« Il faudrait que quelqu’un ose lui faire une petite p… » taille le journaliste Gérard A – Photo DR
Par Benjamin Solly
La Sucrière recevait tout ce que Lyon compte de « bobos people» pour l’inauguration de la 12e biennale d’art contemporain, mercredi 11 septembre 2013. Plus de 2000 personnes et un auditoire rêvé pour le sénateur-maire de Lyon qui, dans son discours, a érigé son bilan municipal au rang d’œuvre d’art.
Il est 17h dans le quartier des Docks lyonnais. La Sucrière commence à fourmiller. C’est dans l’ancien entrepôt des bords de Saône, pivot de l’exposition internationale de la biennale de Lyon, que va battre le cœur de l’art contemporain du 12 septembre 2013 au 5 janvier 2014. Plus en aval de la rivière, le siège flambant neuf de GL Events est également en effervescence. Il accueille jusqu’au 15 septembre le Docks Art Fair, qui héberge 31 galeristes du monde entier (photo ci-dessus). L’ensemble compose une véritable « foire » de l’art contemporain qui prend ses quartiers dans la cité lyonnaise et son agglomération tous les deux ans, en alternance avec la biennale de la danse.
Le programme de cette édition est à la fois jubilatoire et copieux. Baptisée « Entre-temps, brusquement et ensuite », l’évènement s’articule autour de 3 grands rendez-vous. L’exposition internationale sous la houlette de l’Islandais Gunnar B. Kvaran, commissaire de l’édition 2013, avec 77 artistes invités et cinq lieux d’exposition à Lyon (la Sucrière, le MAC, la Fondation Bullukian, la chaufferie de l’Antiquaille et l’église Saint-Just). La programmation « Veduta » regroupe l’ensemble des projets amateurs exposés dans toute l’agglomération lyonnaise. Enfin, le module « Résonance », qui arrose la région Rhône-Alpes autour de 150 événements.
L’ancien secrétaire de la fédération PS du Rhône Jacky Darne fait son apparition, suivi par le conseiller municipal socialiste Hubert-Julien Lafferière. Notre confrère du Progrès Geoffrey Mercier, en pleine rédaction d’un livre sur les municipales de 2014, est venu en voisin humer le bon air de la notabilité lyonnaise. Il précède le potineur Gérard Angel. La foule des grands soirs commence à se densifier. L’artiste stéphanoise Orlan pointe le bout de son nez (photo ci-dessus). Chacun profite de l’accalmie temporaire pour faire le tour des créations exposées à la Sucrière.
L’œuvre qui ouvre l’exposition choque, surprend ou amuse, c’est selon. Une représentation grandeur nature de l’artiste New-Yorkais Dan Colen nu et avachi, jambe écarté et vit nonchalamment posé sur la cuisse. On se souvient de l’émotion qu’avait provoquée chez l’ancien ministre de la culture Frédéric Mitterrand l’œuvre de l’artiste brésilienne Laura Lima, représentant deux hommes nus tirant perpétuellement une corde, lors de la précédente édition de 2011. «Qu’en pensera Aurélie Filipetti », souffle un voisin, moins soucieux que retors.
La ministre est attendue pour inaugurer l’évènement. Elle arrivera aux alentours de 19h15 dans le cortège du préfet du Rhône Jean-François Carenco, à la mine des mauvais jours (va savoir pourquoi !). Les élus locaux ont, eux, déjà fait leur apparition et déambulent au gré des œuvres. Le maire de Villeurbanne Jean-Paul Bret et son adjoint Loïc Chabrier, Jean-Pierre Flaconnèche, Fabienne Lévy prennent place près du podium, quand Michel Havard taille la bavette avec le président du groupe Cardinal Jean-Christophe Larose. Le candidat centriste aux municipales lyonnaises, Eric Lafond, est également présent. Adjoints et conseillers municipaux de la Ville de Lyon se mettent en place. Nadine Gelas, Evelyne Haguenaeur, Georges Képénékian, Marie-Odile Fondeur, Karine Dognin-Sauze et Anne-Sophie Condemine attendent le boss.
Gérard Collomb ne se fera pas attendre. Visiblement très en forme, le sénateur-maire ne déroge pas à la traditionnelle photo avec son équipe municipale. « A team that wins », nous précise-t-il avec un sourire qui en dit long sur ses ambitions, voire ses certitudes. « The answer in a few months », lui répondons-nous. Armé pour le combat, Gérard Collomb donnera corps à ses propos quelques minutes plus tard, au lutrin. Il s’agit pour le moment de ne pas louper l’entrée de la ministre de la Culture et de s’afficher en bonne place auprès d’elle. C’est clairement la foire d’empoigne, mais l’équipe constituée d’Aurélie Filipetti, Gérard Collomb, Jean-François Carenco, Jean-Jack Queyranne, Sylvie Burgat, Gunnar B. Kvaran et Thierry Raspail se fraie un passage jusqu’au podium, sous le crépitement des flashs.
L’équipe de direction de la Biennale se succède au pupitre. Gunnar B. Kvaran, commissaire de l’exposition internationale, évoque de son côté le postulat qui l’a conduit à donner le paradigme de l’évènement. « Comment l’artiste met en place la narration de son œuvre », s’interroge-t-il. La question vaut au Goncourt lyonnais, Alexis Jenni, un hochement de tête approbateur. Gérard Collomb s’efforce lui d’illustrer, par le discours, sa réponse à l’interrogation du commissaire. On avait vu un Collomb très en campagne lors de l’inauguration de l’avenue de Birmingham fin août. Force est de constater qu’hier soir, il a passé la surmultipliée dans un discours très offensif.
Réservant la portion congrue de son intervention à la biennale, le sénateur-maire s’est engouffré dans la brèche pour faire la retape du quartier de Confluence, jusqu’aux nouvelles Rives de Saône. Égrenant par le menu les prestigieux patronymes des architectes ayant œuvré à faire sortir de terre ce nouveau quartier de Lyon, le sénateur-maire à conclu dans une tirade échevelée sa prestation oratoire. « Ce que nous essayons à Lyon, c’est d’inventer un récit, d’inventer une ville qui, avec ses créateurs, est en mouvement. Une ville qui essaie d’inventer l’avenir. Une ville de la jeunesse. Une ville qui veut permettre pour tous ceux qui y habitent de trouver le bonheur. » Où la résurgence d’un eudémonisme parfois un peu naïf mais qui a le mérite de percuter les esprits. A telle enseigne que le discours – prononcé dans la foulée – d’Aurélie Filipetti, verbeux et laborieux, passera franchement inaperçu. Elle aura toutefois le temps d’écorcher le prénom de Dominique Hervieu, la patronne de la maison de la Danse, devenue le temps d’un lapsus « Danielle. »
« Il devait avoir son introduction et sa conclusion, le reste était en roue libre », glisse un célèbre communicant lyonnais, plutôt admiratif. A phagocyter si visiblement l’inauguration de la biennale pour faire sa campagne des municipales, Gérard Collomb ose. On attendait une réaction de son challenger Michel Havard sur la méthode. « Je vous avoue que je n’ai écouté que d’une oreille », confesse-t-il, un peu penaud. Il y avait pourtant matière à réagir. Réveil, Michel !
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