Par Marc Polisson

Il y avait bien longtemps que je n'étais pas tombé de mon lit (garni) aussi tôt un samedi matin. Mais assister au dernier acte d'une série aux multiples rebondissements qui a manqué de se transformer en tragédie dimanche 16 mars, quand l'arrondissement a failli basculer à gauche, méritait tous les sacrifices.

  Samedi 29 mars, 9h30, en mairie du 6ème. Les acteurs de la bataille des municipales se sont mis sur leur 31 pour ce que tout le monde semble considérer comme un happy end. Il flotte un petit air de mariage dans la grande salle du conseil. C'est d'ailleurs dans cette même salle qu'on célèbre les unions matrimoniales et ce matin-là élus, parents, amis arborent tous les accessoires obligatoires à ce type de cérémonie : appareils photos numériques, rang de (fausses) perles, sans oublier les chaussures cirées. D'aucuns frisent la mise endimanchée, perceptible surtout sur les bancs de la gauche, où certains viennent vraisemblablement de découvrir les joies du nœud de cravate.

Bien entendu, je ne parle pas de Jean-François Arrue, gentleman farmer (du boulevard des Belges) le plus distingué du lot collombiste, qui devrait très bientôt abandonner son poste de consul du Pérou, incompatible avec ses nouvelles fonctions de conseiller d'arrondissement. Pas de fausse note vestimentaire à droite, Amaury Nardone arbore son éternel costume chocolat et la cravate club assortie d'une pointe de rouge. A un cornet de lui, Laurence Balas qu'on sent (enfin) détendue et Denise Robin tout heureuse d'avoir sauvé sa tête. Finalement la seule qui détonne quelque peu est sans doute Sophie Majou, la correspondante du Progrès, qui déboule à la bourre, coiffée avec un pétard et affublée d'un de ces pantalons taille basse qui font la joie des post-ados et de toute l'assemblée rivée sur son (joli) postérieur, se découvrant et se recouvrant au rythme de ses contorsions photographiques.

Les places assises sont chères et beaucoup de monde doit faire le pied de grue deux heures durant. Absents et indésirables se rencardent discrètement par SMS pour connaître l'état d'avancement des travaux. « On est heureux de vous voir aussi nombreux ! » se félicite, très émue, Nicole Chevassus qui préside la cérémonie sous le regard de son parrain aux lunettes noires, Pierre Masia. Chemisier grand ouvert, Catherine Moulin et Luc Lafond (cravate rouge) complotent dans leur coin. Dominique Nachury lisse son rouge à lèvres rouge écarlate pour faire bonne figure devant les benjamins de l'assemblée, Thierry Mouillac et Vincent Michelin nommés secrétaires de séance tandis que François Turcas est aux abonnés absents « pour cause  d'enterrement » précise le maire sortant.

Devant l'estrade, se tiennent cinq bambins à la manière des enfants de cœur au pied de l'autel… c'est-à-dire bien dissipés. La cérémonie laïque peut démarrer. Chaque conseiller est allé poser son bulletin dans l'urne. Dépouillement sans suspense, sans surprise non plus : premier adjoint dans le mandat précédent, Jean-Jacques David est élu et tombe dans les bras de Nicole qui remercie électeurs, collaborateurs, mari. « Le chapitre Millon est terminé. Nous avons tous fait de notre mieux durant le mandat précédent. Mon successeur, bientôt dégagé de toutes obligations professionnelles, sera corvéable à merci. » Un petite pique à destination de la presse avant de conclure : « Ce fut une belle page de ma vie, merci à vous tous de m'avoir permis de l'écrire. » Standing ovation de l'ensemble du conseil et du public.

Ceint de la sainte écharpe, JJD s'installe dans le fauteuil. Sa petite fille Jade ne le quitte pas des yeux. La consécration pour celui qui est entré en politique il y a plus de vingt ans et qui, naviguant habilement au gré des courants, en a gravi tous les échelons municipaux. Pour l'heure, notre homme procède à l'élection des adjoints avant d'assurer le discours d'usage dans lequel il salue le dévouement de son prédécesseur et le remercie de sa confiance. « Nous ne pratiquerons pas d'opposition stérile et idiote » assure le nouveau maire du 6 qui espère que Gérard Colomb le recevra rapidement « pour étudier la meilleure façon de travailler ensemble ». Dans son émotion, il en oublie de passer le micro à son opposition mais Heïdi Giovacchini n'est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. « Nous veillerons à ce que le 6ème avance avec le reste de la ville » assure la working girl qui a décroché le poste de 2ème adjointe en mairie centrale. Pour les deux discours, applaudissement de l'ensemble du conseil et photo de famille sous le buste de Marianne. Après les déchirures de la campagne, l'horizon politique des quartiers chics semble placé sous les meilleurs hospices… Faute d'orthographe volontaire, car nombreuses sont les plaies à cicatriser…