Par Alain Vollerin
Et, comme il a raison. On était au restaurant le Phare où, on mange du bon, malgré le patron qui fait souvent la gueule se situant ainsi dans l'épouvantable tradition du patron de bouchon grognon.
En arrivant, je tombe sur Laurent Gerra (sans me blesser, car j'adore ce souriant fielleux à souhait qui incarne une des dernières voix libres de notre époque confuse et compromise) auquel, je dis mon admiration pour toutes les fois où, il a empaumé Lang de Blois, et ses histrions politicards socialistes. Il me dit que dans son spectacle actuel, il allume de tous les côtés. J'acquiesce en ajoutant : " Vous avez raison y'en a pas un de bon !…" J'aperçois un vieux peintre oublié, Pierre Moschotchenko, et Dieu sait s'il fut glorieux à l'heure de mon adolescence, c'est-à-dire, il y a plusieurs décennies. Il fit ses débuts chez le brocanteur hirsute avant de vivoter à la galerie Malaval aux côtés de notre regrettée amie Anne-Marie Martin. Il était près d'une camarade qui avait abusé du Beaujolais Nouveau. Victor Bosch, véritable amateur d'art, directeur-fondateur du Transbordeur était venu en compagnon des bons et des mauvais jours. Comme, il avait raison, car le dernier album d'Alain Dubouillon, désormais complètement parisien, (il vit, à l'heure où certains autres se mettent en retraite, ou en retrait, un gentil rêve de môme) est réjouissant comme certaines des maximes de Nicolas Chamfort. Comme les bons crus avec le temps son style s'affirme. On voyait traîner dans les coins, un pseudo critique gastronomique qui serait d'accord avec moi pour dire qu'Alain Dubouillon a désormais les vertus d'un vin de garde. Alain Sarraillon, le prélat du dessin d'humour, successeur de l'inégalable et irremplaçable Félix Benoit, était venu nous faire admirer ses bacchantes en souvenir d'improbables bacchanales. J'ai croisé Anne Roche, publicitaire, épouse du peintre et sculpteur Alain Roche, membre du dernier carré des fidèles avec le dentiste amateur d'art Bernard Paquelet. Cette cuvée No 16 des « Semaines de Dubouillon » publiées dans le journal le Progrès (qui fête actuellement ses cent cinquante ans) révèle un humoriste de plus en plus caustique qui n'épargne rien ni personne. Tant mieux. Il y a même des pages en couleur. Le phénomène doit-il être rapproché du réchauffement de la planète? Cette année, il y eut beaucoup de grands morts. De Macha Béranger à Roger Planchon en passant par Derrick, Dubouillon les habille tous gentiment pour leur repos éternel. Jamais méchant, Alain, né comme moi-même sous le signe du scorpion, est un observateur avisé de notre société confuse et perverse. Elle lui donne de quoi alimenter son regard circonspect, son expérience aiguisant ses flèches sibyllines qui toujours touchent juste. Contrairement à beaucoup de nos contemporains, la gloire ne l'a jamais perverti. Il demeurera à jamais un artiste engagé et combattant.
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