Tinca, été 2013 – Photo © Bruno Amsellem
La tribune libre d’Hubert Julien-Laferrière
Depuis le début de la législature le gouvernement et les élus locaux sont régulièrement interpellés sur la question des populations Roms présentes sur le territoire français. Ces derniers jours, le débat s’est accéléré. Et tout le monde s’accorde pour dire que la solution de long terme ne pourra venir que des pays d’origine, Roumanie et Bulgarie principalement, dans lesquels elles ont été trop longtemps ostracisées.
Dans le cadre de mon mandat de vice-président délégué à la coopération, le Grand Lyon a engagé une coopération avec la ville de Tinca au Nord-Ouest de la Roumanie, d’où sont issus un certain nombre de Roms roumains présents sur l’agglomération lyonnaise. Une ville qui compte 8000 habitants dont près d’un tiers sont des Roms.
Cette coopération, basée sur un programme de développement (raccordement au réseau électrique des familles les plus pauvres et création d’un centre multifonctionnel : bains publics, prise en charge des enfants non scolarisés, suivi social…) est la première coopération décentralisée franco-roumaine qui vise à l’intégration des Roms roumains chez eux, en collaborant avec les autorités locales roumaines. Elle bénéficie d’un financement du Grand Lyon à hauteur de 100 000 euros par an et a reçu le concours de la Fondation Abbé Pierre pour 90 000 euros.
Des acteurs locaux français et roumains impliqués
Ainsi nous travaillons depuis plus de deux ans avec le Maire de Tinca et ses équipes, le Département de Bihor, l’ONG lyonnaise « Villes en Transition », la fondation roumaine « Ruhama », ainsi que notre Ambassade de France à Bucarest.
On a longtemps mis en cause le gouvernement roumain pour son absence de politique d’intégration des Roms sur son territoire. Les choses en réalité progressent aujourd’hui. Mais surtout les maires roumains, eux, ont tout intérêt à une bonne intégration des Roms : d’abord il existe des maires qui se soucient du sort d’une population longtemps discriminée ; dans tous les cas aucun ne néglige que ce sont des électeurs, et surtout tous voient bien que quand 25 à 30% de la population d’une commune vit dans le dénuement le plus total, cela a évidemment des conséquences pour l’ensemble de la population. Depuis le début de notre intervention, le Maire de Tinca s’est mobilisé, deux membres de la communauté Roms ont fait leur entrée au Conseil Municipal à l’occasion des récentes élections municipales et le Département de Bihor (qui, comme nos départements, a une importante compétence dans le domaine social) a décidé de participer financièrement au fonctionnement du centre multifonctionnel.
Améliorer les conditions de vie des Roms chez eux
Cela n’a rien choquant de rappeler que, parmi les Roms qui viennent séjourner dans nos agglomérations, tous n’ont pas de projet d’intégration en France. À Tinca comme dans les squats de Lyon, je me suis entretenu avec de nombreux Roms qui m’ont affirmé qu’ils viennent à Lyon pour ramener un peu d’argent pour faire vivre leurs familles chez eux en Roumanie. Dans leur quartier de Tinca, ils m’ont montré leurs modestes maisons construites et rénovées avec l’argent ramené de Lyon grâce au produit de la manche et à la revente des métaux récupérés dans les déchèteries. Ils m’ont affirmé que, s’ils avaient les moyens de vivre plus décemment chez eux en Roumanie, ils auraient donc beaucoup moins de raisons de venir séjourner régulièrement en région lyonnaise.
Au mois d’octobre, nous inaugurerons, au cœur du quartier Roms de Tinca, avec la participation des autorités locales et nationales roumaines, l’équipement multi fonctionnel de 350 m² : douches, sanitaires, laveries, activités scolaires et périscolaires, formations pour les adultes, bénéficieront ainsi à plus de 500 personnes du quartier. Déjà l’année dernière la seule première pierre du centre multifonctionnel avait largement mobilisé les autorités locales et nationales roumaines ainsi que la presse locale et nationale. L’inauguration dans quelques jours devrait donc être un événement assez remarqué. Et ainsi, je l’espère, contribuer à faire naître des initiatives similaires.
Appliquer le principe de subsidiarité
J’ai la conviction en effet que si d’autres collectivités locales françaises et roumaines se lançaient dans ce type d’initiative, cela pourrait à terme contribuer à l’intégration progressive dans leurs pays de nombreux Roms qui viennent séjourner sur notre territoire. Pendant que le gouvernement français développe des programmes de coopération avec le gouvernement roumain, les collectivités locales se lancent donc dans des coopérations décentralisées pour l’amélioration des conditions de vie des Roms dans leurs pays. Mais pourquoi ne pas travailler tous ensemble à cet objectif ? Ces initiatives locales pourraient en effet être encouragées par des incitations de l’Etat et de l’Union européenne, à condition que les collectivités partenaires ciblées soient bien celles d’où proviennent les populations Roms. Élément fondateur de la construction européenne, le principe de subsidiarité veut que toute action soit réalisée au niveau le plus proche possible des citoyens, le niveau supérieur ne devant intervenir que si cela est nécessaire. Tant de milliards d’euros de fonds structurels destinés à la Roumanie sont depuis des années restés dans les caisses de l’UE, Bruxelles et Bucarest se rejetant chacun la responsabilité des blocages bureaucratiques. Faisons donc confiance aux autorités locales françaises et roumaines pour s’attaquer ensemble à ce défi qui les concerne directement, appliquons le principe de subsidiarité !
Hubert Julien-Laferrière
Vice-président du Grand Lyon, le 6 octobre 2013
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