Café des Lyonnes. Marie-Josèphe Laurent : « J’ai toujours eu envie de m’engager pour le collectif »

27 décembre, 2022 | Actualités Juridiques, Actualités Lyon, JURIDIQUE | 0 commentaires

Propos recueillis par Alexandra Carraz-Ceselli Chaque mois, Alexandra Carraz-Ceselli, fondatrice de L’Equipe des Lyonnes, nous propose de découvrir une lyonnaise au parcours remarquable, invitée du « Café des Lyonnes ». Ce mois-ci, nous allons à la rencontre de l’avocate Marie-Josephe Laurent, qui représente le barreau de Lyon en qualité de Bâtonnière. Elle revient pour nous sur le moteur de son engagement pour cette profession autant attractive que difficile, et sur la place des femmes qui y évoluent, en évoquant sans détour leurs atouts comme les contraintes qu’elles doivent affronter.

ACC : Pensez-vous être une femme engagée ?
MJL : Oui, et je l’ai toujours été. Dès que je suis allée à l’école, j’ai été volontaire pour être déléguée de classe. À la fac je suis rentrée dans un groupe d’étudiants, et quelques années après être arrivée au barreau, j’ai commencé à être membre du Conseil de l’ordre, trésorier de l’ordre, membre du Conseil national etc… J’ai toujours eu envie -là où je vis, où je travaille- de m’engager pour le collectif.

Quel est votre moteur ?
Mon moteur, c’est l’envie de mettre mon énergie au service d’une cause ou d’un projet qui va au-delà de ma personne, et je sais qu’en donnant, je vais recevoir en retour. C’est sans calcul, mais c’est automatique, à tous les coups. Et puis surtout, l’engagement vous donne des ailes et de l’énergie.

Quel est le rôle du Bâtonnier ?
C’est un peu le « chef de la tribu » si vous me permettez l’expression, parce que le bâtonnier est le représentant des avocats à l’égard de la société civile, des institutions extérieures. Je dois m’assurer du bon fonctionnement de notre ordre, l’animer, le faire rayonner, mais aussi déclencher des poursuites si l’un d’entre nous commet des fautes disciplinaires, et en même temps je suis là pour protéger mes confrères en cas d’incidents.

Les femmes sont-elles bien représentées dans la profession d’avocat ?
Absolument. Depuis deux décennies, dans les promotions qui sortent de l’école des avocats de Lyon, nous sommes désormais à +60% de femmes.

Cela signifie-t-il que les femmes réussissent mieux dans ce secteur ?
Au stade des études, les filles réussissent souvent mieux à mon sens, que les garçons, parce que comme on se dit que rien de nous sera donné et qu’il faudra tout conquérir, nous mettons les bouchées doubles et nous arrivons souvent fin prêtes aux examens. Nous sommes encore dans l’idée collective que lorsque l’on arrive dans une profession, il faut que l’on fasse la démonstration de nos compétences, alors que nos camarades masculins, eux, arrivent avec une présomption de compétences. Ce sont des idées qui perdurent, des archaïsmes qui sont en train de bouger, mais cela prend du temps et cela reste ancré.

Cela se gâte-t-il après les études ?
A l’échelle du barreau de Lyon -avec 4000 avocats, nous sommes le 2e barreau de France (après Paris), il y a plus de femmes que d’hommes qui rentrent dans la profession, en revanche, statistiquement, on se rend compte que l’on perd en moyenne 30% de femmes dans les dix premières années. La profession est attractive au départ, mais c’est un métier chronophage, qui demande beaucoup d’heures de travail, et ce n’est pas toujours facile de le concilier avec une vie de jeune mère de famille. C’est pourquoi, souvent, les femmes avocats se tournent vers d’autres professions, notamment de juristes au sein d’entreprises où leurs profils sont très recherchés. Et puis, ce qu’il se passe également, lorsque l’on regarde les statistiques de rémunérations, c’est que les femmes avocats sont encore moins rémunérées que les hommes. Donc au barreau de Lyon, nous travaillons sur ces sujets pour y remédier.

