beaujolais de chez Jean-Paul Dubost. Pensez qu’on mangeait de la friture de goujons du Rhône ! Sacré nom d’une bugne, la pollution a tout tué. Tiens, je pense encore à un autre grand oublié, et qui ne méritait pas de l’être, le regretté Gabriel Desprat qui fit une carrière de critique gastronomique dans l’exigence, et d’excellents papiers dans la rubrique judiciaire du journal Le Progrès. Je vous recommande l’achat du catalogue qui contient quelques bons menus, pour 25€. Un répertoire de documents rares que vous répercuterez auprès de vos enfants et à vos amis.
Jusqu’au 29 avril 2012
Musée Gadagne
1, place du petit Collège – Lyon 5e
04 78 42 03 61
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