« Ma profession ne m’a jamais déçue et je n’ai jamais imaginé faire autre chose »

De quoi les femmes manquent-elles alors pour réussir ?
Une femme, quand on lui propose un poste, la première chose qui lui vient à l’esprit c’est « est-ce que je vais être à la hauteur ? ». Nous sommes toujours en train de nous faire à nous-mêmes un procès en légitimité. Quand une femme regarde une fiche de poste, si elle ne coche pas les 10 points, elle ne postule pas, tandis qu’un homme se contentera de cocher 4 ou 5 points pour candidater. Je pense qu’il y a plus de confiance en soi chez les garçons que chez les filles, mais c’est en train de changer.

Ce n’est pas un comble tout de même pour une profession où l’on défend les intérêts des autres ?
Vous connaissez l’adage « ce sont les cordonniers les plus mal chaussés » ; on sait mieux défendre la cause de quelqu’un que soi-même. Si vous me sollicitez pour résoudre un problème, je vais le prendre à bras le corps, et mettre tout en œuvre pour faire valoir vos intérêts avec une force de conviction. Quand il s’agit d’aller discuter pour soi-même, c’est moins facile.

C’était un rêve de petite fille pour vous de devenir avocate ?
Oui, j’ai eu envie d’être avocat à l’âge de 11 ans, en sixième. On nous avait emmené visiter le Palais de Justice et je suis ressortie en me disant que c’est là que je voudrais travailler plus tard. J’étais déterminée, donc j’ai fait mes études d’un seul trait et j’ai été avocat à 23 ans. Je ne me suis pas laissé détourner par les gens qui me disaient : « personne n’est avocat dans ta famille, tu n’y arriveras jamais ». Ma profession ne m’a jamais déçue et je n’ai jamais imaginé faire autre chose.

Faut-il des prédispositions particulières pour devenir avocat ?
Tout s’apprend et tout trait de caractère qui peut paraître un handicap, se surmonte. Il ne faut pas croire qu’un avocat n’est qu’un beau parleur. En revanche, il faut avoir le goût du travail, le goût de l’honnêteté intellectuelle -au-delà de l’honnêteté financière évidemment, et le goût de l’humanité aussi.

Avez-vous eu l’impression dans votre déroulé de carrière, d’avoir été parfois bloquée ou empêchée parce que vous étiez une femme ?
Jamais, jamais, jamais. Tout au long de mon parcours, j’ai eu des hommes qui m’ont formée, qui m’ont inspirée, et surtout, le plus important, qui m’ont fait confiance. Dans la vie, je pense que le moteur de la réussite, c’est d’avoir très tôt l’occasion de travailler avec quelqu’un qui vous fait confiance. Parce que lorsque cela se produit, on s’investit encore plus et on essaie d’être à la hauteur de la confiance que l’on nous accorde. Après, cela n’empêche pas que sur un plan personnel, j’ai consacré beaucoup de temps à ma carrière et à travailler, et je n’ai eu mon fils qu’à 40 ans. Je ne regrette rien, mais il est vrai que ce n’est pas simple de tout concilier, et je comprends les nouvelles générations qui aspirent à un meilleur équilibre vie pro/vie perso.

Si vous aviez une baguette magique, quelle mesure prendriez-vous pour permettre aux femmes d’être plus engagées dans la société ?
D’un coup de baguette magique, je ferais voter une déductibilité totale des frais de garde d’enfants. Pour les femmes qui travaillent cela viendrait en total déduction de ce qu’elles gagnent. C’est important car aujourd’hui c’est encore un frein pour déployer pleinement son activité, au même titre que les hommes.

> Retrouvez cet entretien dans son intégralité sur la chaîne YouTube « L’Equipe des Lyonnes »

<a href="https://www.lyonpeople.com/author/marco" target="_self">Marco Polisson</a>

Marco Polisson

Rédacteur en chef
Co-fondateur du magazine.
En charge de la rédaction et responsable des partenariats.
Délégué à la protection des données RGPD

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